13 Novembre 2024
Special Ops: Lioness // Saison 2. Episode 4. Five Hundred Children.
L'épisode 4 de la saison 2 de Lioness met en lumière l'ambiguïté de la série, une fusion complexe entre thriller militaire et critique implicite des réalités politiques américaines. En brouillant les lignes entre le divertissement intense et des thèmes géopolitiques lourds, cet épisode présente un récit à la fois fascinant et dérangeant. Avec le retour de Cruz, un personnage apprécié de la première saison, et l’introduction de questions brûlantes telles que le conflit israélo-palestinien, cet épisode explore des thèmes qui, s’ils rendent l’intrigue captivante, poussent également à s'interroger sur la limite entre réalisme brutal et propagande. Dès les premières scènes de cet épisode, Lioness réaffirme son goût pour l’amalgame politique. La série n’hésite pas à juxtaposer des références aux conflits internationaux avec des scènes de pure action, mais cette approche crée un malaise.
L’absence d’une vision politique claire confère à la série un ton déroutant, où chaque scène intense semble tantôt critiquer les interventions militaires américaines, tantôt les glorifier. Cette tension est incarnée par la discussion entre Joe et Cruz, qui évoque l’absence de moralité dans la guerre. Joe y présente la survie et la soumission comme les deux seules issues possibles, une vision sombre mais aussi étrangement simpliste de la réalité géopolitique. Ce manque de cohérence idéologique donne à Lioness une aura unique dans le paysage des thrillers contemporains, même si ce parti pris peut irriter. Cette ambiguïté pourrait être perçue comme un miroir des "temps intéressants" dans lesquels nous vivons, mais il faut avouer que cela crée aussi une frustration pour les spectateurs qui cherchent une direction plus marquée dans le récit.
L’épisode ne se contente pas de discours : il passe aussi par des scènes visuellement frappantes pour véhiculer la violence inhérente à l’univers militaire. L’entrée en scène de l’agent Gutierrez, qui offre une vision sans filtre de la guerre contre les cartels, en est un parfait exemple. Son monologue, grossier et empli de haine, dresse un portrait peu flatteur des « monstres » contre lesquels il se bat, évoquant des images choquantes d’innocents sacrifiés. Ce discours exacerbe les tensions raciales et utilise des stéréotypes dégradants qui rappellent les heures sombres de la propagande militaire américaine. Si cette approche peut sembler caricaturale, elle est aussi tristement réaliste dans la manière dont certains agents du renseignement perçoivent leurs ennemis. Gutierrez incarne ainsi une version brute de l’idéologie de guerre américaine, et son inclusion dans l’intrigue soulève la question de savoir si Lioness cherche à dénoncer ou à glorifier cette vision.
La série flirte avec un style à la fois critique et complaisant, et laisse souvent planer l’ambiguïté, ce qui peut tantôt captiver tantôt mettre mal à l’aise. Le retour de Cruz apporte une dimension émotionnelle forte à cet épisode. Le personnage, toujours marqué par les épreuves qu’elle a subies dans la première saison, est réticente à rejoindre l’équipe Lioness. La colère de Cruz envers Joe, qu’elle tient pour responsable de sa souffrance, est palpable. Néanmoins, Joe sait jouer de cette rancœur pour rallier Cruz à sa cause. En lui rappelant son dévouement à la mission, Joe parvient à toucher un point sensible chez Cruz, qui est partagée entre son sens du devoir et son besoin de se préserver. Le dialogue entre les deux femmes est un des moments forts de cet épisode. La phrase "Il n’y a pas de guerre morale" résume bien l’attitude pragmatique et impitoyable de Joe face aux missions qu’elle dirige. Pour elle, il n’y a pas de place pour les sentiments : seule compte la réussite de l’opération, quels que soient les sacrifices.
En insistant sur ce point, Joe met en lumière le dilemme moral auquel sont confrontés les soldats et les agents du renseignement — un thème souvent sous-exploré dans les séries d’action. Derrière l’action et les rebondissements, Lioness continue de peindre une vision pessimiste de l’hégémonie américaine, décrivant ses opérations militaires comme une machine implacable lancée vers la domination mondiale. Cet épisode laisse entrevoir les rouages de cette machine à travers des séquences de tension politique et militaire. On voit Joe, en pleine mission de surveillance, échapper à une filature sur l’autoroute avec l’aide de Kyle. Cette scène d’action bien orchestrée montre l’efficacité des agents, mais aussi l’absurdité de leur mission dans un contexte où les frontières entre ennemi et allié deviennent floues. La rencontre avec Gutierrez est un autre moment clé de cet épisode. En lui offrant un rôle dans l'opération Lioness, Joe démontre la nécessité pour la CIA de collaborer avec d'autres agences pour lutter contre des ennemis insaisissables.
Cette alliance contre les cartels, présentée comme une lutte pour protéger les valeurs américaines, est un autre exemple de la manière dont Lioness critique indirectement l’impérialisme américain, même si cette critique est parfois trop implicite pour être pleinement efficace. L'épisode prend également le temps de développer les liens entre les membres de l'équipe Lioness, en particulier à travers les échanges entre Josephina et Tucker. Ce dernier, personnage moins flamboyant que ses coéquipiers, se démarque par une présence charismatique et rassurante, presque paternelle. Leur conversation, chargée de sous-entendus, souligne l’ambiguïté de la relation entre Josephina et l’équipe. Elle, qui souhaite rapidement boucler cette mission pour retrouver une vie normale, se voit confrontée à une réalité inévitable : une fois qu’on entre dans le monde du renseignement, il est quasiment impossible d’en sortir.
La scène où Josephina réalise que la vie d’avant n’est plus qu’un souvenir inaccessible est un moment de bascule pour son personnage. En acceptant cette réalité, elle embrasse une part sombre de son rôle dans l’équipe, une décision qui reflète la dureté du monde dans lequel elle évolue. Enfin, cet épisode se termine sur une scène d’action intense : un raid nocturne sur un entrepôt supposé abriter des éléments dangereux du cartel. En dépit de la préparation de l’équipe, cette mission prend une tournure inattendue lorsqu’ils découvrent des centaines d’enfants cachés dans l’obscurité. La vision de ces enfants abandonnés dans un endroit sordide, privés de toute forme de sécurité, est choquante et suscite une réaction viscérale. Ce n’est pas la première fois que la série utilise des images aussi crues pour marquer les esprits, mais ici, l’effet est particulièrement saisissant.
La scène, qui s’achève sur un départ abrupt de l’équipe, laisse un sentiment d'injustice et de désespoir. Cet épisode de Lioness continue de jongler avec des symboles politiques et des questions morales complexes, offrant un mélange de critique sociale et de divertissement. La série maintient un équilibre précaire entre une dénonciation des excès de la puissance militaire américaine et une glorification de ses opérations clandestines. Cette ambivalence est sans doute ce qui rend Lioness à la fois difficile à cerner et captivante. Cet épisode 4 de la saison 2 de Lioness est un épisode qui ne laisse pas indifférent. Il attire par sa mise en scène efficace et ses dialogues percutants, tout en repoussant par ses représentations parfois caricaturales et une vision trouble de l’éthique. La série semble chercher à provoquer une réflexion, mais le fait d'une manière qui peut déranger.
Note : 5/10. En bref, une série qui mélange son réalisme brut avec des symboles politiques brouillons. Cet épisode laisse cependant entrevoir la possibilité d’un conflit intérieur plus grand pour ses personnages, une bataille qui se poursuivra sans doute dans les prochains épisodes.
Disponible sur Paramount+
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