16 Avril 2025
In the Lost Lands // De Paul W.S. Anderson. Avec Dave Bautista, Milla Jovovich et Arly Jover.
Quand Paul W.S. Anderson revient derrière la caméra, c’est souvent pour embarquer le spectateur dans un univers visuellement marqué, où l’action brute prime sur la subtilité du scénario. Cette fois, il s’attaque à une nouvelle de George R. R. Martin, ce qui, sur le papier, pouvait donner envie d’y croire. Mais très vite, l’espoir laisse place à une forme d’incompréhension face à ce qui se déroule à l’écran. La première chose qui frappe dans In the Lost Lands, c’est l’aspect visuel. Là où Monster Hunter proposait un certain éclat colorimétrique qui rendait l’univers agréable à parcourir, ici, tout semble volontairement délavé.
Une reine pactise avec la puissante et redoutée sorcière Gray Alys afin qu’elle lui rapporte un trésor capable de lui conférer un pouvoir immense. Alys et son guide, le vagabond Boyce, doivent s’aventurer dans les dangereuses Contrées Perdues. Là, ils devront déjouer et combattre hommes et démons pour honorer leur part du contrat…
Le choix d’une teinte jaune permanente, presque poussiéreuse, rappelle un croisement bancal entre l’ambiance de Dune et celle de Mad Max, sans jamais atteindre le souffle de ces références. On sent une volonté de proposer un monde aride, désolé, mais tout paraît filtré, comme si un voile numérique avait été posé sur chaque plan. Le flou est omniprésent, certainement pour masquer les limites d’un tournage en studio trop visible. Ce traitement visuel, au lieu d’immerger, crée une distance. Il devient difficile d’adhérer à un univers qui paraît plus artificiel que réellement construit.
Milla Jovovich, fidèle au poste (en même temps, c’est son mari derrière la caméra), incarne Gray Alys, une sorcière errante et mercenaire qui vend ses pouvoirs au plus offrant. Une figure mystérieuse, un peu à l’image de ses rôles précédents — entre Resident Evil, Le Cinquième Élément ou Jeanne d’Arc. Si le personnage avait de quoi intriguer sur le papier, le résultat manque cruellement de relief. À ses côtés, Dave Bautista joue un chasseur taciturne censé l’accompagner dans une quête périlleuse. Le duo, censé apporter un minimum de dynamique, peine à convaincre. Les échanges entre les deux personnages manquent de rythme, de sincérité, voire d’utilité.
Tout sonne faux ou, au mieux, peu inspiré. On a l’impression que le film hésite constamment entre la buddy-movie décalée et l’aventure sérieuse à enjeux dramatiques. Finalement, il ne choisit jamais vraiment, et le spectateur reste en dehors. Il faut reconnaître une chose : l’idée de base n’est pas inintéressante. Explorer un monde oublié, hanté par des créatures et des figures mythiques, dans un décor post-apocalyptique où la magie et la barbarie coexistent, cela aurait pu fonctionner. Sauf que tout est survolé. Le scénario avance à toute allure sans jamais prendre le temps de poser ses enjeux, ni de construire des arcs narratifs solides.
La quête centrale autour d’un métamorphe, qui se révèle être un loup-garou, aurait pu offrir un souffle épique. Mais le traitement laisse sur sa faim. Les scènes censées être marquantes tombent à plat, et même les rares affrontements avec des créatures ne parviennent pas à créer de tension ou d’émerveillement. Le bestiaire est sous-exploité, presque anecdotique. C’est comme si tout le potentiel du matériau d’origine était resté en surface. Le film ne dure qu’une heure et demie, mais cette brièveté ne joue pas en sa faveur. Chaque scène semble précipitée, les transitions sont abruptes, et l’évolution des personnages, inexistante.
La narration repose sur une sorte de compte à rebours artificiel, censé insuffler de l’urgence, mais qui ne fait qu’ajouter à la confusion. L’alternance entre séquences contemplatives et accélérations brutales casse toute fluidité. Même pris comme un simple divertissement à consommer sans trop réfléchir, le film ne parvient pas à captiver. Il y a bien quelques scènes légèrement plus dynamiques, mais elles arrivent trop tard, ou sont trop peu marquantes pour relever l’ensemble. Difficile de ne pas penser à Resident Evil : Extinction en regardant In the Lost Lands, notamment à cause de l'ambiance désertique, du duo en mode survie, et du mélange entre SF et fantasy.
Mais là où le volet de la saga Resident Evil savait tirer profit de son côté série B assumée, ici tout semble forcé, retenu, presque gêné par sa propre ambition. C’est comme si Anderson avait cherché à faire un film à la fois sérieux dans son propos et décomplexé dans son traitement, sans jamais réussir à trouver le bon équilibre. Le résultat, c’est une œuvre qui semble constamment en contradiction avec elle-même, à l’image de ses personnages, de sa mise en scène, et même de son rythme. Au final, ce qui manque cruellement à In the Lost Lands, c’est une raison d’y croire. Ni l’attachement aux personnages, ni l’intérêt pour le monde proposé, ni même le spectacle visuel ne suffisent à retenir l’attention.
Tout est là, en apparence : les éléments de fantasy, les monstres, les figures mystérieuses, les conflits moraux. Mais rien n’est incarné. Et le spectateur se retrouve à regarder sa montre plus souvent que l’écran. Même en cherchant à l’aborder comme un plaisir coupable, il est difficile d’en tirer une quelconque satisfaction. Ce n’est pas mauvais au point d’en devenir culte, ce n’est pas suffisamment bon pour mériter qu’on s’y attarde. In the Lost Lands avait le potentiel de proposer un voyage singulier, un mélange de fantasy et de science-fiction qui aurait pu séduire, notamment grâce à l’univers de George R. R. Martin.
Mais à force de maladresses, de choix visuels discutables, et d’un traitement narratif bâclé, le film échoue à embarquer. Ce n’est pas une catastrophe totale, mais c’est surtout une énorme occasion manquée. Pour qui aime les mondes désolés, les créatures fantastiques et les héros ambigus, il y avait de quoi rêver. Mais au final, cette aventure ressemble plus à une marche forcée dans un désert sans fin, où ni la magie ni l’action ne parviennent à raviver l’intérêt. Un détour que l’on oubliera vite, et qui ne mérite pas vraiment qu’on s’y attarde plus longtemps.
Note : 2.5/10. En bref, tout est là, en apparence : les éléments de fantasy, les monstres, les figures mystérieuses, les conflits moraux. Mais rien n’est incarné. Et le spectateur se retrouve à regarder sa montre plus souvent que l’écran.
Sorti le 5 mars 2025 au cinéma
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