15 Octobre 2025
G.O.A.T // De Justin Tipping. Avec Tyriq Withers, Marlon Wayans et Julia Fox.
Le titre promettait tout : G.O.A.T., pour Greatest of All Time. Trois mots qu’on associe d’habitude à la légende, au dépassement, à la gloire. Le réalisateur tente d’en faire ici une exploration du prix à payer pour atteindre ce statut mythique, entre culte du corps, ambition dévorante et perte d’identité. Le résultat, pourtant, laisse un goût étrange : beau sur la forme, mais vide en son centre. Un film plein d’intentions, parfois fascinant, souvent frustrant. Au départ, G.O.A.T. s’annonce comme une plongée dans la psychologie du sportif moderne, ce gladiateur des temps contemporains que la société consomme avant de l’oublier.
Cam, jeune quarterback, subit une grave blessure à la veille d'un combine. Son idole Isaiah White l'invite à s'entraîner dans un lieu isolé. Derrière cette opportunité, Cam découvre un univers sombre où son admiration devient une menace.
À travers deux personnages opposés, le film met en scène le choc entre deux générations : un vétéran du football américain en fin de carrière (Marlon Wayans) et un jeune prodige prêt à tout pour le détrôner (Tyriq Withers). Leur rivalité dépasse vite le cadre du terrain. Ce qui se joue ici, c’est la place de l’homme face à la performance, la tentation de devenir plus qu’humain, quitte à s’y perdre. La première heure fonctionne bien. On y sent la sueur, la fatigue, la tension du vestiaire. Le film saisit la violence sourde du sport de haut niveau : les corps poussés à bout, les nuits sans sommeil, les blessures mentales que la gloire ne soigne pas.
Le montage est nerveux, la photo presque hallucinée, avec des jeux de lumière et de ralentis qui rappellent les clips hypnotiques de Requiem for a Dream. Marlon Wayans surprend dans ce rôle sombre, loin de ses habitudes comiques. Il incarne un joueur brisé, hanté par l’idée de sa propre fin. Son regard, lourd de regrets et de colère, porte la première moitié du film à bout de bras. C’est après cette première heure, quand la tension devrait atteindre son sommet, que G.O.A.T. commence à se perdre. Le récit quitte peu à peu la logique sportive pour glisser vers une dimension psychédélique, presque mystique.
Les scènes deviennent floues, les transitions saccadées, et la caméra se met à trembler comme pour traduire la confusion mentale du héros. En soi, l’idée n’est pas mauvaise : montrer que la quête de perfection peut rendre fou. Mais l’exécution manque de cohérence. Le film se transforme en un cauchemar stylisé où les symboles se multiplient sans qu’on sache vraiment ce qu’ils signifient. On croise des injections mystérieuses, un manoir décadent digne d’un rituel sectaire, des hallucinations visuelles dignes d’un clip de Kanye West période Yeezus. Tout cela pourrait fonctionner si le scénario gardait un fil conducteur clair.
Mais ici, les métaphores s’enchaînent sans hiérarchie, les dialogues se diluent dans des phrases creuses, et le spectateur finit par décrocher. L’intention artistique est là, évidente, mais elle finit par étouffer toute émotion. Visuellement, G.O.A.T. impressionne. Certains plans sont splendides : des travellings dans des stades vides, des reflets sur des casques dorés, des corps filmés comme des sculptures en mouvement. Le chef opérateur fait un travail remarquable sur les textures et la lumière, jouant sur les contrastes entre le réel et le fantasme. La bande originale, elle aussi, est soignée — un mélange de beats électroniques et de nappes sonores angoissantes qui collent bien à l’ambiance.
Mais cette virtuosité visuelle tourne vite à la démonstration. Le film finit par ressembler à un exercice de style, un patchwork d’idées de mise en scène plutôt qu’un récit fluide. On sent que le réalisateur veut marquer les esprits, mais il oublie parfois que le spectateur, lui, cherche avant tout à ressentir quelque chose. S’il y a une raison de rester jusqu’au bout, c’est bien pour Marlon Wayans. L’acteur livre sans doute l’une de ses meilleures performances. Il abandonne tout second degré pour incarner un homme brisé par la pression et la peur de disparaître. Son personnage, épuisé, rongé par les remords, devient presque un miroir du film lui-même : plein de rage, d’ambition, mais perdu dans sa propre mise en scène.
Wayans apporte une sincérité rare, une intensité qui manque au reste de l’œuvre. Face à lui, Tyriq Withers tient bien la route. Son énergie brute, sa détermination, et sa jeunesse contrastent avec la lassitude du vétéran. Leurs scènes ensemble sont parmi les plus fortes du film, notamment celles sur le terrain, où la caméra s’approche au plus près des visages, des respirations, des gouttes de sueur. Malheureusement, cette rivalité passionnante est vite sacrifiée sur l’autel d’un délire visuel où tout devient trop métaphorique pour rester crédible. Sous ses excès, G.O.A.T. cherche à dire quelque chose de fort : comment la société glorifie la performance au point d’en faire une religion.
Les sportifs deviennent des demi-dieux, jusqu’à perdre toute humanité. Mais au lieu d’explorer cette idée à fond, le film accumule les symboles — le sang, les injections, les miroirs, les démons intérieurs — sans jamais les relier. À force de vouloir tout dire, il finit par ne plus rien raconter. Le dernier acte, censé conclure cette descente aux enfers, est le plus confus. Les scènes s’enchaînent sans logique apparente, la tension se dilue, et la fin arrive sans véritable émotion. Ce qui aurait pu être un drame sur la chute d’un homme devient un collage surréaliste, beau mais creux.
On ressort du film un peu sonné, pas tant par la force du propos que par le chaos visuel qu’on vient d’endurer. Difficile de détester totalement G.O.A.T.. Il y a du talent derrière la caméra, de vraies ambitions, un casting investi. Le film veut briser les codes du drame sportif et flirter avec le fantastique, et cette prise de risque mérite d’être saluée. Mais il manque une boussole. Tout semble avoir été pensé pour impressionner, pas pour émouvoir. La rage du sport, la douleur du dépassement, la solitude du champion : tout cela reste à la surface. Pourtant, dans ses meilleurs moments, G.O.A.T. parvient à capter quelque chose d’universel — cette idée que la quête du “plus grand de tous les temps” est aussi une malédiction.
Le film aurait pu être une tragédie moderne sur l’ego et la peur de la chute. Il se contente d’être un trip visuel bancal, fascinant par instants, épuisant le reste du temps. G.O.A.T. est un film ambitieux mais désordonné, traversé de fulgurances esthétiques et de grandes intentions, mais prisonnier de son propre excès de symboles. Marlon Wayans y brille comme jamais, la mise en scène impressionne, mais le récit manque d’émotion et de clarté. Un film qui voulait être une claque sensorielle sur la quête de perfection, et qui finit en mirage : séduisant, brillant, mais insaisissable.
Note : 3/10. En bref, G.O.A.T. est un film visuellement ambitieux et porté par un excellent Marlon Wayans, mais son excès de symboles et son récit brouillon finissent par étouffer toute émotion.
Prochainement en France en SVOD. Initialement, le film devait sortir en France le 12 novembre 2025 mais compte tenu de la mauvaise réception critique et surtout de l'échec au box-office américain, la sortie cinéma est annulée par le distributeur français.
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