4 Novembre 2025
Découvrir The Walsh Sisters sans avoir lu les romans dont elle s’inspire, c’est entrer dans une histoire familiale sans repères préalables, avec la curiosité de voir comment la série parvient à se tenir seule. La saison 1, composée de six épisodes, met en avant cinq sœurs confrontées à leur vie d’adultes, à leurs choix manqués et à des liens familiaux qui ne vont pas de soi. L’idée d’un portrait familial choral avait de quoi intriguer : une fratrie féminine, des tempéraments opposés, une narration qui alterne entre drame intime et quotidien ordinaire.
Sur le papier, le projet promettait une histoire humaine, ancrée en Irlande, portée par plusieurs trajectoires. En pratique, le résultat est plus contrasté. Mon premier contact avec la série avait laissé une certaine frustration. L’épisode d’ouverture tentait de poser trop de bases en un seul chapitre, au point de disperser l’attention. Les cinq sœurs étaient présentées comme des archétypes plutôt que comme des personnes. Chacune arrivait avec sa problématique déjà définie : la dépendance, le divorce, le rôle de pilier, la relation amoureuse incertaine, le statut de cadette encore à la maison. Ces traits servaient d’étiquettes plus que de point de départ psychologique.
À ce stade, il fallait un effort pour croire à leur relation de famille. Leur manière d’interagir, les regards, le ton des dialogues ne suffisaient pas à construire cette impression de vécu commun. Ce qui frappait surtout, c’était l’écart entre l’intention et l’exécution. L’univers semblait vouloir montrer la complexité d'une fratrie, mais les personnages restaient isolés dans leurs trajectoires respectives, comme si chacun tournait dans sa propre série. Même leurs accents, trop distincts, donnaient l’impression que les actrices n’avaient pas grandi sous le même toit. Cette dispersion se retrouvait aussi dans le rythme : les scènes basculaient d’un sujet à un autre sans respiration, sans ancrage émotionnel.
Résultat, le premier épisode ressemblait à une succession de vignettes plutôt qu’à une entrée progressive dans une histoire familiale solide. Heureusement, la saison ne reste pas figée dans cette impression de départ. À partir de l’épisode 2, les intrigues commencent à mieux prendre forme, et certaines dynamiques s’installent. La relation entre Rachel et sa dépendance occupe une place importante, et c’est finalement l’un des aspects les plus aboutis de la série. Ce fil narratif évite les moralismes et montre les conséquences concrètes de l’addiction sur la personne, mais aussi sur ceux qui gravitent autour. Ce n’est pas seulement l’histoire d’une femme qui perd pied, mais aussi celle de ses proches, forcés de choisir entre soutien, distance, colère ou résignation.
Cette intrigue donne de la profondeur à la série, parce qu’elle met en lumière ce que les autres relations familiales n’ont pas encore réussi à transmettre : un enjeu clair, un attachement, une faille difficile à ignorer. D’autres personnages gagnent un peu plus d’épaisseur, mais plus lentement. Le divorce de Claire, par exemple, se révèle moins cliché qu’il n’y paraissait au départ. Ses tentatives de préserver une forme de stabilité familiale avec son enfant ont quelque chose de touchant, même si la série ne lui donne pas toujours les moyens de dépasser le rôle de mère en reconstruction. Maggie, quant à elle, impose une tonalité différente : son humour, parfois ironique, permet enfin de respirer entre deux scènes trop dramatiques.
Sa présence crée un équilibre qui manquait cruellement au début. La question de la cohésion familiale reste pourtant fragile jusqu’au bout. Même si la série tente, à plusieurs reprises, de créer des moments de complicité ou de confrontation, ces scènes fonctionnent davantage quand elles se concentrent sur deux sœurs plutôt que sur le groupe au complet. La fratrie, dans son ensemble, ne transmet pas encore l’intensité d’un lien vécu depuis l’enfance. Il manque cette fluidité propre aux familles où les disputes, les rires, les silences et les souvenirs cohabitent naturellement.
Ici, l’effort se voit, et c’est peut-être ce qui empêche l’identification complète : la série essaie de montrer une famille soudée ou déchirée, mais peine à la faire ressentir. Visuellement, l’ensemble oscille entre authenticité et mise en scène trop appliquée. L’Irlande est bien là en arrière-plan, mais rarement incarnée comme un espace vivant. Certaines scènes urbaines paraissent figées, presque décoratives, comme si la série ne parvenait pas à capter la pulsation d’un environnement réel. Ce manque d’âme visuelle se repère surtout dans les moments censés refléter la vie nocturne ou l’énergie du quotidien.
À l’inverse, des scènes plus intimistes, filmées dans des espaces clos, fonctionnent mieux : l’appartement, la cuisine familiale, les moments de confrontation à deux ou trois personnages. C’est là que la série semble trouver son ton. La figure maternelle reste, elle aussi, un point délicat. Son rôle, trop caricatural dans le premier épisode, évolue mais sans jamais se détacher entièrement des clichés initiaux. Sa dureté apparaît comme un ressort narratif récurrent, une manière de secouer les filles ou de les renvoyer à leurs échecs. Cette approche finit par réduire le personnage à une fonction, plutôt qu’à une véritable personnalité. Le père, de son côté, reste léger, presque effacé, comme une présence en retrait censée amener un apaisement.
Là encore, difficile de sentir une vraie dynamique parentale. Au fil des épisodes, la saison réussit pourtant à retenir l’attention, non pas par sa construction familiale, mais par la manière dont elle aborde certaines blessures personnelles. Si l’objectif était de montrer que les liens du sang n’effacent pas les fractures individuelles, le message passe. Ce qui manque, c’est la densité émotionnelle permettant de vibrer avec cette famille, d’être heurté par ses disputes, touché par ses tentatives de rapprochement, bouleversé par ses effondrements. Tout est là en surface, mais il faut chercher en dessous pour y croire réellement. La saison atteint sa fin sans renverser complètement les impressions de départ.
Elle trouve une cohérence narrative, mais pas encore une cohésion humaine totale. Certains personnages évoluent, d’autres restent dans une zone d’attente. Les intrigues s’ouvrent davantage qu’elles ne se referment, comme si la série préparait déjà une suite, sans donner à la première saison une véritable identité entière. En refermant cette saison, je garde un sentiment mitigé. L’idée, la promesse, les thèmes, tout donnait envie d’y croire. Le traitement de l’addiction, surtout, prouve que la série est capable de saisir quelque chose de vrai, de fort, d’exigeant. Mais la construction d’ensemble reste trop inégale, et l’émotion peine à s’installer durablement.
Note : 5/10. En bref, une série qui possède les thèmes pour toucher juste, mais qui n’a pas encore trouvé la profondeur nécessaire pour faire ressentir la famille qu’elle raconte. La suite déterminera si The Walsh Sisters devient une série familiale marquante ou une fiction simplement correcte, qui n’aura jamais vraiment trouvé la vérité de ses personnages.
Prochainement en France
Disponible sur RTÉ Player, accessible via un VPN
BBC a renouvelé The Walsh Sisters pour une saison 2.
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