Romantics Anonymous (Saison 1, 8 épisodes) : le goût doux-amer de la pudeur

Romantics Anonymous (Saison 1, 8 épisodes) : le goût doux-amer de la pudeur

Qui aurait parié qu’un petit film franco-belge sorti en 2010 donnerait naissance, quinze ans plus tard, à une série japonaise produite par Netflix ? Pourtant, c’est exactement ce qui arrive avec Romantics Anonymous, adaptation libre du film Les émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris. Ce long-métrage modeste, porté à l’époque par Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde, racontait une romance pleine de maladresse, de silences et de tendresse. Sa simplicité, mêlant timidité et sincérité, semblait appartenir à un autre temps. Et pourtant, le Japon en a fait une série de huit épisodes en 2025, comme si cette histoire fragile avait trouvé un nouvel écho dans une autre culture.

 

Une passion commune pour le chocolat rapproche Sosuke Fujiwara et Hana Lee. Lui est incapable de toucher physiquement une personne, et elle ne ne peut pas établir de contact visuel. Avec de tels troubles, il devient compliqué pour eux de s'avouer leurs sentiments.

 

Je ne m’attendais pas à ce que cette adaptation japonaise m’accroche autant. Peut-être parce que Romantics Anonymous (Netflix) n’essaie jamais d’être spectaculaire. Elle préfère s’attarder sur des détails, des gestes discrets, des silences qui en disent long. Le résultat, c’est une série qui ne bouleverse pas mais qui enveloppe, comme une boisson chaude en plein hiver. L’intrigue suit Hana (Han Hyo-joo) et Sosuke (Shun Oguri), deux personnages prisonniers de leurs propres limites. Elle, talentueuse chocolatière, vit avec une phobie sociale sévère qui la paralyse à la moindre interaction. Lui, héritier d’une grande entreprise de confiserie, souffre d’une peur maladive des microbes. 

 

Deux âmes que tout oppose, mais que la vie réunit dans la petite chocolaterie Le Sauveur, lieu à la fois refuge et miroir de leurs fragilités. Ce qui frappe dans cette série, c’est la façon dont elle choisit de raconter ces troubles. Pas d’exagération, pas de pathos. Romantics Anonymous prend le temps de laisser le malaise s’installer, d’explorer le poids des gestes simples : un regard tenu un peu trop longtemps, une main tendue mais hésitante, un mot qu’on n’arrive pas à prononcer. Ce réalisme émotionnel rend les personnages profondément humains, loin des clichés habituels des romances télévisées. Shun Oguri donne à Sosuke une retenue presque physique : son corps entier semble en tension, toujours sur le point de fuir. 

 

Han Hyo-joo, de son côté, incarne la timidité de Hana avec une douceur qui évite toute caricature. Dans leurs silences, il y a plus de vérité que dans bien des dialogues de séries sentimentales. Ce que Romantics Anonymous raconte avant tout, c’est la peur d’aimer quand on ne sait plus comment se relier au monde. Les deux protagonistes se reconnaissent avant même de se comprendre. Leur lien naît non pas d’un coup de foudre, mais d’une reconnaissance mutuelle : chacun perçoit chez l’autre la même gêne, la même fatigue à lutter contre soi-même. La série ne cherche pas à rendre cette relation miraculeuse. Elle n’efface jamais les phobies ni les blessures. 

 

Hana continue de trembler devant un regard trop insistant, Sosuke garde ses réflexes d’évitement. Mais ensemble, ils trouvent un terrain d’apprentissage. C’est une histoire de lenteur, de tâtonnements, d’efforts minuscules qui finissent par créer un mouvement. Ce que j’ai apprécié, c’est cette façon d’aborder la guérison sans la romantiser. Romantics Anonymous montre qu’aimer ne suffit pas à tout résoudre. Les personnages ne deviennent pas « guéris » par amour ; ils apprennent simplement à avancer malgré leurs peurs. C’est ce réalisme émotionnel qui donne du poids à leur histoire. Dans Romantics Anonymous, le chocolat n’est pas un simple décor. Il est un langage. 

 

Chaque épisode s’ouvre sur des séquences de fabrication, filmées avec une précision presque hypnotique. La texture du chocolat, la lenteur des gestes, la concentration du regard : tout cela devient une forme d’expression silencieuse. Hana parle à travers ses créations. Là où les mots la trahissent, le chocolat la traduit. Ses ganaches, ses pralinés, ses tablettes deviennent autant de fragments d’elle-même. Le spectateur comprend alors que ce métier n’est pas un simple artisanat : c’est une thérapie, une manière d’apprivoiser le monde. Sosuke, de son côté, découvre à travers le travail du chocolat une forme de sincérité qui lui manquait. 

