20 Octobre 2025
Leonard and Hungry Paul, série britannique en six épisodes, diffusée sur la BBC, raconte une histoire qui pourrait paraître anodine, mais qui touche par sa sincérité. Elle m’a frappé non pas par son rythme ou ses rebondissements — il n’y en a presque pas — mais par ce qu’elle parvient à faire ressentir : une forme de paix rare dans la fiction contemporaine. Je regarde beaucoup de séries, souvent pleines de suspense, de drames, de crimes, de secrets. C’est devenu une habitude : il faut toujours que quelque chose explose, qu’un twist relance l’attention, qu’une intrigue tienne en haleine. Avec Leonard and Hungry Paul, tout cela disparaît. Ici, rien ne cherche à retenir le spectateur par la tension.
Leonard et Hungry Paul mènent une existence tranquille, jusqu'à ce que l'amour, le travail et les bouleversements familiaux les poussent à sortir de leur routine. Comment ces deux amis, authentiques et discrets, parviennent à traverser la vie dans un monde souvent bruyant ?
Ce que la série propose, c’est une parenthèse, un espace calme, un monde où les petits gestes comptent plus que les grandes décisions. Ce qui m’a séduit dès le premier épisode, c’est cette volonté de montrer des personnages qui n’ont rien d’exceptionnel. Leonard et Hungry Paul vivent dans un coin tranquille de Dublin, loin des héros ordinaires de la télévision. Leur monde est simple, parfois monotone, mais la série y trouve une vraie beauté. Elle avance lentement, comme une conversation qui ne cherche pas à impressionner. Leonard, joué par Alex Lawther, a trente-deux ans. Il travaille dans une petite maison d’édition, où il écrit des textes pour enfants. C’est un homme réservé, presque effacé.
Sa vie semble se dérouler sans incident : il se lève, prend le bus, s’assoit à son bureau, et rentre le soir dans une maison désormais vide. Depuis la mort de sa mère, il vit seul, entouré de ses souvenirs. La série montre cette solitude sans insister dessus. Pas de musique dramatique, pas de cris, juste le silence d’une pièce où rien ne bouge. Ce qui rend Leonard si touchant, c’est qu’il n’est pas malheureux au sens classique. Il a simplement la sensation de s’être rétréci. Il dit à un moment qu’il se sent “plus silencieux, plus invisible”, et cette phrase résume tout. Elle m’a frappé parce qu’elle traduit un sentiment familier : celui d’exister sans vraiment participer au monde.
Leonard n’a pas de plan de carrière, pas de grand rêve à accomplir. Il essaie juste de se sentir un peu plus vivant. À ses côtés, il y a Hungry Paul, interprété par Laurie Kynaston. C’est son meilleur ami, peut-être son seul ami. Il vit encore chez ses parents, travaille à la poste, et semble parfaitement à l’aise dans une existence tranquille. Son surnom, “Hungry Paul”, n’a pas d’explication. La série n’en donne pas, et c’est très bien ainsi. Dans un monde où tout doit être justifié, cette absence de sens est presque poétique. Hungry Paul est ce genre de personne qui ne cherche pas à briller. Il écoute, il observe, il prend la vie comme elle vient. Il n’a rien à prouver, ni à lui-même ni aux autres.
À travers lui, la série met en lumière une forme d’équilibre que beaucoup d’entre nous ont perdue : celle d’accepter d’être là, simplement. Les scènes entre Leonard et Hungry Paul sont parmi les plus belles du programme. Ils jouent à des jeux de société, discutent d’anecdotes sans importance, rient doucement. Rien de spectaculaire, mais une complicité sincère, rare à la télévision. Ces moments m’ont rappelé que la douceur, même anodine, peut avoir un vrai pouvoir narratif. Le fil conducteur de la saison est le deuil de Leonard. Il vient de perdre sa mère, figure centrale de son univers. Mais la série n’en fait pas un drame appuyé. Le sujet est traité avec pudeur, presque avec timidité.
