Néro (Saison 1, 8 épisodes) : entre fresque médiévale, fable mystique et chaos moderne

Néro (Saison 1, 8 épisodes) : entre fresque médiévale, fable mystique et chaos moderne

La nouvelle série française Néro, disponible sur Netflix, m’a intrigué dès sa sortie. Une production ambitieuse, située dans la France du XVIᵉ siècle, mêlant guerre civile, fanatisme religieux et prophétie démoniaque, cela ne court pas les rues. J’y voyais la promesse d’un récit audacieux, entre film de cape et d’épée et fantasy historique. Après avoir regardé les huit épisodes de cette première saison, mon impression est partagée. La série a des atouts évidents, mais elle révèle aussi les limites d’une fiction qui cherche encore son ton entre modernité et reconstitution d’époque.

 

En 1504, dans le sud de la France, Néro, assassin cynique et redoutable, doit protéger sa fille de 14 ans — accusée d’être la dernière descendante du Diable, celle qui doit provoquer la fin du monde. Père et fille s’engagent dans une aventure où, entre vengeance et rédemption, Néro devra choisir : sauver sa peau ou sauver sa fille.

 

Le cadre de Néro plonge dans une France de 1504 frappée par la sécheresse, la misère et les dérives religieuses. Les paysages du sud, brûlés par le soleil, deviennent le décor d’un monde à bout de souffle. D’un point de vue visuel, le résultat est impressionnant. Les teintes ocre, les reliefs arides et les villages écrasés de chaleur traduisent une atmosphère presque apocalyptique. Ce soin porté à la photographie, à la lumière et aux décors m’a frappé dès le premier épisode. Rien n’a l’air plastique ni surjoué. On sent une vraie recherche d’authenticité, même dans la poussière qui colle aux visages. Ce réalisme se double d’un univers légèrement décalé. La série ne cherche pas à reproduire le passé avec exactitude, mais plutôt à s’en inspirer pour bâtir une fable. 

 

Ce choix donne une liberté visuelle bienvenue : les costumes sont somptueux sans être figés dans l’Histoire, les châteaux respirent la puissance et la crainte, et les intérieurs de pierre, sombres et étouffants, rappellent sans cesse la dureté d’un monde régi par la peur. Le contraste entre les puissants et les miséreux, toujours filmé avec précision, sert de fil rouge social évident. Mais cette volonté d’un Moyen Âge revisité se heurte à un choix de mise en scène plus discutable : les dialogues volontairement modernes. Les personnages s’expriment comme des figures d’aujourd’hui, parfois dans un langage familier, voire vulgaire. Si l’idée est de rapprocher les spectateurs contemporains des enjeux du XVIᵉ siècle, l’effet est à double tranchant. 

 

Par moments, cette familiarité donne du naturel au jeu ; à d’autres, elle rompt complètement l’immersion. J’ai souvent eu l’impression d’assister à une reconstitution historique doublée d’un texte de stand-up. C’est un risque artistique assumé, mais je ne suis pas certain qu’il serve toujours le récit. Le cœur du récit repose sur Néro, assassin sans scrupules, mercenaire cynique dont la vie bascule lorsqu’il découvre l’existence d’une fille cachée, Perla. Elle serait liée à une prophétie ancienne annonçant la venue d’un mal démoniaque. Dès lors, Néro devient malgré lui le protecteur de cette adolescente traquée par des fanatiques religieux et une sorcière borgne terrifiante. 

 

Ce duo improbable lance la série sur les routes poussiéreuses d’une France en pleine décomposition. J’ai trouvé intéressant que le personnage principal ne soit jamais héroïsé. Pio Marmaï compose un Néro grinçant, manipulateur, parfois même agaçant, mais c’est précisément ce défaut qui le rend crédible. Son humour noir, ses réactions souvent égoïstes et sa façon d’aborder chaque danger avec détachement apportent un souffle inattendu à une série qui, autrement, aurait pu sombrer dans le tragique pur. Cette touche d’ironie me rappelle certains anti-héros du western italien : un peu rustres, fatigués, mais jamais tout à fait méchants. L’alchimie avec Perla, jouée par Lili-Rose Carlier Taboury, fonctionne à moitié. 

 

L’idée d’un lien père-fille construit dans la fuite aurait pu donner de très beaux moments, mais la série va trop vite. Leurs échanges manquent parfois de nuances, comme si le scénario refusait de s’attarder sur les émotions au profit du mouvement constant. C’est dommage, car cette relation aurait pu être le moteur émotionnel du récit. Au lieu de cela, elle reste une idée plus qu’une vraie expérience partagée. Autour de Néro gravitent plusieurs figures marquantes, mais inégales dans leur traitement. Le consul Rochemort, interprété par Olivier Gourmet, incarne le pouvoir politique, froid et calculateur, tandis que sa fille Hortense (Alice Isaaz) incarne un contrepoint plus subtil. 

 

J’ai particulièrement apprécié son parcours : enfermée dans une société patriarcale, elle apprend à manipuler les hommes pour survivre et affirmer sa liberté. Son évolution donne au récit une dimension presque intime, loin des sabres et des prophéties. La figure de La Borgne, la sorcière traqueuse, m’a aussi marqué. Camille Razat en fait une présence inquiétante, à la frontière du réel et du surnaturel. Sa manière de parler, lente et tranchante, impose un rythme étrange aux scènes où elle apparaît. On sent qu’elle porte un passé que la série n’explore pas totalement, mais qui plane comme une ombre sur tout l’univers de Néro. Les Repentants, quant à eux, ajoutent une couche de brutalité religieuse glaçante. 