 

Héritier d’une entreprise de masse, il apprend à renouer avec le goût du vrai, du fait main, de l’imparfait. La série fait de ce contraste un fil conducteur : le commerce contre l’artisanat, la performance contre la sensibilité. Chaque fournée de chocolat devient ainsi une métaphore du soin : patience, attention, répétition. Ce que Hana et Sosuke ne peuvent pas encore se dire, ils le fabriquent ensemble. Ce qui distingue Romantics Anonymous d’autres séries romantiques, c’est son rapport au silence. Le rythme est lent, presque méditatif. Les plans s’attardent sur des gestes simples : nettoyer un plan de travail, ranger une boîte, observer la pluie tomber. Cette lenteur, loin d’ennuyer, permet à la tension intérieure des personnages de respirer.

 

J’ai trouvé dans cette mise en scène un respect rare pour la fragilité humaine. La caméra ne cherche jamais à forcer l’émotion ; elle l’accompagne. Même les scènes de crise sont filmées avec une pudeur qui empêche le voyeurisme. C’est une série qui regarde ses personnages sans les juger. Certains spectateurs trouveront peut-être que huit épisodes, c’est long pour une histoire aussi minimaliste. Pourtant, cette durée donne le temps à l’émotion de s’installer, de se transformer. Romantics Anonymous ne cherche pas à provoquer des retournements de situation, mais à montrer ce que c’est que de recommencer à vivre quand tout contact a été source de douleur. Au fil des épisodes, la série introduit plusieurs figures qui servent de miroirs aux deux héros. 

 

Dr. Irene (Yuri Nakamura), thérapeute de Sosuke, incarne une écoute imparfaite mais sincère. Elle aussi se débat avec ses failles, et cela rend son rôle plus humain qu’un simple archétype de psy salvateur. Hiro (Jin Akanishi), ami fidèle et confident, apporte une respiration bienvenue. Son humour léger et sa présence constante permettent à Sosuke de sortir un peu de sa bulle. J’ai particulièrement aimé la manière dont leur amitié est écrite : sans clichés, sans compétition, juste un soutien réel, parfois maladroit mais toujours bienveillant. Même les apparitions courtes, comme celles de Kentaro Sakaguchi ou Song Joong-ki, ajoutent de la texture à cet univers où chacun porte ses blessures, mais essaie de les transformer en douceur.

 

Derrière sa façade romantique, Romantics Anonymous est avant tout un drame psychologique japonais qui s’intéresse à la façon dont les traumatismes redéfinissent la relation au monde. Les phobies de Hana et Sosuke ne sont pas des traits excentriques : elles sont la conséquence de pertes, de déceptions et de solitude accumulée. La série a le mérite de montrer les efforts concrets nécessaires à la reconstruction : les séances de thérapie, les rechutes, les moments de panique. Rien n’est miraculeux ici. Le progrès se mesure à de minuscules gestes : un regard tenu, un sourire accepté, une poignée de main supportée. Ce réalisme rend la série profondément humaine. 

 

Elle ne cherche pas à guérir ses personnages, mais à les accompagner. Et dans un paysage télévisuel souvent obsédé par la performance émotionnelle, cette approche lente et respectueuse fait du bien. Romantics Anonymous n’est pas une série qui cherche à changer le monde des séries romantiques. Elle ne cherche pas à choquer ni à séduire rapidement mais plutôt à prendre son temps. À regarder deux personnes apprendre à se rencontrer autrement, à travers leur passion commune pour le chocolat et leur difficulté à vivre avec leurs émotions. Huit épisodes, c’est juste assez pour laisser un goût persistant, comme une truffe fondante qu’on garde longtemps en bouche.

 

Je ne dirais pas que Romantics Anonymous est une série parfaite : certaines sous-intrigues autour de l’entreprise familiale de Sosuke manquent de profondeur, et quelques dialogues sonnent convenus. Mais tout cela importe peu face à la sincérité du ton. C’est une série japonaise romantique qui parle de guérison sans miracle, de douceur sans naïveté. Une histoire de deux êtres qui se tiennent à distance tout en apprenant à se rapprocher. Et si le chocolat y joue un rôle central, c’est peut-être parce qu’il résume tout ce que cette série essaie de dire : qu’il faut parfois accepter l’amertume pour retrouver un peu de douceur.

 

Note : 7/10. En bref, Romantics Anonymous est une série japonaise douce et pudique où deux âmes marquées par l’anxiété se rencontrent à travers le chocolat, dans un récit lent mais sincère sur la peur d’aimer et la difficulté de se guérir.

Disponible sur Netflix

 

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