28 Janvier 2025
Belle Enfant // De Jim. Avec Marine Bohin, Baptiste Lecaplain et Marisa Berenson.
Belle Enfant, premier long-métrage de Thierry Terrasson, connu sous le nom de Jim, s'inscrit dans un cadre aussi charmant qu'intimiste : les côtes de la Ligurie et la ville de Gênes. Ce film, à la fois lumineux et mélancolique, dresse le portrait d’une famille fracturée qui se retrouve face à une épreuve ultime. L’histoire débute avec Emily, une jeune femme dans la vingtaine interprétée par Marine Bohin, qui fait ici ses premiers pas au cinéma. Son personnage, en apparence indépendant et distant, cache des blessures profondes, notamment un reproche central : celui d’une mère trop absorbée par sa vie artistique pour jouer pleinement son rôle maternel.
Émily, jeune femme fantasque qui peine à devenir adulte, s’est détachée de sa famille dysfonctionnelle depuis longtemps. Lorsqu’elle apprend la tentative de suicide de sa mère, Émily décide de la rejoindre avec ses sœurs, en Italie… mais découvre que tout ceci n’était qu’une mise en scène, destinée à les rassembler dans une belle villa face à la mer. Furieuse, Emily s’enfuit dans Gênes où elle rencontre l’étrange Gabin, qui va l’aider à affronter les secrets de cette famille pas comme les autres.
Rosalyne, cette mère incarnée par Marisa Berenson, est au cœur de l’intrigue, ayant annoncé sa volonté de mettre fin à ses jours en raison d’une maladie incurable. Une vidéo postée en ligne par Rosalyne provoque le choc et l’indignation d’Emily, et la pousse à retrouver ses sœurs, Salomé et Cheyenne, ainsi qu’un oncle excentrique joué par Albert Delpy. Cette réunion familiale se déroule dans une villa spectaculaire surplombant la Méditerranée, un décor enchanteur qui contraste avec les tensions entre les protagonistes. Le cadre idyllique agit comme une toile de fond paradoxale, renforçant l’impact des douleurs et des non-dits qui émergent au fil de leurs interactions.
La structure narrative de Belle Enfant repose sur trois actes distincts. La première partie plante le décor et présente les différents personnages. Emily, personnage central, capte immédiatement l’attention grâce à une interprétation sincère et spontanée de Marine Bohin. Cette fraîcheur se reflète aussi dans les dialogues, souvent pleins d’humour et d’authenticité. Les échanges entre les sœurs, bien qu’emprunts d’ironie et de frustration, sont d’une légèreté qui désamorce les tensions latentes. La seconde partie voit l’arrivée de Gabin, un personnage interprété par Baptiste Lecaplain, connu pour son humour pince-sans-rire. Son rôle apporte une dose de comédie bienvenue au film.
La dynamique entre Gabin et Emily évolue de façon prévisible, mais le charme des détours et des malentendus qui ponctuent leur rapprochement ne manque pas de séduire. Lecaplain excelle dans ce registre, alliant maladresse et charisme décalé. C’est toutefois dans la dernière partie que le film prend une tournure plus grave. Les membres de cette famille dysfonctionnelle s’affrontent dans une série de règlements de comptes qui, bien que parfois prévisibles, touchent par leur sincérité. Les masques tombent, révélant des vulnérabilités longtemps dissimulées. Malheureusement, cette phase finale souffre de longueurs, comme si le réalisateur hésitait à conclure.
Les fins successives, presque superflues, diluent l’émotion pourtant palpable de ces moments. L’un des points forts de Belle Enfant réside dans son humour. Thierry Terrasson parvient à insuffler une légèreté qui allège la gravité des thématiques abordées. Que ce soit par les échanges acérés entre les sœurs ou les maladresses de Gabin, le film évite de sombrer dans un pathos excessif. Cependant, cet équilibre reste fragile, notamment dans la transition entre les moments humoristiques et les séquences plus dramatiques. La sincérité du réalisateur, qui signe ici son premier film après une carrière dans la bande dessinée, est palpable dans chaque scène.
Son amour pour ses personnages transparaît à l’écran, tout comme son envie de capturer la complexité des relations familiales. Pourtant, le scénario s’appuie parfois sur des clichés ou des passages obligés qui limitent l’impact émotionnel de certaines séquences. Le film doit beaucoup à ses interprètes. Marine Bohin, bien que débutante, illumine l’écran par son naturel. Elle incarne une Emily à la fois fragile et déterminée, oscillant entre colère et tendresse. Baptiste Lecaplain, quant à lui, injecte une énergie rafraîchissante, son humour décalé apportant un contrepoint bienvenu aux tensions familiales. Marisa Berenson, en mère artiste et bohème, est convaincante dans son rôle, mais le scénario peine à exploiter pleinement la richesse de son personnage.
Les sœurs d’Emily, campées par des actrices moins connues, apportent un contraste intéressant, bien que leur caractérisation reste parfois schématique. Salomé, présentée comme froide et distante, et Cheyenne, dans un registre plus exubérant, manquent de nuances pour pleinement captiver. L’esthétique visuelle de Belle Enfant mérite une mention particulière. Les plans larges sur la Méditerranée et les ruelles de Gênes apportent une dimension poétique au film. La villa où se déroule l’essentiel de l’intrigue devient presque un personnage à part entière, symbolisant à la fois l’isolement et la réunion des protagonistes. Cependant, si la mise en scène séduit par moments, elle manque parfois de cohérence.
Certains choix esthétiques, bien que jolis, semblent davantage motivés par une volonté d’impressionner que par une véritable nécessité narrative. Belle Enfant n’est pas exempt de défauts. Sa structure narrative bancale et son penchant pour les clichés limitent l’impact de certaines scènes. Pourtant, il serait injuste de réduire ce film à ses maladresses. Thierry Terrasson parvient à capturer avec sensibilité les tensions et les réconciliations qui rythment la vie familiale. Ce premier film reflète une démarche sincère et un amour évident pour le cinéma. Malgré ses imperfections, Belle Enfant touche par sa simplicité et son humanité.
Le portrait de cette famille dysfonctionnelle, bien qu’un peu trop appuyé par moments, trouve un écho universel dans les relations complexes que chacun entretient avec ses proches. En somme, Belle Enfant est une œuvre sincère et lumineuse, qui mérite d’être vue pour ses moments de vérité et l’énergie de ses interprètes. Un premier pas encourageant pour Thierry Terrasson, qui montre ici un réel potentiel à affiner dans ses projets futurs.
Note : 5/10. En bref, une exploration douce-amère des liens familiaux.
Sorti le 24 juillet 2024 au cinéma - Disponible en VOD
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