 

Leurs visages couverts de cendres et leurs discours fanatiques rappellent à quel point la foi, détournée, peut devenir un instrument de terreur. La saison 1 de Néro repose sur un schéma classique mais efficace : la fuite. Néro et son groupe se déplacent sans cesse, traqués, trahis, perdus dans un monde où chaque rencontre peut devenir une menace. Cette mécanique narrative permet de varier les décors et les situations : villages brûlés, monastères abandonnés, ruines infestées de fanatiques, forteresses isolées. J’ai aimé cette impression de voyage à travers un pays en ruine, même si le rythme devient parfois déséquilibré. Certains épisodes prennent le temps d’installer des atmosphères et des silences ; d’autres enchaînent les combats et les rebondissements jusqu’à l’épuisement. 

 

L’action, d’ailleurs, est souvent bien filmée. Les combats rapprochés, à l’épée ou au poignard, sont lisibles et crédibles, sans excès d’effets spéciaux. On retrouve une chorégraphie soignée, avec un vrai sens du danger physique. C’est d’autant plus appréciable que la série aurait pu céder à la tentation d’une stylisation excessive. Au contraire, la violence y reste brute, presque sale, ce qui renforce le réalisme du cadre. Cependant, le montage ne rend pas toujours justice à l’intensité de certaines scènes. Des transitions abruptes cassent l’émotion ou la tension d’un instant pour passer à une séquence d’action sans respiration. Cette précipitation nuit parfois à la cohérence globale, donnant une impression de série “pressée”, soucieuse de garder l’attention du spectateur coûte que coûte.

 

L’un des aspects qui m’a laissé perplexe concerne la dimension fantastique et mystique de Néro. On parle de prophétie, de descendance démoniaque, de pouvoirs occultes, mais ces éléments restent souvent évoqués sans être approfondis. Le scénario installe une mythologie prometteuse, mais la développe de façon partielle. J’aurais aimé que la série ose aller plus loin dans cette direction, quitte à assumer pleinement le fantastique. En l’état, ces éléments surnaturels semblent parfois accessoires, utilisés comme moteur de l’intrigue plutôt que comme cœur du propos. Le résultat, c’est une fiction qui oscille entre trois genres sans toujours les harmoniser : le drame historique, le conte mystique et l’aventure d’action. 

 

Chacun fonctionne par moments, mais l’ensemble manque d’un fil conducteur émotionnel fort. C’est ce déséquilibre qui empêche Néro de devenir une série réellement marquante, malgré ses évidentes qualités visuelles. Impossible de ne pas évoquer le choix stylistique le plus controversé de la série : faire parler les personnages comme aujourd’hui. Je comprends la volonté des réalisateurs de casser la rigidité du dialogue historique, mais cette modernité crée un décalage constant. Elle peut prêter à sourire au début, puis finir par fatiguer. Entendre un assassin de la Renaissance jurer comme dans une série contemporaine provoque une dissonance étrange. 

 

J’ai fini par m’y habituer, mais je me suis souvent demandé si ce parti pris ne trahissait pas une certaine méfiance envers le langage d’époque, comme si la série craignait de perdre son public sans ce vernis moderne. Cela dit, ce choix donne parfois lieu à de beaux moments de spontanéité, notamment dans les confrontations entre Néro et ses adversaires. Le ton acerbe, les répliques ironiques, les dialogues coupants rappellent un peu la verve de certaines productions françaises récentes comme Kaamelott, tout en s’en distinguant par une noirceur plus prononcée. Sur le plan de la réalisation, rien à redire : la série bénéficie d’un niveau de production rare pour une fiction française. 

 

Les décors naturels, les costumes, les effets visuels et la lumière donnent une cohérence visuelle forte. Mais cette réussite formelle masque des faiblesses d’écriture. Les personnages secondaires disparaissent ou réapparaissent sans logique, certaines révélations tombent à plat, et l’intrigue semble parfois se disperser au lieu de s’approfondir. La deuxième moitié de la saison perd un peu de souffle. L’intensité du début s’effrite au profit de séquences bavardes ou répétitives. Pourtant, l’univers reste assez fascinant pour qu’on ait envie d’aller jusqu’au bout, ne serait-ce que pour comprendre ce qui lie réellement Néro à la prophétie et à cette filiation maudite.

 

Néro est une série qui divise. Elle mélange les genres avec une liberté que j’apprécie, mais qui la rend parfois confuse. J’y ai trouvé une atmosphère forte, une identité visuelle marquée, et une vraie envie de cinéma derrière la caméra. Mais j’ai aussi ressenti un certain manque de confiance dans l’écriture, comme si la série ne savait pas toujours ce qu’elle voulait raconter en dehors de sa fuite en avant. Malgré ses défauts, j’ai pris plaisir à suivre cette aventure. Les personnages, imparfaits mais humains, et le ton souvent désabusé m’ont tenu en haleine. Ce n’est pas une œuvre révolutionnaire, ni un chef-d’œuvre manqué : c’est une tentative audacieuse, imparfaite, mais sincère.

 

En refermant cette première saison, je me dis que Néro mérite une suite, ne serait-ce que pour explorer plus en profondeur le lien entre la foi, la magie et la survie dans ce monde brutal. Si la saison 2 parvient à donner davantage de chair à ses personnages et de sens à son mythe, alors cette série française pourrait bien devenir l’une des plus intéressantes du catalogue Netflix.

 

Note : 6/10. En bref, Néro est une série visuellement saisissante et audacieuse dans sa forme, mais inégale dans son écriture, oscillant entre fresque médiévale, satire moderne et aventure fantastique sans toujours trouver son équilibre.

Disponible sur Netflix

 

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