Critique Ciné : Eat the Night (2024)

Critique Ciné : Eat the Night (2024)

Eat the Night // De Caroline Poggi et Jonathan Vine. Avec Théo Cholbi, Erwan Kepoa Falé et Lila Gueneau.

 

Eat the Night est un film unique qui explore des thématiques à la croisée des mondes : virtuel, réel, apocalyptique et romantique. Réalisé par le duo audacieux Caroline Poggi et Jonathan Vinel, le film mêle habilement plusieurs genres pour offrir une expérience cinématographique à la fois intrigante et déroutante. Il n’est pas seulement une plongée dans l’univers des jeux vidéo, mais également un miroir poignant des défis de l’adolescence, du passage à l’âge adulte et des liens familiaux malmenés. Ce qui frappe dès les premières minutes de Eat the Night, c’est son atmosphère hybride, à mi-chemin entre le réalisme sombre et l’onirisme du virtuel. Le film raconte l’histoire de Pablo et Apolline, frère et sœur, qui trouvent refuge dans un jeu vidéo nommé Darknoon. Ce monde virtuel, magnifiquement représenté, va pourtant bientôt disparaître. Il ne reste que soixante jours avant la fermeture définitive du jeu, créant un compte à rebours qui rythme la vie des personnages.

 

Pablo et sa sœur Apolline s’évadent de leur quotidien en jouant à Darknoon, un jeu vidéo qui les a vus grandir. Un jour, Pablo rencontre Night, qu’il initie à ses petits trafics, et s’éloigne d'Apolline. Alors que la fin du jeu s’annonce, les deux garçons provoquent la colère d’une bande rivale...

 

Cette fin inéluctable d’un univers parallèle représente l’un des thèmes centraux du film : la perte. Perdre le monde virtuel, c’est aussi pour les protagonistes une manière de perdre une partie de leur enfance, leur insouciance et leur refuge face à une réalité bien plus cruelle. Ce parallèle entre les mondes – virtuel et réel – est l’un des aspects les plus captivants du film. Il ne s’agit pas seulement d’un jeu vidéo, mais d’un espace sensible et émotionnel où tout semble possible, mais qui est condamné à disparaître. Ce compte à rebours, pourtant dénué d'héroïsme classique, n’en est pas moins bouleversant. Parallèlement à la fin de ce monde virtuel, le film s’intéresse à la vie réelle d’Apolline et Pablo. Vivant dans une maison modeste au Havre, leur existence est marquée par l’absence d’un père démissionnaire, une figure distante, voire parfois violente. Ce contexte familial trouble reflète les désillusions et les frustrations de l’adolescence, une période où tout semble en transition, où les repères se délitent.

 

L’adolescence d’Apolline, en particulier, est au cœur du récit. Non seulement elle doit affronter la fin de Darknoon, un jeu qui représentait pour elle un monde d’évasion, mais elle est aussi confrontée à la séparation progressive de son frère Pablo. Celui-ci, en pleine quête d’indépendance, s’embarque dans des activités illicites, notamment la fabrication de drogues aux côtés de son nouveau compagnon, Night. Cette romance queer apporte une dimension supplémentaire au film, explorant les différentes formes d’amour dans un monde en crise. L’un des points forts de Eat the Night est sans aucun doute sa photographie et sa mise en scène. Caroline Poggi et Jonathan Vinel ont su créer un univers visuel à la fois hypnotique et captivant. Les contrastes entre les couleurs vives et acidulées du monde virtuel et les teintes sombres du réel renforcent le sentiment d’évasion, mais aussi de tristesse face à l’inévitable. La manière dont la lumière est utilisée pour créer des ambiances à la fois apaisantes et angoissantes est remarquable.

 

Le montage, quant à lui, alterne entre moments contemplatifs et séquences plus nerveuses, apportant au film une dynamique envoûtante. Cette alternance reflète bien l’instabilité émotionnelle des personnages, tiraillés entre leurs désirs de liberté, de rébellion, et la dure réalité de leur vie quotidienne. Si Eat the Night semble au premier abord traiter de la fin d’un monde – qu’il s’agisse de la fin d’un jeu vidéo ou de la fin de l’adolescence – il est aussi un film sur l’espoir. Espoir que, malgré la disparition de ce monde virtuel, une autre forme de liberté et d’évasion peut émerger. La relation entre Pablo et Night, bien que placée sous le signe de l’illégalité, est en réalité une recherche d’un futur alternatif, loin des carcans imposés par la société. De plus, même si le film explore la dureté de la réalité – avec ses gangs, ses conflits et ses violences – il ne tombe jamais dans le pessimisme total. Au contraire, il y a une forme de romantisme moderne qui traverse le film, un élan qui pousse les personnages à se battre pour leur place dans un monde qui semble s’effondrer. 

 

Ce mélange d’obscurité et de lumière, de désespoir et d’enthousiasme, donne au film une résonance particulière dans notre époque, marquée par l’incertitude et les crises multiples. Eat the Night est une œuvre qui ne laisse pas indifférent. Bien qu'il puisse paraître parfois déconcertant par sa narration éclatée ou ses idées multiples, il parvient à captiver par son originalité et son esthétique soignée. Caroline Poggi et Jonathan Vinel signent ici un film hybride, à la fois tragique et romantique, qui explore des thématiques contemporaines avec audace et sensibilité. Le film offre une réflexion touchante sur la fin d’un monde – qu’il soit virtuel ou adolescent – mais aussi sur la quête d’identité et d’amour dans un univers de plus en plus complexe. Un film à découvrir pour ceux qui apprécient les œuvres qui sortent des sentiers battus, tant sur le fond que sur la forme.

 

Note : 8/10. En bref, un film envoutant entre virtuel et réalité, romantisme et apocalypse.

Sorti le 17 juillet 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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