27 Février 2025
Avec Désordre Public, la série italienne disponible sur Netflix, l'univers des brigades d'intervention se dévoile dans toute sa complexité. Adaptée du roman ACAB: All Cops Are Bastards de Carlo Bonini, cette première saison plonge au cœur d'une unité de police de Rome, prise dans la tourmente d'une bavure qui déclenche un enchaînement de conséquences inextricables. Entre action et introspection, Désordre Public oscille entre le portrait d'hommes et de femmes en uniforme et une exploration psychologique qui peine parfois à convaincre.
Une équipe de l'Unité mobile de Rome se retrouve sans son chef, grièvement blessé à la suite de violents affrontements. Cette escouade, qui a appris à user de méthodes parfois limites pour faire face à la violence, est unie comme les membres d'une tribu, presque comme une famille. Affectée à la tête du groupe, la commandante, Michele, partisane d'une police réformiste, voit dans ce genre d'équipes les symboles d'un système dépassé à rénover complètement. Comme si les troubles internes au sein de l’équipe ne suffisaient pas, ils sont également pris dans le chaos d’une nouvelle vague de mécontentement de l’opinion publique envers les institutions...
La série s'ouvre sur une nuit d'attente fébrile. Dans un fourgon stationné à proximité d'une manifestation contre un projet ferroviaire dans le Val de Suse, une unité de police spécialisée dans le maintien de l'ordre attend ses ordres. Entre tension palpable et échanges laconiques, l'atmosphère est posée dès les premières minutes : cette nuit sera décisive. Lorsque l'affrontement éclate, la scène tourne rapidement au chaos. Bombes artisanales, jets de projectiles, charges violentes : la situation dégénère et la police réagit avec une brutalité qui marquera l'unité pour longtemps.
La tournure dramatique s'intensifie lorsque Pietro, le leader de l'unité, est grièvement blessé. La riposte qui suit est dévastatrice : une charge musclée laisse plusieurs manifestants à terre, dont un jeune homme qui sombre dans le coma. Dès lors, la question n'est plus seulement de savoir qui a frappé en premier, mais jusqu'où chacun est prêt à aller pour protéger ses collègues, son emploi et sa propre conscience. Au cœur du récit, la série dresse le portrait d'une unité déchirée. Mazinga, vétéran cynique et impitoyable, réagit en imposant la loi du silence.
Pour lui, les manifestants sont responsables, et il faut couvrir les siens, quoi qu'il en coûte. Face à lui, Michele, fraîchement promu à la tête de l'unité, incarne l'idéal du policier intègre, mais son engagement pour la vérité pourrait bien le mettre en danger. Marta, unique femme de l'unité, se débat entre une vie de mère monoparentale et un environnement professionnel dominé par la violence et le machisme. Quant à Salvatore, jeune recrue imprévisible, son instabilité pose la question de la capacité de certains à porter l'uniforme. Tous sont rattrapés par des dilemmes personnels qui viennent parasiter leur discernement professionnel.
Si la série ambitionne de mettre en lumière les fêlures de ces policiers confrontés à une pression constante, elle s'attarde parfois trop sur leur vie privée. Les intrigues familiales, notamment celles de Marta et Michele, alourdissent le rythme sans apporter de véritable profondeur à l'intrigue principale. L'équilibre entre drame personnel et tension policière est fragile, et par moments, la narration s'y perd. L'un des écueils majeurs de Désordre Public réside dans son incapacité à clarifier son message. La série adopte une posture d'observateur, sans jamais prendre clairement position sur la violence policière.
Faut-il y voir une critique de la brutalité des forces de l'ordre ou une justification de leur violence face à une société en crise ? Ce flou rend l'ensemble frustrant. D'un côté, la série met en scène des exactions difficilement défendables. De l'autre, elle insiste sur la pression exercée sur ces policiers, les dépeignant comme des individus en perdition plus que comme de véritables responsables. En cherchant à humaniser les membres de cette unité, la série leur confère un statut de victimes autant que de bourreaux. Une ambiguïté qui, au lieu de nourrir la réflexion, laisse un sentiment d'inabouti.
Malgré des scènes de confrontation réussies et une mise en scène immersive, Désordre Public souffre d'un rythme inégal. Certains passages s'étendent inutilement, notamment dans l'exploration des tourments intimes des personnages. De longs silences, des plans fixes prolongés, des scènes de mélancolie à répétition : tout cela alourdit une intrigue qui aurait gagné en intensité avec un format plus resserré. Une série de quatre épisodes aurait suffi à capturer l'essence du récit sans les digressions superflues.
Le dernier épisode ne parvient pas à donner un véritable élan à l'ensemble. Après six heures d'un récit qui oscille entre enquête et introspection, l'issue manque de souffle. Au lieu d'apporter un regard tranché sur les dérives policières ou sur la responsabilité des protagonistes, la série laisse planer un sentiment d'inachèvement. Si une saison 2 devait voir le jour, il serait essentiel d'affiner le propos et de recentrer l'intrigue sur l'enjeu principal : les conséquences de l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre. En l'état, Désordre Public est une série qui interpelle, mais qui, faute d'une direction claire, reste sur le seuil de son potentiel.
En dépit d'une photographie soignée, d'une ambiance immersive et de performances d'acteurs convaincantes, Désordre Public peine à trouver son équilibre. Trop focalisé sur les drames personnels de ses personnages, le récit s'éparpille et dilue la force de son propos. Le sujet, pourtant brûlant, méritait une approche plus incisive. Au final, la série laisse une impression mitigée : captivante par moments, frustrante souvent, elle aurait gagné à être plus concise et affirmée dans son message.
Note : 4/10. En bref, en dépit d'une photographie soignée, d'une ambiance immersive et de performances d'acteurs convaincantes, Désordre Public peine à trouver son équilibre et traine en longueur.
Disponible sur Netflix
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog