11 Novembre 2024
L’Amour Ouf // De Gilles Lellouche. Avec Adèle Exarchopoulos, François Civil et Mallory Wanecque.
Dans L’Amour Ouf, Gilles Lellouche se lance dans une fresque cinématographique en deux parties, à l’ambition affirmée et au budget colossal. Avec ce projet qui a mûri en lui pendant plus de 17 ans, il nous livre une œuvre débordante d’idées et d’énergie, mélangeant amour fou, violence crue, et clins d’œil stylistiques. En s’attaquant à une histoire d’amour qui traverse les épreuves du temps, le réalisateur propose une plongée immersive dans la vie de Jackie et Clotaire, deux jeunes adolescents séparés par les aléas de la vie avant de se retrouver à l’âge adulte. Mais derrière cette ambition se cachent quelques faiblesses qui tempèrent l’enthousiasme que l’on pourrait porter au film. La première partie du film brille par son traitement de l’enfance et de l’adolescence des protagonistes.
Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur...
Lellouche nous fait découvrir l’émerveillement et la pureté de leurs premiers sentiments, prenant le temps de poser les bases d’une relation qui semble vouée à l’intensité. La manière dont le réalisateur exploite chaque plan, chaque mouvement de caméra, souligne cette ambition de capturer l’essence de la jeunesse et de ses passions. La caméra virevolte avec une vivacité qui évoque la spontanéité de cet âge, avec des prises de vue audacieuses, des travellings vertigineux et des séquences qui jouent avec les perspectives. Cependant, cette approche, bien que visuellement impressionnante, peut parfois donner l’impression d’un surplus technique qui, par moments, frôle l’indigestion. Le film regorge de trouvailles visuelles qui, bien que généreuses, peuvent paraître un peu étouffantes.
Quand la deuxième partie débute, marquant le saut dans le temps vers l’âge adulte, l’intensité retombe légèrement. On retrouve Jackie et Clotaire, marqués par le temps et les épreuves de la vie, mais la passion de leur jeunesse semble s’effacer derrière une intrigue marquée par des éléments de violence, omniprésente dans le film. Ce virage vers un registre plus sombre et brutal, où narco-trafic et règlements de compte dominent, crée un décalage avec la profondeur émotionnelle qu’on aurait pu attendre de leur histoire d’amour. Lellouche semble céder à la tentation de l’action et du spectaculaire au détriment de la romance initiale, reléguant parfois cette dernière au second plan. L’esthétique et la mise en scène témoignent du souci du réalisateur de sublimer chaque scène, mais cette recherche de l’éclat visuel s’accompagne également de choix qui divisent.
Si certains apprécieront cette approche immersive, d’autres pourraient être gênés par l’omniprésence de la violence, souvent gratuite et peu justifiée dans la trame narrative. En choisissant de se concentrer sur les aspects les plus brutaux des épreuves de ses personnages, L’Amour Ouf risque de perdre en authenticité, et la relation entre Jackie et Clotaire, au lieu d’être au cœur de l’intrigue, devient une composante parmi d’autres dans un récit saturé d’action. Néanmoins, le film bénéficie d’un casting impressionnant qui vient rattraper certaines de ses faiblesses. Les interprétations des acteurs sont puissantes et profondes, qu’ils jouent un rôle central ou secondaire. Mention spéciale à Malik Frikah, dont la performance remarquable ajoute une dimension poignante à son personnage. Le jeu des acteurs donne une certaine chaleur au film et permet de ne pas perdre complètement de vue l’aspect humain derrière cette épopée cinématographique.
Si L’Amour Ouf est une adaptation du roman de Neville Thompson, Gilles Lellouche en fait une œuvre résolument personnelle, où il s’autorise toutes les libertés pour exprimer son amour du cinéma. La bande-son, qui accompagne le film, constitue l’un des éléments les plus marquants de cette expérience. Avec des morceaux emblématiques des années 1980 et 1990, elle enveloppe l’intrigue d’une aura nostalgique et renforce le lien émotionnel du spectateur avec l’époque des personnages. Ces mélodies, à la fois énergiques et mélancoliques, offrent un contraste intéressant avec la brutalité de certaines scènes, mais elles ne suffisent pas toujours à atténuer les longueurs qui ponctuent la seconde partie du film. Au final, L’Amour Ouf s’impose comme une œuvre généreuse et audacieuse, qui témoigne d’une réelle passion de la part de Gilles Lellouche.
Le réalisateur semble s’être investi corps et âme dans ce projet, avec une sincérité indéniable, et cela se ressent à travers chaque scène. Pourtant, l’addition de toutes ces idées et effets finit par alourdir le film, le rendant parfois difficile à suivre pour un spectateur en quête de subtilité. Les deux heures et quarante minutes de projection peuvent paraître longues, notamment lorsque l’on commence à ressentir une baisse de rythme dans la seconde partie. Malgré ses imperfections, ce film a le mérite de laisser une impression forte. Bien qu’il ne parvienne pas toujours à toucher le cœur, il frappe l’esprit avec son esthétique travaillée et son intensité émotionnelle. Pour ma part, bien que touché par plusieurs moments du film, je ne peux m’empêcher de penser que L’Amour Ouf aurait gagné en profondeur en laissant plus de place à la subtilité et en allégeant le recours à la violence.
Note : 7/10. En bref, avec L’Amour Ouf, Gilles Lellouche signe donc une œuvre marquante, où chaque plan témoigne de son amour pour le cinéma.
Sorti le 16 octobre 2024 au cinéma
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