7 Octobre 2025
What We Hide // De Dan Kay. Avec Mckenna Grace, Jojo Regina et Jesse Williams.
Il y a des films qui partent d’une idée forte et finissent par s’enliser dans leurs bons sentiments. What We Hide, réalisé par Dan Kay, en fait tristement partie. Sous ses airs de drame intimiste sur la crise des opioïdes, le film se transforme vite en fable maladroite où la sincérité des acteurs ne suffit pas à sauver une mise en scène sans relief. Ce n’est pas que le sujet manque de matière — au contraire — mais il fallait un regard plus tranchant pour éviter le pathos télévisuel. Le film s’ouvre sur un choc : Spider (McKenna Grace), quinze ans, découvre le corps sans vie de sa mère, victime d’une overdose.
Après le décès par overdose de leur mère, deux sœurs ne voulant pas être séparées, dissimulent son cadavre. Bientôt un policier, le parrain et l'ex-petit ami de la mère commencent à se poser des questions sur sa disparition.
Avec sa petite sœur Jessie (Jojo Regina), elle comprend immédiatement que si les services sociaux découvrent la vérité, elles seront séparées. Alors, dans un élan de désespoir, elle décide de cacher le corps. L’idée a de quoi faire frissonner : deux gamines livrées à elles-mêmes, prêtes à tout pour ne pas être arrachées l’une à l’autre. Sur le papier, c’est un point de départ puissant, presque hitchcockien. Dans les faits, Dan Kay en tire une chronique maladroite, où chaque scène semble tirer vers le mélodrame au lieu du réalisme. Le film promet le vertige d’un secret insoutenable ; il livre plutôt une succession de dialogues explicatifs et de rebondissements prévisibles. S’il y a une raison de tenir jusqu’à la fin, elle s’appelle McKenna Grace.
À dix-neuf ans, elle a déjà tourné plus que la plupart des acteurs en carrière complète, et ici encore, elle parvient à donner du poids à un rôle écrit sans nuance. Son regard fatigué, sa manière de contenir la peur sous une façade dure : tout sonne juste. Jojo Regina, qui incarne sa petite sœur, trouve aussi un ton touchant. Leur duo fonctionne, presque en dépit du scénario. Elles apportent une authenticité qui manque cruellement au reste du film. Sans elles, What We Hide aurait viré à la caricature d’un drame pour lycéens. Le reste du casting fait ce qu’il peut : Dacre Montgomery en dealer de banlieue joue les brutes de service, Jesse Williams campe un shérif trop bienveillant pour être crédible, et Forrest Goodluck, dans le rôle du petit ami potentiel, tente d’apporter un peu d’air à cet ensemble étouffant.
Il faut le dire franchement : What We Hide ressemble plus à un téléfilm qu’à un film de cinéma. Tout y est trop propre, trop sage, trop conscient de son sujet. Le film veut dénoncer les ravages de la crise des opioïdes, mais il le fait à coups de symboles faciles et de bons sentiments. Dan Kay s’inspire de faits réels, mais il ne leur rend pas justice. Le résultat ressemble à un “after school special” des années 90, une sorte de leçon de morale bien emballée où tout finit par rentrer dans l’ordre. Le drame, lui, reste de façade. On aurait aimé sentir la misère, l’angoisse, la peur du lendemain. On obtient plutôt des scènes bien éclairées, des dialogues qui expliquent tout, et une tension dramatique aussi légère qu’une émission familiale.
La principale faiblesse du film, c’est son scénario. Tout est prévisible, des décisions absurdes de Spider jusqu’au dénouement final, tellement cousu de fil blanc qu’il en devient risible. La jeune fille cache le corps de sa mère pendant des semaines… sans qu’aucun voisin ne remarque quoi que ce soit. Pas de stench, pas de soupçon. Même les scènes censées susciter la peur ou le malaise tombent à plat, faute de crédibilité. Et lorsque le film tente de se relancer avec quelques péripéties – dettes de drogue, crise d’asthme, mensonges à l’école – tout sonne faux. Les choix de Spider, censés révéler sa détermination, finissent par la faire passer pour une héroïne d’un autre monde, totalement déconnectée de la réalité.
Il manque à What We Hide ce qui fait la force des bons drames sociaux : un cadre, une atmosphère, un ancrage. Ici, tout semble flotter. La petite ville américaine n’a ni relief ni personnalité, les décors pourraient appartenir à n’importe quelle banlieue anonyme. Dan Kay n’offre aucun sens de la géographie, aucune chaleur, aucun contraste. Résultat : l’histoire se déroule dans un espace neutre, vidé de tout contexte, comme si la crise des opioïdes se résumait à une simple toile de fond. Le problème, c’est que ce genre de sujet demande du vécu, du rugueux, de la chair. Or Kay filme tout comme s’il craignait de déranger. Même la réalisation peine à exister. Les plans sont convenus, la lumière trop uniforme, la caméra hésitante. Il n’y a ni tension ni poésie.
Tout semble calibré pour ne froisser personne. C’est d’autant plus frustrant que McKenna Grace donne tout. Elle méritait une direction à la hauteur, un réalisateur capable de creuser les silences, de rendre la douleur tangible. Au lieu de cela, le film se contente de survoler, de raconter ce qu’il devrait nous faire ressentir. On est loin du désespoir viscéral de Winter’s Bone, auquel What We Hide semble vouloir rendre hommage sans jamais en comprendre la force. Au fond, What We Hide n’est pas un mauvais film par méchanceté. Il est simplement fade, inoffensif, comme ces drames qui veulent tout dire mais ne disent rien. Dan Kay a de bonnes intentions — parler de résilience, de fraternité, d’orphelinat émotionnel — mais tout reste à la surface.
Le spectateur devine chaque virage du scénario, chaque tentative de larmes, chaque moment fort prévu à la minute près. Et quand le générique arrive, il ne reste qu’une impression d’inachevé, comme si le film s’était caché derrière son titre pour éviter d’affronter la dureté de son sujet. What We Hide avait tout pour émouvoir : un duo d’actrices talentueuses, un thème d’actualité, un point de départ poignant. Mais Dan Kay transforme cette histoire en drame scolaire aseptisé. McKenna Grace, elle, brille malgré tout, prouvant encore une fois qu’elle est une actrice à suivre. Dommage que tout autour d’elle manque autant de vie. Le film parle de ce qu’on cache aux autres ; ironie du sort, il cache surtout son manque d’audace.
Note : 3/10. En bref, What We Hide avait tout pour émouvoir : un duo d’actrices talentueuses, un thème d’actualité, un point de départ poignant. Mais Dan Kay transforme cette histoire en drame scolaire aseptisé.
Prochainement en France en SVOD
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