22 Mai 2015
La Loi du Marché // de Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon, Yves Ory et Karine de Mirbeck.
Le nouveau film de Stéphane Brizé (Quelques jours de printemps, Entre adultes) est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2015 et je pense qu’il mérite amplement sa nomination. Le film a des défauts, il reste sympathique, mais disons qu’il tente de parler d’une réalité très actuelle, celle du chômage en France et de la difficulté de s’en sortir : certains préfèrent continuer leur bataille contre leur ancien employeur qui les a licencié et d’autres tentent de s’en sortir et d’aller de l’avant. C’est le cas de Thierry qui arrive à 20 mois de chômage et qui pourrait bien se retrouve avec seulement 500 euros par mois s’il ne trouve pas rapidement une solution. De plus, des traites et des dettes risquent de s’accumuler. L’enfer de Pôle Emploi ne prend malheureusement pas une place suffisamment important dans La Loi du Marché. En effet, le film tente de nous parler des formations qui ne servent à rien, des stages qui ne débouchent sur rien, et du système Pôle Emploi qui ne sert pas le client mais uniquement les statistiques du gouvernement. Je trouve que de ce point de vue là c’est fait avec une vraie élégance et le film parvient à faire quelque chose à quoi je ne m’attendais pas du tout car sa première partie est étrangement drôle. Vincent Lindon, derrière son peu d’expressions délivre des dialogues savoureux qui en plus d’être piquants et vrais, sont drôles (malgré la dure réalité qu’il y a derrière).
À 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?
Mais La Loi du Marché c’est aussi un creux qui manque d’originalité. Le film se perd par moment, englué dans sa volonté de sortir son héros du chômage. Il va en sortir, trouvant un emploi de vigile dans un centre commercial. C’est là que tout va plus ou moins basculé, alors qu’il va se rendre compte que la misère, il n’y a pas que lui qui la connait et la fin symbolise à merveille son envie de ne pas finir sa vie dans un emploi qui ne lui correspond pas et qu’il n’a pas envie de voir pourrir son existence comme cela a déjà pu pourrir l’existence de l’une de ses anciennes collègues. Tout ce qui se passe dans cet hypermarché est donc parfois un peu long mais réserve tout de même quelques surprises côté coulisse. L’utilisation des caméras de surveillance du magasin permet de voir comment fonctionner le système de surveillance de ce type de magasin et même plus encore. Nous avons même droit aux différents portraits de voleurs (et employés profiteurs - passer sa carte de fidélité à la place de clients, piquer les bons de réduction, etc. -). De ce point de vue là, La Loi du Marché n’échappe donc pas à une vraie tonne de clichés. C’est justement là où le film est légèrement décevant, restant un peu trop dans ses poncifs du genre sans trop trouver comment nous surprendre.
Par ailleurs, La Loi du Marché ne laisse pas de place aux autres personnages sans la présence de Vincent Lindon ce qui permet d’avoir une immersion totale dans la peau de ce personnage, à la fois dans son quotidien privé et dans son quotidien professionnel. Le film veut être parfois universel, sauf que dans sa volonté d’en faire des tonnes (plusieurs portraits aux côtés de Thierry au travers de différentes confrontations) et d’en dire un peu trop sur différentes choses (souvent des clichés du genre), on se retrouve avec un film légèrement décevant. Heureusement pour nous, Stéphane Brizé sauve en grande partie ce film d’un scénario légèrement médiocre dans sa seconde partie avec une mise en scène terne comme elle se devait d’être. En effet, La Loi du Marché n’aurait pas pu être joyeux car l’espoir n’est pas la force de cette série, bien au contraire. Il y a des séquences qui me font forcément un peu écho alors que j’ai passé un an au chômage (même les jeunes sont touchés, il n’y a pas que les anciens ouvriers d’usine de 51 ans) comme les séquences formation chez Pôle Emploi, l’un des trucs les plus inutiles du monde, ou encore le patron qui pense avoir la science infuse des CV alors que personnellement je sais que le mien est très bien structuré.
Note : 6.5/10. En bref, dommage que le film pèche avec une première partie remplie de clichés. La Loi du Marché aurait probablement mérité un traitement à la Laurent Cantet (Ressources Humaines).
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