28 Février 2025
Bad Genius // De J.C. Lee. Avec Benedict Wong, Jabari Banks et Callina Liang.
Lynn, une élève brillante, aurait tout pour réussir. Son parcours scolaire est exemplaire, ses notes sont excellentes, et son avenir semble tracé vers l’université. Pourtant, son intelligence seule ne suffit pas : les barrières financières se dressent sur son chemin. Face à un système éducatif qui favorise les plus aisés, elle trouve une alternative inattendue pour financer son futur : utiliser son savoir non pas pour elle seule, mais pour ceux qui sont prêts à payer le prix. Bad Genius, réalisé par J. C. Lee, est une nouvelle adaptation du film thaïlandais du même nom sorti en 2017. Inspiré d’une affaire réelle de triche au S.A.T., il transpose le cadre du film original dans un contexte plus occidental.
Un groupe d'étudiants, génies de l'informatique, décide de démolir le système d’admission des étudiants à l'université.
À travers une tension constante et une mise en scène rythmée, le film interroge la frontière entre justice et escroquerie, ambition et manipulation. L’histoire de Bad Genius repose sur une idée simple, mais redoutablement efficace : transformer un contrôle de connaissances en un véritable casse organisé. Lynn, à force d’observer les failles du système, met au point une méthode sophistiquée pour permettre à ses camarades de tricher aux examens en échange d’une rémunération. Ce qui commence comme un simple coup de pouce devient rapidement une entreprise florissante, où chaque épreuve est une nouvelle mission à risque.
Le film reprend les codes du thriller, mais les applique à un univers scolaire. Chaque examen devient une scène d’infiltration, où l’adrénaline est aussi forte que dans un braquage de film d’action. Les moments de tension ne manquent pas, surtout lorsque le moindre faux pas peut tout faire basculer. Au-delà du suspense, Bad Genius soulève une problématique qui dépasse largement le cadre du récit : l’inégalité des chances dans l’éducation. Lynn n’a pas recours à la triche par plaisir ou par paresse, mais parce qu’elle est confrontée à une réalité brutale.
Elle a le talent et la volonté, mais pas les moyens financiers de poursuivre ses études. Pendant ce temps, d’autres, moins méritants mais mieux nantis, peuvent accéder aux meilleures écoles sans difficulté. Le film ne se contente pas de dénoncer une injustice, il met en lumière un système où l’argent ouvre des portes bien plus facilement que les compétences. L’un des moments les plus marquants est lorsque Lynn exprime sa vision du S.A.T. : un mécanisme conçu par les riches, pour les riches, et vendu aux classes moyennes sous l’illusion du mérite.
Cette critique résonne d’autant plus qu’elle ne concerne pas uniquement les États-Unis, mais s’applique à de nombreux pays où la réussite scolaire est conditionnée par des frais d’inscription exorbitants et des préparations coûteuses. Lynn est un personnage fascinant, car elle oscille en permanence entre le bien et le mal. Son intelligence est indéniable, mais ses décisions la placent sur une pente glissante. Elle commence en pensant faire une chose juste : aider ses amis, se donner une chance d’accéder à l’université. Mais rapidement, l’engrenage se met en place. L’argent facile, l’adrénaline du risque, la sensation de contrôler un système qui semblait pourtant verrouillé contre elle…
Le film explore avec justesse la façon dont de petites transgressions peuvent évoluer en actes bien plus graves. Ce n’est pas simplement une histoire de tricherie, mais une réflexion sur ce qui pousse une personne à franchir certaines limites. À quel moment cesse-t-on d’être un élève brillant pour devenir un escroc ? Est-il vraiment possible de manipuler un système sans que celui-ci finisse par nous écraser ? Là où l’original thaïlandais proposait une immersion profonde dans la psychologie des personnages, cette version plus occidentale peine parfois à lui donner une réelle valeur ajoutée.
Certains aspects semblent avoir été légèrement précipités, rendant les motivations et les relations entre les personnages moins percutantes. Le casting apporte toutefois une solide performance, notamment Callina Liang dans le rôle de Lynn, qui parvient à rendre son personnage à la fois attachant et inquiétant. Benedict Wong, en père aimant mais dépassé par la situation, apporte une belle nuance au récit, bien que son rôle reste trop en retrait pour réellement marquer. L’esthétique du film, avec une mise en scène soignée et des jeux de lumière qui accentuent la tension, contribue à maintenir l’attention du spectateur.
Le rythme, quant à lui, ne faiblit jamais, renforçant cette sensation d’urgence qui accompagne Lynn tout au long de son parcours. L’un des thèmes centraux de Bad Genius est la marchandisation des relations humaines. Rien n’est gratuit, tout a un prix. L’éducation, bien sûr, mais aussi la loyauté, l’amitié, la confiance. Ce que Lynn met en place n’est pas seulement un système de triche, mais une micro-économie parallèle où chacun joue un rôle selon ce qu’il peut offrir. Le film soulève ainsi une question inconfortable : si tout peut être acheté, que reste-t-il d’authentique ?
Lynn n’aide pas ses amis par altruisme, ils ne la paient pas par reconnaissance. Ce qui commence comme un simple service se transforme en un réseau où chaque interaction devient une transaction. Cette réflexion va au-delà du cadre scolaire. Dans un monde où les inégalités se creusent, où les diplômes sont perçus comme des sésames vers une vie meilleure, combien de personnes seraient prêtes à contourner les règles pour obtenir leur place ? Sans révéler les détails de la conclusion, le film parvient à clore son histoire avec une logique implacable.
Lynn, après avoir tant défié le système, se retrouve face aux conséquences de ses actes. Le poids de ses décisions, longtemps mis de côté, finit par la rattraper. La fin laisse une impression marquante, non pas par une explosion de suspense, mais par la manière dont elle reflète la dure réalité du monde dans lequel évoluent les personnages. Le rêve d’une réussite méritée s’efface face aux règles impitoyables d’un jeu où certains sont toujours en position de force. Au-delà d’un simple thriller scolaire, Bad Genius propose une réflexion pertinente sur l’accès à l’éducation et les sacrifices qu’impose un système inégalitaire.
Son intrigue haletante, son message social et son personnage principal complexe en font un film qui captive autant qu’il questionne. Si cette adaptation occidentale ne parvient pas toujours à égaler la profondeur émotionnelle du film original, elle reste une œuvre efficace, portée par une tension constante et un sujet universel. La réussite, dans un monde où tout se monnaie, est-elle encore une question de talent, ou bien est-elle devenue un privilège réservé à ceux qui en ont les moyens ? Bad Genius n’apporte pas de réponse tranchée, mais pousse à se poser la question.
Note : 6.5/10. En bref, quand l’intelligence devient une arnaque. Le film a ses moments et une tension qu’il ne perd pas. Un thriller scolaire efficace.
Prochainement en France
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog