Critique Ciné : Black Tea (2024)

Critique Ciné : Black Tea (2024)

Black Tea // De Abderrahmane Sissako. Avec Nina Melo, Han Chang et We Ke-Xi. 

 

Il est difficile de ne pas ressentir une pointe de déception en regardant Black Tea, le dernier film d'Abderrahmane Sissako. Dix ans après le succès acclamé de Timbuktu, ce réalisateur mauritanien revient avec une œuvre esthétiquement magnifique mais narrativement confuse. Le contraste entre les attentes suscitées par son précédent film et la réalité de cette nouvelle production est flagrant. Black Tea nous plonge dans la vie d'Aya, une jeune femme ivoirienne qui quitte un mariage sans amour en Côte d'Ivoire pour s'intégrer dans la communauté africaine de Canton, en Chine. L'idée de base, mettant en lumière les interactions entre les immigrés africains et la population locale chinoise, avait un potentiel considérable. Cependant, le film ne parvient pas à exploiter cette richesse thématique de manière cohérente.

 

Aya, une jeune femme ivoirienne d’une trentaine d’années, dit non le jour de son mariage, à la stupeur générale. Émigrée en Chine, elle travaille dans une boutique d'export de thé avec Cai, un Chinois de 45 ans. Aya et Cai tombent amoureux mais leur histoire survivra-t-elle aux tumultes de leurs passés et aux préjugés ?

 

La narration est émaillée de flashbacks mal agencés et de scènes périphériques qui ne parviennent pas à s'intégrer harmonieusement dans le récit principal. Cette structure narrative désordonnée engendre une confusion qui empêche le spectateur de s'investir émotionnellement. Les personnages secondaires, à peine esquissés, ajoutent à cette impression de désordre, et les intrigues parallèles laissent souvent un goût d'inachevé. Malgré ses lacunes narratives, Black Tea brille par sa réalisation esthétique. Sissako excelle dans la création d'ambiances visuelles envoûtantes. Les scènes nocturnes, baignées de teintes chaudes de jaune, rouge et brun, sont particulièrement remarquables. Les plans serrés sur les visages des acteurs principaux, couplés à une musique délicate ponctuée par une chanson poignante de Fatoumata Diawara, ajoutent une profondeur émotionnelle à ces moments visuellement captivants.

 

Les performances des acteurs principaux sont également à souligner. Leur talent et leur photogénie apportent une certaine crédibilité aux personnages, malgré un scénario qui ne les sert pas toujours de manière optimale. Black Tea avait le potentiel d'explorer en profondeur des thèmes importants comme l'exil, l'intégration et les dynamiques interculturelles. Cependant, le film se contente souvent d'une approche superficielle, préférant des séquences esthétiquement plaisantes mais déconnectées de la réalité vécue par les immigrants africains en Chine. La vie quotidienne de ces émigrés, leurs défis et leurs réussites, sont à peine effleurés, donnant l'impression d'une vision édulcorée de leur situation. Le réalisateur semble vouloir présenter une image idéalisée de la communauté africaine à Canton, où l'assimilation se fait sans heurts et où les interactions avec les locaux sont presque toujours positives. Cette représentation manque de réalisme et d'authenticité, nuisant à l'impact potentiel du film.

 

En résumé, Black Tea est un film qui séduit par sa beauté visuelle mais déçoit par son manque de profondeur narrative. Abderrahmane Sissako, connu pour ses œuvres engagées, semble ici s'égarer dans une histoire d'amour onirique qui ne parvient pas à captiver pleinement. Les spectateurs qui attendaient une exploration incisive et réaliste des défis de l'immigration et de l'intégration resteront sur leur faim. Peut-être que mes attentes étaient trop élevées, nourries par le souvenir de Timbuktu. Néanmoins, il est indéniable que *Black Tea* aurait pu être bien plus qu'un simple exercice de style visuel. En dépit de ses longueurs et de sa confusion narrative, le film laisse entrevoir le talent indéniable de Sissako pour la mise en scène, nous laissant espérer que son prochain projet saura allier beauté esthétique et profondeur thématique.

 

Note : 5/10. En bref, une œuvre à la fois admirable et frustrante, témoignant des défis constants de la création cinématographique, où l'esthétique ne doit jamais supplanter la substance.

Sorti le 28 février 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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