Leonard ne pleure pas, il continue simplement d’exister, en essayant de trouver un sens à ce qui reste. Il parle parfois à l’urne de sa mère, et ces moments, loin d’être étranges, ont une tendresse désarmante. C’est sa manière de garder un lien, de ne pas rompre totalement avec ce qu’il était avant. Ce deuil devient le moteur d’un changement discret. Leonard sent qu’il ne peut plus vivre tout à fait comme avant. Il ne cherche pas à révolutionner sa vie, mais à “ouvrir un peu les fenêtres”, comme il le dit lui-même. Et c’est précisément ce “un peu” qui rend la série si juste. Elle ne promet pas de renaissance, seulement un souffle d’air. Une envie de voir ce qu’il y a dehors.
C’est à ce moment-là qu’entre en scène Shelley, jouée par Jamie-Lee O’Donnell. Elle est nouvelle au bureau, vive, directe, parfois maladroite. Elle contraste avec Leonard à tous les niveaux. Là où il hésite, elle agit. Là où il s’efface, elle s’affirme. Leur rencontre pourrait sembler improbable, mais elle apporte à la série une chaleur inattendue. Shelley n’essaie pas de “sauver” Leonard ; elle le remarque, simplement. Et ce regard suffit à déclencher quelque chose en lui. Leur relation n’a rien d’une comédie romantique. Elle repose sur de petits gestes, des conversations hésitantes, des maladresses partagées. Et c’est précisément ce qui la rend crédible. La série ne cherche pas à créer un couple, mais à montrer deux êtres qui apprennent à se comprendre.
On pourrait croire à une blague : Julia Roberts prête sa voix à la narration. Et pourtant, cela fonctionne. Sa voix douce et posée accompagne l’histoire comme un murmure. Au début, c’est déstabilisant de l’entendre dans un cadre si modeste. Mais plus les épisodes avancent, plus sa présence devient naturelle. Elle agit comme une respiration entre les scènes, comme si elle nous aidait à comprendre ce que Leonard, lui, ne parvient pas à dire. Il y a quelque chose d’étrangement réconfortant dans cette combinaison : deux hommes irlandais discrets, racontés par une star hollywoodienne. Cela aurait pu paraître ironique, mais non. C’est simplement apaisant.
La réalisation de la saison 1 de Leonard and Hungry Paul suit la même philosophie que ses personnages : ne pas en faire trop. Les plans sont simples, la lumière souvent douce, la musique presque absente. Tout semble conçu pour laisser de la place au silence. Ce n’est pas une série qu’on binge-watch. C’est une série qu’on regarde lentement, comme on feuillette un carnet. Elle invite à ralentir, à observer, à respirer. J’ai aimé cette façon de raconter sans chercher à convaincre. C’est rare, aujourd’hui, une fiction qui fait confiance à la lenteur. Les dialogues ne cherchent pas la punchline, les émotions ne sont pas forcées. C’est un récit à taille humaine, et c’est sans doute ce qui le rend si attachant.
À la fin du sixième épisode, je n’avais pas l’impression d’avoir assisté à une grande aventure. Et pourtant, quelque chose avait bougé. Leonard and Hungry Paul m’a rappelé qu’il existe une forme de beauté dans les vies sans éclat. Les personnages ne triomphent de rien, ils avancent simplement. Ils apprennent à vivre avec ce qu’ils sont, à accepter leurs limites, à trouver un peu de lumière dans la routine. Il y a dans cette série une douceur qui ne cherche pas à plaire. Elle ne donne pas de leçon, ne cherche pas à émouvoir à tout prix. Elle se contente de montrer deux amis qui existent côte à côte, dans un monde qui va trop vite pour eux. Et cette simplicité devient, presque malgré elle, une forme de résistance.
La saison 1 de Leonard and Hungry Paul n’est pas une série spectaculaire, et c’est précisément pour cela qu’elle m’a marqué. Elle rappelle que la télévision peut encore être un lieu d’intimité, d’attention et de lenteur. Portée par Alex Lawther, Laurie Kynaston et Jamie-Lee O’Donnell, elle dresse le portrait de deux hommes discrets, reliés par une amitié sincère et une envie commune de vivre sans bruit. C’est une série qui ne s’impose pas, mais qui reste. Une invitation à se souvenir qu’il n’y a rien de honteux à mener une vie simple, et que la douceur, parfois, suffit à faire tenir le monde.
Note : 7.5/10. En bref, Leonard and Hungry Paul est une série délicatement posée qui célèbre, avec pudeur et humanité, la beauté silencieuse des vies ordinaires.
Prochainement en France
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