6 Novembre 2024
La série Dans l’Ombre est une adaptation du roman co-écrit en 2011 par Édouard Philippe, maire du Havre et potentiel candidat à la présidentielle, et Gilles Boyer, son conseiller de longue date. Le récit se concentre sur la campagne présidentielle de Paul Francœur (Melvil Poupaud), un candidat de droite, et sur son conseiller César Casalonga (Swann Arlaud). Si cette série, réalisée par Pierre Schoeller, se veut être un thriller politique à suspense, elle peine à se démarquer des autres productions du même genre et laisse un sentiment mitigé après visionnage. En tant qu'amateur de séries politiques, Dans l’Ombre m'a intéressé dès le départ, d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet rarement abordé en France. Cependant, après avoir vu la saison complète, il est difficile de ne pas faire de comparaisons avec des œuvres comme Baron Noir ou Borgen, et Dans l’Ombre ne parvient malheureusement pas à atteindre ce niveau de profondeur et de finesse.
Alors que ces séries nous plongent dans des intrigues complexes et des personnages subtilement développés, Dans l’Ombre reste en surface, sans véritablement approfondir son propos. L’histoire de Paul Francœur, candidat ambitieux à l’élection présidentielle, avait pourtant tous les ingrédients pour réussir : une campagne électorale âpre, des manœuvres politiques douteuses, et un duo principal d’acteurs très prometteur. Melvil Poupaud incarne un personnage central atypique, un homme politique en fauteuil roulant, ce qui n'est pas sans rappeler la figure de Franklin Roosevelt. L’idée est intéressante, et Poupaud s’en sort bien dans ce rôle, mais il manque un véritable souffle dans la direction de son personnage. Les dialogues sont souvent plats, et on a l’impression que Francœur reste une caricature d’homme politique plutôt qu’un véritable protagoniste nuancé.
César Casalonga, en revanche, interprété par l’excellent Swann Arlaud, parvient à donner un peu plus de relief à la série. Son jeu impeccable sauve une grande partie de l'intrigue et rend les épisodes plus captivants. César est le véritable moteur de la série, tant sur le plan émotionnel que stratégique. Son dévouement pour Francœur est évident, mais sa propre ambivalence face aux manipulations politiques le rend humain et attachant. C’est d’ailleurs la complexité de son personnage qui pousse à continuer la série, malgré quelques longueurs et maladresses scénaristiques. Arlaud, fort de ses récompenses aux César, prouve une fois de plus l’étendue de son talent. Cependant, si la série brille par moments, notamment grâce à l’interprétation de Swann Arlaud, elle souffre d’une mise en scène fade et d’une absence de rebondissements marquants. Les péripéties sont souvent prévisibles, et la tension qui devrait monter au fil des épisodes peine à s'installer véritablement.
Le rythme général est trop inégal, et certains moments frôlent même l’ennui. À plusieurs reprises, j’ai eu l’impression que les dialogues se perdaient dans des considérations trop abstraites sur la politique, sans véritable fil conducteur. Certes, les intrigues de coulisses, les trahisons et les jeux de pouvoir sont au rendez-vous, mais l’ensemble manque d’énergie et de vigueur. En termes de réalisation, la série ne parvient pas non plus à se démarquer. Les choix esthétiques sont fonctionnels, mais sans audace. On est loin de la tension palpable ou de l’esthétique froide et tranchante que l’on peut retrouver dans des séries comme Baron Noir. Ici, la mise en scène semble parfois trop sage, comme si elle se contentait de suivre un cahier des charges sans chercher à surprendre ou à marquer les esprits. Un autre aspect qui m’a interpellé est la dimension politique de la série. Il est difficile de ne pas voir dans Dans l’Ombre une sorte de vitrine pour Édouard Philippe.
Le fait que la série sorte alors que Philippe est lui-même pressenti pour se présenter à la présidentielle rend son visionnage d’autant plus troublant. Peut-on vraiment séparer le fond de la fiction de la réalité politique actuelle ? On sent une volonté d’ancrer la série dans une forme d’intemporalité, notamment avec quelques éléments dystopiques comme les voitures sans chauffeur, mais cela ne suffit pas à masquer le timing très opportun de sa diffusion. Cette ambiguïté entre la fiction et la réalité politique reste présente tout au long de la série et pourrait même gêner certains spectateurs, moi y compris. Il est aussi intéressant de noter que la série, diffusée sur France Télévisions, aborde une vision plus "droitière" de la politique, ce qui détonne quelque peu par rapport à l'image souvent perçue comme plus "gauchisante" de la chaîne publique. On pourrait y voir une tentative de rééquilibrage dans la représentation des courants politiques à l'écran, mais le résultat n'est pas toujours convaincant.
À plusieurs moments, j’ai eu l’impression que Dans l’Ombre s’enlisait dans des stéréotypes sur la politique de droite, avec des personnages un peu trop lisses ou manichéens. Malgré ses faiblesses, la série reste agréable à suivre, notamment si l’on s’intéresse à la politique et à ses rouages. Le suspense est bien présent, surtout dans les premiers épisodes, et on se prend parfois à espérer que l’intrigue prenne un tournant plus surprenant. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Le final, par exemple, manque cruellement d’originalité. Il y avait pourtant matière à développer une conclusion plus marquante, mais la série semble opter pour une résolution trop prévisible, presque attendue. En fin de compte, Dans l’Ombre se laisse regarder, mais elle laisse un goût d’inachevé. On sent que les créateurs avaient des ambitions, notamment en termes de réalisme politique et de suspense, mais ces ambitions ne sont pas toujours réalisées avec brio.
La série souffre de la comparaison avec ses prédécesseurs du genre, notamment Baron Noir ou Les Hommes de l’ombre, et ne parvient pas à se hisser à leur niveau. Je dirais donc que Dans l’Ombre est une bonne série pour ceux qui sont friands d’intrigues politiques et de manœuvres électorales, mais elle reste un cran en dessous des grandes séries politiques françaises ou étrangères. Elle bénéficie d’un casting solide, avec Swann Arlaud en tête d’affiche, mais son scénario et sa réalisation manquent de punch pour en faire une œuvre véritablement mémorable. Cela dit, ses six épisodes permettent de rester dans un format concis, ce qui évite l'écueil de la série qui s’étire en longueur, comme cela arrive parfois.
Note : 5.5/10. En bref, Dans l’Ombre est une série que je recommande, mais sans trop en attendre. Elle constitue un bon divertissement pour les amateurs de politique, mais elle aurait pu être beaucoup plus marquante si elle avait osé plus d’audace dans son approche narrative et visuelle.
Disponible sur france.tv
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