El Jardinero (Mini-series, 6 épisodes) : un thriller espagnol prometteur, mais qui fane très vite

El Jardinero (Mini-series, 6 épisodes) : un thriller espagnol prometteur, mais qui fane très vite

Il y a des séries qui commencent fort, qui accrochent dès les premières minutes, et qui donnent cette impression rare qu’on tient peut-être une pépite. El Jardinero, mini-série espagnole en six épisodes, appartient à cette catégorie… du moins au départ. Malheureusement, à mesure que les épisodes défilent, cette impression s’estompe, laissant place à une œuvre inaboutie, pleine de contradictions et de promesses non tenues. Voici mon regard sur cette série qui aurait pu marquer les esprits, mais qui, à mes yeux, n’a été qu’une tentative incomplète.

 

Elmer et sa mère dominatrice, La China Jurado, dirigent une jardinerie dissimulant une florissante entreprise clandestine de tueurs à gages. Tuer est une formalité pour Elmer qui, depuis un accident, ne ressent plus aucune émotion. Jusqu'au jour où, préparant le meurtre de Violet, une charmante institutrice de maternelle, il tombe amoureux d'elle. Elmer doit alors apprendre à aimer tandis que sa mère est prête à tout pour éliminer Violet.

 

El Jardinero repose sur une idée originale : un jeune homme, Elmer, victime d’un accident cérébral dans son enfance, se retrouve incapable de ressentir la moindre émotion. Cette particularité, exploitée par sa propre mère, va faire de lui un tueur à gages, discret et méticuleux. Le point de départ est dérangeant, presque malsain, mais intrigant. Il y avait là de quoi bâtir un thriller psychologique puissant, ancré dans la noirceur des sentiments humains absents, ou refoulés. Dès le premier épisode, le ton est donné. L’ambiance est pesante, les non-dits nombreux, et le duo mère-fils fonctionne à merveille dans sa complexité tordue. 

 

La série semble alors vouloir explorer les limites de la manipulation maternelle, de la moralité, et de l’absence d’affect. Jusqu’ici, tout va bien. Le problème, c’est qu’après cette entrée en matière plutôt réussie, l’intrigue se dilue dans une série de choix scénaristiques discutables. Le personnage d’Elmer, pourtant central, reste désespérément en surface. Son absence d’émotion, censée être son trait distinctif, se transforme progressivement en un flou scénaristique. Il semble ressentir, puis ne plus ressentir, avant de redevenir presque humain, sans véritable explication. 

 

Cette évolution aurait pu être fascinante si elle avait été traitée avec subtilité et profondeur. À la place, elle donne l’impression d’un revirement peu crédible, précipité, et mal préparé. Quant à China, la mère, elle est à la fois fascinante et exaspérante. Son amour malsain pour son fils est bien rendu, mais là encore, son rôle devient flou au fil des épisodes. Manipulatrice, cruelle, puis presque effacée, elle ne suit pas une trajectoire claire. Sa dynamique avec Elmer, pourtant prometteuse, perd en intensité, comme si le scénario avait du mal à maintenir la tension. Le virage romantique que prend la série à mi-parcours m’a semblé maladroit. 

 

L’arrivée de Violeta dans la vie d’Elmer aurait pu être un ressort narratif puissant : le réveil des émotions, le conflit intérieur, la tentation de fuir un passé sordide. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Au lieu d’un bouleversement psychologique subtil, on assiste à une romance convenue, aux dialogues plats, qui prend une place disproportionnée dans le récit. Ce qui aurait pu marquer un tournant dans la série devient alors un frein. L’évolution d’Elmer, au lieu d’être introspective et dramatique, se résume à quelques regards amoureux et à une passion soudaine qui sonne faux. La dimension émotionnelle, si cruciale à l'intrigue, est survolée, simplifiée, presque désinvolte.

 

Autre point faible : l’intrigue policière. Loin d’apporter du rythme ou de la tension, elle ralentit le récit. Les deux détectives censés faire avancer l’enquête n’apportent rien de concret. Leurs scènes, souvent creuses, donnent l’impression de combler des vides scénaristiques plutôt que d’enrichir le récit. Leur présence paraît presque superflue, tant leur impact sur l’histoire principale est faible. À cela s’ajoutent des personnages secondaires mal développés, dont les dialogues tombent souvent à plat. Loin de complexifier l’univers de la série, ils alourdissent la narration, déjà ralentie par un rythme irrégulier. 

