11 Avril 2025
Good American Family // Mini-series. Episode 5. Too Hurty Without It.
L’épisode 5 de la mini-série Good American Family marque un tournant. Jusqu’ici, l’histoire était racontée depuis l’angle de Kristine et Michael, les parents adoptifs de Natalia. Cet épisode bouleverse la dynamique en déplaçant le regard vers Natalia. Pour la première fois, c’est sa voix que l’on entend, et l’effet est profond. Il ne s’agit pas simplement d’un changement de point de vue, mais d’une immersion dans un isolement brutal, celui d’une enfant abandonnée par ceux qui étaient censés la protéger. Le début de l’épisode plante immédiatement le décor : Natalia est interrogée par un enquêteur.
Elle affirme avoir caché des couteaux et répète qu’elle a 22 ans mais paraît plus jeune. Dès lors, une question s’impose : parle-t-elle sous la peur ? Cherche-t-elle à se protéger derrière des réponses mécanisées, comme si elle avait appris ce qu’on attendait d’elle ? Ce décalage entre les mots prononcés et les émotions visibles trouble. Rien ne semble authentiquement voulu, tout paraît réactionnel, presque automatique. Le retour en arrière sur les premiers jours de Natalia seule dans son appartement renforce cette impression. La scène où elle tente de courir après le véhicule de ses parents adoptifs est difficile à regarder. Sans aide pour marcher, elle supplie qu’on lui rende son déambulateur.
Il ne s’agit pas de caprice mais de survie. L’appartement où elle est installée semble préparé en surface, mais la réalité est tout autre. Les provisions sont placées hors de portée, elle ignore comment utiliser un ouvre-boîte, et même la douche ne fonctionne pas correctement. Un moment marquant est celui où Natalia entre dans la maison d’un voisin. Elle y trouve un petit plaisir sucré et se jette dessus avec un appétit féroce. Ce n’est pas de la gourmandise, mais la faim d’une enfant livrée à elle-même. Cette scène aurait pu être anecdotique, mais elle souligne cruellement à quel point elle n’est pas prête à vivre seule.
Dans le contexte réel, où la justice a finalement rétabli l’âge légal de Natalia comme mineure à l’époque, cette solitude imposée prend une autre dimension. Au fil de l’épisode, Natalia tente de se réapproprier une forme de normalité. Elle se rend à la bibliothèque pour consulter un livre où elle était censée apparaître. Elle découvre qu’elle a été effacée de la photo. Ce détail, en apparence mineur, déclenche une crise de colère. Encore une fois, elle est rayée, gommée. Sa réaction, proportionnelle ou non, traduit une souffrance accumulée. Michael vient la voir, apportant quelques objets. Natalia le supplie de rester, mais il ne cède pas.
Il lui lance même qu’elle aurait dû se comporter différemment, qu’elle a provoqué cette situation. Ce renversement de responsabilité est frappant. Une enfant doit-elle porter seule le poids d’un échec familial ? Elle fait des efforts, nettoie son appartement, tente de se rapprocher de voisins. Mais à chaque tentative d’intégration, une déception la rattrape. Accompagnée du petit-fils de sa voisine, elle essaie de retrouver ses anciens parents, mais apprend qu’ils ont prévu de partir pour le Canada. Son absence prolongée inquiète la grand-mère, qui réagit violemment en demandant l’expulsion de Natalia.
Kristine réapparaît alors, mais son attitude est glaçante. Loin de l’image maternelle, elle agit avec dureté. Natalia se retrouve dans un nouveau logement, plus inadapté encore, avec de nombreuses marches à monter. Les dernières pièces du puzzle se mettent en place. Les phrases qu’elle prononçait au début prennent sens lorsqu’elle est confrontée à Kristine qui la menace. Poussée à bout, Natalia affirme qu’elle est prête à dire ce que Kristine veut. En guise de réponse, Kristine l’asperge de gaz poivré. L’image de Natalia dans une salle de classe universitaire achève le portrait.
Elle n’a pas les outils, ni intellectuels ni affectifs, pour suivre ce genre d’enseignement. Ce n’est pas une imposture. C’est l’exposition brutale d’une erreur de jugement : celle de l’avoir traitée comme une adulte alors qu’elle était encore une enfant. Cet épisode ne s’appuie pas sur des rebondissements spectaculaires. Sa force réside dans le malaise progressif, dans la révélation lente d’une réalité différente de celle dépeinte jusque-là. Les accusations portées contre Natalia prennent un tout autre relief. Elle n’apparaît pas comme manipulatrice, mais comme une enfant brisée, cherchant un foyer.
Ce que cet épisode met en lumière, c’est aussi la facilité avec laquelle une histoire peut être racontée d’une manière qui la déforme. L’accès au récit de Natalia permet de relire les épisodes précédents sous un autre angle. Les gestes, les mots, les regards prennent un sens différent. Ce décalage soulève une question essentielle : que reste-t-il de la vérité quand chaque partie façonne le récit à sa convenance ? L’interprétation de Natalia par l’actrice crée un lien désarmant avec le spectateur. Elle ne cherche pas à attendrir, elle vit simplement l’expérience de son personnage avec une justesse crue.
Ce qui ressort, ce n’est pas un plaidoyer, mais une humanité blessée. En regardant cet épisode, une pensée revient : pendant combien de temps a-t-on cru à une version déformée des faits ? Et que dit ce biais sur la façon dont l’on perçoit les enfants, surtout ceux qui ne rentrent pas dans les cases traditionnelles ? Good American Family, à travers ce cinquième épisode, oblige à regarder l’inconfortable en face, sans le masquer derrière une mise en scène. La série a peut-être pris son temps pour accorder la parole à Natalia, mais ce choix narratif rend l’impact de cet épisode d’autant plus fort.
Rien n’est résolu, rien n’est clair, mais au moins, une voix jusque-là étouffée a enfin été entendue. C’est sans doute là l’enjeu réel de cet épisode : rappeler que derrière chaque histoire médiatisée, il y a des existences réelles, complexes, parfois ignorées, souvent jugées trop vite.
Note : 9/10. En bref, Good American Family, à travers ce cinquième épisode, oblige à regarder l’inconfortable en face, sans le masquer derrière une mise en scène. La série a peut-être pris son temps pour accorder la parole à Natalia, mais ce choix narratif rend l’impact de cet épisode d’autant plus fort.
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