Critique Ciné : Trois Amies (2024)

Critique Ciné : Trois Amies (2024)

Trois Amies // De Emmanuel Mouret. Avec Camille Cottin, Sara Forestier et India Hair.

 

Emmanuel Mouret continue d’explorer les méandres du sentiment amoureux avec Trois Amies, un film qui s’intéresse aux relations entre trois femmes en quête d’équilibre affectif. À travers des dialogues ciselés et des situations empreintes d’une douce mélancolie, le réalisateur propose une réflexion sur les émotions, les désirs et les compromis que chacun doit faire face aux aléas du cœur. Ce film s’inscrit dans la lignée du cinéma d’auteur français, mêlant romance et introspection, avec une touche de comédie et quelques éclats de drame. Il met en scène des personnages oscillant entre espoir et désillusion, dans un univers où l’amitié féminine se révèle être un refuge face aux incertitudes amoureuses.

 

Joan n'est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune... Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.

 

Trois Amies suit les parcours croisés de trois femmes – interprétées par India Hair, Sara Forestier et Camille Cottin – qui partagent leurs doutes, leurs enthousiasmes et leurs désillusions face à l’amour. Chacune, à sa manière, tente de trouver un équilibre entre passion et raison, entre attentes idéalisées et réalité parfois plus âpre. Le film met en lumière la difficulté à concilier amour et stabilité. Les relations se nouent et se dénouent, laissant place à des échanges pleins de subtilité sur les choix de vie, les regrets et les concessions. 

 

Emmanuel Mouret excelle dans cette mise en scène des hésitations humaines, où l’amour semble être un jeu d’échecs dans lequel chacun avance avec prudence, parfois avec maladresse. Ce qui frappe dans Trois Amies, c’est cette manière délicate de traiter les émotions sans verser dans l’excès. Il ne s’agit pas d’une grande fresque dramatique, ni d’une comédie romantique légère, mais plutôt d’un équilibre entre les deux. Les conversations sont au centre du récit, et les échanges entre les personnages donnent à voir une palette de sentiments, entre euphorie, désillusion et tendresse.

 

La voix off, qui ponctue l’histoire, renforce cet aspect en apportant une distance presque théâtrale au récit. Si ce choix stylistique peut sembler appuyé par moments, il s’intègre assez bien à l’univers du film et à cette volonté d’observer les sentiments avec précision et recul. Ce marivaudage moderne ne se contente pas de juxtaposer des histoires d’amour. Il s’intéresse aussi à la manière dont les relations évoluent, aux illusions que chacun entretient sur l’amour et aux petits arrangements avec soi-même pour éviter la solitude. 

 

Les dialogues sont ciselés, parfois drôles, souvent mélancoliques, et traduisent cette complexité avec une grande finesse. Un élément plus inattendu vient perturber cette mécanique bien huilée : l’apparition d’un personnage disparu. Ce fantôme, qui intervient à mi-parcours, apporte une touche originale au récit sans pour autant en modifier la tonalité générale. Ce choix scénaristique, qui aurait pu paraître incongru, s’intègre finalement assez bien au propos du film, ajoutant une dimension supplémentaire aux questionnements des protagonistes.

 

Le trio formé par India Hair, Sara Forestier et Camille Cottin fonctionne à merveille. Chacune apporte une sensibilité propre à son personnage, rendant leurs interactions crédibles et sincères. India Hair, notamment, surprend dans un rôle plus sobre que ceux auxquels elle a habitué le public. Son interprétation tout en retenue permet de mieux ressentir les émotions de son personnage, sans en faire trop. Les personnages masculins, bien que plus en retrait, ne sont pas pour autant caricaturés. Vincent Macaigne, en particulier, incarne avec justesse un homme tiraillé entre ses sentiments et ses contradictions, sans jamais tomber dans la facilité. 

 

Le film ne cherche pas à opposer les sexes, mais plutôt à montrer à quel point l’amour est un terrain semé d’incertitudes, quelle que soit la perspective adoptée. La réalisation d’Emmanuel Mouret reste fidèle à son style : fluide, sans fioritures inutiles, privilégiant les dialogues et les interactions entre les personnages. Les décors, souvent sobres, accentuent cette impression d’intimité, renforçant le sentiment que le spectateur est témoin de conversations presque privées. La photographie, soignée sans être ostentatoire, accompagne discrètement le récit. 

 

La bande-son, elle aussi bien dosée, vient souligner les émotions sans jamais les surligner de manière artificielle. Tout est fait pour que l’attention se porte avant tout sur les personnages et leurs échanges, sans détours inutiles. Si Trois Amies séduira ceux qui apprécient les films où le dialogue prime sur l’action, il risque aussi de laisser de marbre ceux qui recherchent un cinéma plus rythmé ou plus visuel. Certains pourront trouver le film trop bavard, trop intellectuel, voire un brin prétentieux dans sa façon d’aborder les relations humaines.

 

L’approche du film, qui met en avant des personnages appartenant à un certain milieu urbain et cultivé, peut aussi donner l’impression d’un récit déconnecté des réalités plus terre-à-terre de la vie amoureuse. Les préoccupations des protagonistes, bien que sincères, restent celles de personnages privilégiés, ce qui peut parfois créer une certaine distance avec le spectateur. Enfin, si l’idée d’un fantôme bienveillant apporte une touche d’originalité, elle pourra aussi déconcerter. Son rôle reste assez discret, mais il pourrait donner l’impression d’un artifice scénaristique venant casser la cohérence du récit.

 

Trois Amies s’inscrit dans la lignée des films d’Emmanuel Mouret, avec cette volonté de décortiquer les relations amoureuses sans jamais donner de réponses définitives. Le film interroge, sans juger, et laisse à chacun la liberté de se reconnaître – ou non – dans les questionnements de ses personnages. Si certaines longueurs et une certaine intellectualisation des dialogues peuvent freiner l’adhésion, le film offre néanmoins une belle réflexion sur les chemins parfois sinueux du sentiment amoureux. 

 

Avec des actrices investies, une mise en scène discrète et une écriture soignée, Trois Amies réussit à capter cette complexité propre aux relations humaines, entre passion et renoncements, illusions et prises de conscience. Ce n’est peut-être pas le film le plus marquant du réalisateur, mais il s’inscrit dans une continuité intéressante, poursuivant avec justesse cette exploration des affres du cœur et des liens qui unissent les êtres, qu’ils soient amicaux ou amoureux.

 

Note : 7/10. En bref, entre marivaudage et questionnements sur l’amour, Emmanuel Mouret livre ici un beau film.

Sorti le 6 novembre 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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