 

Ces digressions nuisent à l’efficacité du thriller et détournent l’attention du cœur de l’histoire. La construction narrative d’El Jardinero pose problème. Le premier épisode est prenant, et le dernier parvient à susciter de l’intérêt, bien qu’il échoue à offrir une conclusion satisfaisante. Entre les deux, les quatre épisodes intermédiaires peinent à maintenir l’attention. On y retrouve peu de tension dramatique, peu de scènes marquantes, et surtout, un manque criant de progression.

 

Il y a bien quelques tentatives d’augmenter la tension, mais elles tombent à plat, faute d’enjeux clairs ou de mise en scène percutante. L’ensemble donne l’impression d’un long tunnel narratif, où l’on attend un décollage qui ne viendra jamais. C’est sans doute l’un des plus gros reproches que j’ai à faire à cette mini-série : sa conclusion. Après avoir effleuré des thématiques complexes – l’amour filial, le poids de la culpabilité, la résurgence des émotions – El Jardinero choisit de finir sur une note fade et opportuniste. 

 

Plutôt que de clore l’histoire sur une scène puissante, intime et symbolique, la série opte pour un dernier échange décevant, qui semble uniquement conçu pour préparer une hypothétique saison 2. Le choix de faire de Violeta une nouvelle commanditaire d’Elmer, balayant ainsi toute la trajectoire émotionnelle amorcée précédemment, m’a semblé absurde. Ce revirement final annule tout ce que le personnage avait commencé à construire, et réduit la relation à une mécanique utilitaire, dépourvue de toute émotion. 

 

Un simple plan, un regard ému, une hésitation d’Elmer face à sa propre humanité retrouvée… voilà ce que j’aurais aimé voir. Une conclusion simple, mais lourde de sens. À la place, la série s’égare dans une ouverture inutile. Sur le plan du jeu d’acteur, le bilan est mitigé. Le duo principal, Elmer et sa mère China, livre des performances convaincantes, parfois même touchantes. Leur relation complexe est l’un des rares aspects qui suscitent un réel intérêt tout au long de la série. Malheureusement, cela ne suffit pas à compenser les lacunes des autres comédiens.

 

Certains rôles secondaires sont mal interprétés, avec des prestations surjouées ou trop mécaniques. Ce manque de cohérence dans le jeu affaiblit l’impact émotionnel global, et accentue le sentiment de flottement qui domine les épisodes centraux. Visuellement, El Jardinero ne choque pas, mais ne marque pas non plus. La réalisation est propre, soignée, parfois élégante, mais manque de personnalité. Les scènes sont souvent trop sages, manquent de tension visuelle, et les moments censés être intenses tombent parfois dans la platitude. Quelques éclairages sombres, une musique discrète et quelques cadrages serrés ne suffisent pas à créer une véritable ambiance de thriller psychologique. 

 

Cela renforce l’impression d’un projet qui n’ose pas aller au bout de sa propre idée, qui joue la sécurité là où il aurait fallu du courage artistique. El Jardinero aurait pu être un bijou sombre, à mi-chemin entre Dexter et Bates Motel, en explorant les méandres de l’âme humaine et de la manipulation familiale. Mais au lieu de cela, la série prend des chemins détournés, dilue son intrigue, et finit par perdre le spectateur en route. Ce n’est pas une série catastrophique. Elle est regardable, parfois agréable, mais trop souvent frustrante. Elle donne l’impression d’un potentiel inexploité, d’un récit qui s’est égaré faute de savoir ce qu’il voulait vraiment raconter. 

 

Entre contradictions internes, rythme bancal et conclusion ratée, elle laisse un goût d’inachevé. Il y a beaucoup de bonnes idées dans El Jardinero, mais elles sont traitées de manière trop superficielle pour marquer durablement. Pour ceux qui cherchent un thriller intense, original et bien ficelé, il existe des alternatives bien plus convaincantes. Hannibal, Dexter, ou même des documentaires sur la botanique, peuvent offrir plus de profondeur, de tension, et d’émotions que cette mini-série au nom prometteur mais au cœur bien trop tiède.

 

Note : 4/10. En bref, El Jardinero aurait pu être un bijou sombre, à mi-chemin entre Dexter et Bates Motel, en explorant les méandres de l’âme humaine et de la manipulation familiale. Mais au lieu de cela, la série prend des chemins détournés, dilue son intrigue, et finit par perdre le spectateur en route. 

Disponible sur Netflix

 

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