Critique Ciné : Killing Faith (2025)

Critique Ciné : Killing Faith (2025)

Killing Faith // De Ned Crowley. Avec Guy Pearce, DeWanda Wise et Bill Pullman.

 

Killing Faith, premier long métrage de Ned Crowley, ouvre sur le visage abîmé d’un hors-la-loi suppliant la miséricorde divine avant qu’une balle ne vienne trancher court à sa prière. Le ton est donné : l’Ouest ne pardonne pas, Dieu non plus. Dans ce western teinté d’horreur surnaturelle, la rédemption est une illusion, et la foi – au cœur du titre – devient une arme à double tranchant. Crowley, qui signe ici scénario et mise en scène, inscrit son film dans la lignée des anti-westerns. L’action se déroule en 1849, en plein cœur d’un territoire rongé par la maladie et la méfiance. Les cow-boys sentent la mort, les paysages sentent le soufre. 

 

Un médecin est chargé d'escorter une mère à travers le désert afin de trouver un remède à la mystérieuse maladie de sa fille. Est-elle malade ou possédée par le démon ?

 

Pourtant, Killing Faith ne se contente pas de recycler les codes du genre : il les tord, les souille et les retourne contre les hommes qui prétendent civiliser la terre. Au centre du récit, il y a Sarah (DeWanda Wise), une ancienne esclave qui tente de survivre dans une communauté qui ne lui pardonne ni sa liberté ni la naissance de sa fille métisse. L’enfant, née d’un viol, porte un fardeau bien plus lourd que son origine : elle peut tuer d’un simple toucher. Ses mains sont un instrument de mort, et la mère vit dans la terreur de ce qu’elles pourraient provoquer. Contrainte de fuir un village qui la rejette, Sarah engage le docteur Bender (Guy Pearce) pour l’aider à rejoindre un prédicateur du nom de Ross (Bill Pullman), censé exorciser le mal logé dans le corps de sa fille. 

 

Bender n’a rien d’un sauveur. C’est un homme détruit par la perte de sa famille, anesthésié à l’éther pour oublier la douleur. Ce duo improbable, rejoint par Edward (Jack Alcott), un jeune ouvrier naïf, entame une longue traversée vers un ailleurs qui pourrait bien n’être qu’un mirage. Le chemin devient rapidement cauchemardesque. Les rencontres s’enchaînent : des bandits, une famille cannibale, un chasseur autochtone érudit qui se fait appeler William Shakespeare. À chaque halte, la mort rôde, parfois grotesque, souvent poétique. Crowley prend le risque de ralentir le rythme pour faire respirer l’angoisse, préférant la tension sourde à l’action tonitruante. 

 

Ce parti pris donne au film une texture étrange, presque hallucinée, où chaque plan semble surgir d’un rêve fiévreux. Sous ses airs de western horrifique, Killing Faith parle avant tout de culpabilité et de transmission du mal. Le pouvoir de la fillette n’est pas qu’un gimmick surnaturel ; il incarne une faute originelle, celle d’une Amérique bâtie sur la violence et la domination. Le film ne le dit jamais frontalement, mais tout y renvoie : le viol fondateur, la méfiance envers la différence, la religion utilisée pour justifier la cruauté. Crowley filme un Ouest malade, un monde contaminé par ses propres péchés. La nature elle-même paraît infectée : les plaines brûlent, les cieux se ferment, les visages se figent dans la poussière. 

 

La photographie de Justin Hamilton, baignée d’une lumière ambrée, transforme les paysages familiers du western en visions de fin du monde. Le film ne cherche pas la beauté, il la corrompt. Et cette corruption devient fascinante. Guy Pearce retrouve ici un rôle à sa mesure : celui d’un homme rongé par la perte et la honte. Son docteur Bender n’est ni héros ni lâche, juste un être vidé de sens, que la foi des autres rend nerveux. Il traverse le film comme un fantôme lucide, oscillant entre rationalité et désespoir. Crowley l’enferme dans un dilemme simple mais implacable : croire pour sauver, ou sombrer dans la raison et tout perdre. Face à lui, DeWanda Wise impose une intensité remarquable. Sarah n’a pas le luxe de douter ; sa foi, c’est sa survie. 

 

Là où Bender dissèque le monde, elle le subit de plein fouet. Leur confrontation donne au film son cœur émotionnel : deux êtres que tout oppose, mais que la douleur rapproche. La jeune Emily Ford, dans le rôle de l’enfant maudite, est presque mutique, mais son regard suffit à nourrir l’inquiétude. Elle est à la fois victime et menace, symbole vivant d’une humanité en perdition. Bill Pullman, lui, n’arrive que tardivement, mais son apparition vaut l’attente. En prêcheur obsédé par le mal, il incarne la dérive fanatique de la foi, celle qui préfère brûler plutôt que comprendre. Sa présence apporte un dernier acte tendu, presque apocalyptique, où les convictions s’entrechoquent jusqu’à l’absurde.

 

Killing Faith n’est pas un film aimable. Il ne cherche pas à séduire, encore moins à divertir. Crowley s’autorise des lenteurs, des silences, des visions dérangeantes – des corps démembrés, des cauchemars d’éther, des cœurs arrachés. Certains effets numériques trahissent le budget limité, et la dernière partie s’étire un peu trop. Mais ces faiblesses finissent par renforcer l’étrangeté du projet. L’œuvre garde cette rugosité qui manque à beaucoup de productions calibrées. Le réalisateur signe un premier film maladroit mais audacieux, un western hanté par la question du péché originel. En mêlant fantastique et drame moral, il trouve une voix singulière, parfois bancale, souvent captivante. 

 

Killing Faith ne révolutionne pas le genre, mais il en réveille les fantômes. Crowley livre un western métaphysique, lent, violent, parfois confus, mais porté par une sincérité rare. Guy Pearce et DeWanda Wise forment un duo solide, habité par une tension spirituelle constante. Derrière le vernis surnaturel se cache un portrait amer de l’Amérique fondatrice, celle qui se croit bénie alors qu’elle pourrit de l’intérieur. Ce n’est pas un film pour tout le monde. Les impatients y verront un cauchemar poussiéreux. Les autres y trouveront une œuvre habitée, à la fois âpre et envoûtante, qui transforme le western en miroir de nos propres ténèbres.

 

Note : 6/10. En bref, Killing Faith ne révolutionne pas le genre, mais il en réveille les fantômes. Crowley livre un western métaphysique, lent, violent, parfois confus, mais porté par une sincérité rare. Guy Pearce et DeWanda Wise forment un duo solide.

Prochainement en France

 

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