14 Avril 2025
Doux Jésus // De Frédéric Quiring. Avec Marilou Berry, Isabelle Nanty et Barbara Bolotner.
Le cinéma français aime les croisements improbables, les contrastes de cultures et les personnages en décalage avec leur environnement. Avec Doux Jésus, on part sur une idée séduisante : celle d'une religieuse qui quitte les murs paisibles et cloisonnés d’un couvent pour se confronter à un monde qu’elle ne reconnaît plus. Sur le papier, cette comédie avait de quoi titiller la curiosité, voire même promettre quelques éclats de rire. Pourtant, à l’écran, le résultat laisse un goût un peu tiède, comme si la promesse n’avait pas vraiment été tenue.
Sœur Lucie, religieuse dévouée, décide de fuir son couvent au bout de 20 ans pour retrouver son amour de jeunesse. C'est pour elle le début d'une aventure extraordinaire qui mettra sa foi à l'épreuve et la confrontera au monde d’aujourd’hui plein de surprises et de tentations.
Il y a quelque chose d’attachant dans ce personnage de sœur Lucie, religieuse candide qui débarque dans le tumulte du monde moderne après des années de vie monastique. Ce choc des cultures aurait pu donner lieu à une comédie vive, pleine d’observations mordantes et de situations cocasses. L’époque, avec ses absurdités et contradictions, s’y prête volontiers. Et pourtant, après une première vingtaine de minutes plutôt engageante, le film semble perdre peu à peu son souffle. Le scénario peine à maintenir une ligne claire. On passe d’un registre à l’autre sans vraiment comprendre où l’histoire veut nous emmener.
L’humour devient hésitant, les dialogues paraissent parfois improvisés ou creux, et certaines scènes donnent l’impression d’avoir été insérées un peu au hasard, comme des sketchs collés bout à bout. Ce flou narratif rend l’ensemble inégal, presque décousu, malgré les efforts visibles des comédiennes. L’un des problèmes majeurs de Doux Jésus réside dans son rythme. L’ouverture du film, avec cette voix off du personnage principal, donne immédiatement une impression de déjà-vu. Pire encore, elle dévoile des éléments clés de l’intrigue, ôtant toute forme de suspense ou d’évolution dramatique.
Ce choix scénaristique affaiblit considérablement l’impact émotionnel des scènes à venir. Le montage accentue ce sentiment de flottement. On a l’impression que le film avance à tâtons, sans fil conducteur solide. Certaines séquences semblent prometteuses, mais s’arrêtent net, comme si elles avaient été coupées trop tôt ou abandonnées. À d'autres moments, c’est l’inverse : des situations s’éternisent sans raison apparente, diluant l’humour qui aurait pu être plus percutant s’il avait été traité avec plus de concision. Marilou Berry donne tout ce qu’elle peut à son personnage. On sent l’envie de proposer quelque chose de différent, de se laisser aller à une certaine folie douce.
Mais elle est desservie par une écriture inégale et un cadre qui manque de structure. Résultat, ses efforts apparaissent souvent déconnectés du reste, comme si elle luttait seule pour faire exister son rôle dans un film qui ne lui donne pas les bons outils. Face à elle, Isabelle Nanty, toujours aussi charismatique, peine elle aussi à trouver sa place dans cet univers flou. Les deux actrices n’ont pas grand-chose à se reprocher individuellement, mais leur duo ne parvient pas à créer cette alchimie qu’on aurait espérée. Le potentiel comique est là, mais trop rarement exploité avec justesse.
L’esthétique du film reste globalement sage, presque télévisuelle par moments. On sent une volonté de ne pas aller trop loin, de rester dans une zone de confort qui, au final, nuit à l’ambition initiale. Là où on aurait pu avoir un regard acéré sur les contradictions du monde moderne face aux valeurs d’un engagement religieux, Doux Jésus préfère rester dans l’humour gentil, souvent plat, parfois convenu. La bande-annonce, pourtant prometteuse, laissait espérer un ton plus décalé, une énergie plus folle. Malheureusement, la plupart des scènes marquantes ont été utilisées dans cette promo, laissant peu de surprises au spectateur une fois devant l’écran.
Cela renforce cette impression de film qui n’a pas su renouveler sa proposition au fil du récit. Il serait injuste de dire que Doux Jésus est un raté complet. Le film part d’une bonne intention, celle de parler de foi, de découverte de soi, et d’évolution personnelle à travers un prisme comique. La bienveillance est palpable, et il n’y a ni cynisme ni moquerie envers la religion. C’est assez rare pour être souligné. On sent aussi l’envie de traiter ces sujets sans tomber dans le blasphème ou la caricature, ce qui est plutôt appréciable dans un contexte où l’ironie facile domine souvent. Mais malgré cette bonne volonté, le film n’arrive pas à aller au bout de ses idées.
Il reste trop sage pour être vraiment irrévérencieux, trop flou pour être véritablement profond, et pas assez drôle pour s’imposer comme une comédie marquante. C’est un entre-deux un peu frustrant, qui donne l’impression d’un projet qui n’a pas trouvé son ton. Certains aspects du film rappellent des œuvres plus anciennes, comme Sister Act ou même certains téléfilms français légers du lundi soir comme les Soeur Thérèse.com. Cette nostalgie n’est pas forcément un défaut en soi, mais encore faut-il qu’elle soit assumée. Ici, on devine une inspiration un peu rétro, mais elle n’est ni poussée ni modernisée.
Résultat, le film reste coincé entre plusieurs époques, sans vraiment réussir à les marier. Même le clin d’œil à des figures comme Bécassine, ou l’idée d’une nonne naïve face à un monde cynique, aurait pu être exploité avec plus de finesse ou de second degré. Malheureusement, ces références semblent là pour meubler plutôt que pour enrichir l’intrigue. Doux Jésus n’est pas désagréable à regarder, mais il manque d’âme. Il a ses moments de douceur, quelques sourires çà et là, mais l’ensemble reste trop timide pour marquer les esprits. Ceux qui apprécient les comédies légères, portées par des personnages un peu décalés, y trouveront peut-être de quoi passer un moment tranquille.
Pour les autres, mieux vaut ne pas trop se fier à la bande-annonce. Avec un sujet aussi original, il y avait matière à faire un film plus audacieux, plus structuré, et surtout plus drôle. Le potentiel était là, les actrices aussi. Il aura manqué cette étincelle scénaristique qui fait toute la différence entre une comédie sympathique… et une comédie marquante.
Note : 4/10. En bref, Doux Jésus n’est pas désagréable à regarder, mais il manque d’âme. Il a ses moments de douceur, quelques sourires çà et là, mais l’ensemble reste trop timide pour marquer les esprits.
Sorti le 9 avril 2025 au cinéma
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