Critique Ciné : Maria (2024)

Critique Ciné : Maria (2024)

Maria // De Jessica Palud. Avec Anamaria Vartolomei, Matt Dillon et Yvan Attal.

 

Dans le contexte du mouvement MeToo et de la dénonciation des abus de pouvoir dans l’industrie cinématographique, le film Maria de Jessica Palud apporte un éclairage poignant sur une figure emblématique de la résistance féminine : Maria Schneider. Ce biopic est bien plus qu’un hommage à une actrice brisée par un système patriarcal ; il se présente comme une réflexion sur les abus qui ont longtemps gangrené le monde du cinéma, en prenant comme toile de fond l'histoire douloureuse de Schneider. Maria Schneider est devenue mondialement connue à travers son rôle dans Le Dernier Tango à Paris (1972), un film qui lui a apporté une notoriété amère. Sa vie a basculé à jamais lors du tournage de la fameuse scène polémique qui, des décennies plus tard, continue de hanter les mémoires. Le réalisateur Bernardo Bertolucci, avec la complicité de l’acteur Marlon Brando, a orchestré une scène qui n’était pas prévue dans le scénario, et dont Maria Schneider ne connaissait pas les détails. 

 

Maria n’est plus une enfant et pas encore une adulte lorsqu’elle enflamme la pellicule d’un film sulfureux devenu culte : Le Dernier tango à Paris. Elle accède rapidement à la célébrité et devient une actrice iconique sans être préparée ni à la gloire ni au scandale…

 

Ce moment, que l’on qualifierait aujourd’hui de viol symbolique et moral, a marqué non seulement la carrière de Schneider, mais aussi sa vie entière. Ce qui rend Maria particulièrement puissant, c’est l’approche intime et respectueuse de la réalisatrice. Plutôt que de tomber dans le sensationnalisme ou de chercher à recréer le scandale, Jessica Palud met l’accent sur la lutte intérieure de Maria, son traumatisme, mais aussi sa résilience. La caméra adopte le point de vue de l’actrice, comme pour mieux faire ressentir sa souffrance et sa solitude. Anamaria Vartolomei, dans le rôle-titre, livre une prestation bouleversante, empreinte de pudeur et de sincérité. Son interprétation rend hommage à Maria Schneider en incarnant sa fragilité et sa force de manière authentique. L’un des aspects les plus marquants de Maria est sa capacité à rendre justice à la voix de Maria Schneider, qui a longtemps été ignorée. Dans les années 70, les interviews où elle dénonçait le sexisme et le contrôle exercé par les hommes dans l’industrie du cinéma étaient souvent accueillies par l’indifférence. 

 

« Les films sont écrits par les hommes, pour les hommes », disait-elle, une phrase qui résonne encore aujourd’hui dans un contexte où l’on se bat pour une meilleure représentation des femmes à l’écran. Le film montre également les multiples batailles de Maria contre les attentes du système : refuser de se dénuder sur un plateau, exprimer ses désaccords, ou encore revendiquer son droit à être entendue en tant qu’artiste. Ce courage, qui faisait d’elle une pionnière à une époque où la parole des femmes était systématiquement minimisée, est aujourd’hui reconnu à sa juste valeur grâce à des films comme celui de Palud. Si Maria brille par son respect de l’héritage de Maria Schneider et la performance d’Anamaria Vartolomei, il n’est pas exempt de défauts. Certaines séquences, notamment celles qui évoquent la descente aux enfers de l’actrice entre drogues et alcool, suivent un schéma narratif assez classique et un peu prévisible. Toutefois, ces moments restent nécessaires pour comprendre la portée du traumatisme vécu par Schneider.

 

En revanche, l’incarnation de Marlon Brando par Matt Dillon a suscité des avis plus mitigés. Il est difficile pour n’importe quel acteur de rivaliser avec la présence imposante de Brando, et Dillon peine à convaincre totalement dans ce rôle complexe. Néanmoins, l’objectif du film n’est pas de recréer fidèlement chaque acteur historique, mais plutôt de se concentrer sur le vécu de Maria Schneider. Ce choix permet au film de se démarquer et de ne pas sombrer dans la simple reconstitution historique. Au-delà du portrait de Maria Schneider, Maria pose une question cruciale : jusqu’où peut-on aller au nom de l’art ? Le film s’interroge sur les limites morales de la création artistique, particulièrement lorsque cette dernière implique la manipulation et l’abus des acteurs. La scène reconstituée du Dernier Tango à Paris dans Maria réveille ce même malaise que l’original. On peut y voir un paradoxe : dénoncer les abus tout en revivant la violence symbolique qu’ils impliquent. Cependant, Jessica Palud parvient à naviguer ce terrain délicat avec subtilité. 

 

Le film ne tombe pas dans l’excès de pathos, mais il montre bien que ces abus ne sont pas des erreurs isolées du passé, mais des symptômes d’un système qui a longtemps dominé l’industrie. Ce film permet également d’ouvrir le débat sur la manière dont le cinéma représente les femmes et les traumatismes qu’elles ont subis. Avec Maria, Jessica Palud offre un film sincère et émouvant, qui fait honneur à la mémoire de Maria Schneider tout en posant des questions essentielles sur le pouvoir et la domination dans le monde du cinéma. Ce long-métrage résonne d’autant plus fort à l’heure actuelle, où les voix des femmes qui ont été réduites au silence se font enfin entendre. Anamaria Vartolomei brille dans ce rôle difficile, offrant une performance à la fois sobre et percutante. Si le film connaît quelques longueurs, il reste néanmoins un hommage nécessaire et un plaidoyer pour la reconnaissance des victimes d’un système patriarcal oppressant. Maria est une œuvre indispensable, qui rappelle que ce qui a été toléré hier ne doit plus jamais se reproduire.

 

Note : 7.5/10. En bref, un film fort sur l’histoire de Maria Schneider, devenue célèbre grâce au Dernier Tango à Paris avec Marlon Brando. 

Sorti le 19 juin 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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