3 Novembre 2025
Le Grand Déplacement // De Jean-Pascal Zadi. Avec Jean-Pascal Zadi, Reda Kateb et Lous and the Yakuza.
Il paraît que le cinéma français veut enfin conquérir l’espace. Sur le papier, l’idée avait de quoi intriguer : une mission spatiale africaine, un casting comique, un budget confortable, et la promesse d’un film qui mélangerait humour, science-fiction et réflexion sur le rapport Afrique/Occident. Sur le papier seulement. Parce que sur l’écran, Le Grand Déplacement ressemble surtout à un long sketch qui a oublié d’être drôle, à un space opéra sans opéra, et à un film qui, malgré ses effets spéciaux, finit par ressembler à ce qu’on regarde dans l’avion parce qu’on n’a plus de batterie.
Dans le plus grand des secrets, se prépare à décoller la première mission spatiale africaine ! L’équipage, issu du continent et de sa diaspora, doit explorer la planète « NARDAL », afin d’évaluer la possibilité d’y ramener tous les Africains si jamais la Terre devenait inhabitable. Le problème c’est que le voyage sera long. Très long. Et que la plus grande inconnue des missions interstellaires demeure l’entente entre les astronautes…
Dès les premières minutes, je sens que quelque chose cloche. Le film veut être une comédie mais hésite à assumer son ton. Une blague survient, se pose là comme un cheveu sur la soupe, puis repart sans laisser de trace. Pas de vrai timing comique, pas de construction, juste des vannes jetées à la volée, comme si le scénario avait été co-écrit par un groupe WhatsApp. Et pourtant, le casting est composé de gens qui savent faire rire, qui l’ont prouvé ailleurs. Sauf qu’ici, l’humour se retrouve enfermé dans un sas sans oxygène. Le film passe son temps à alterner blagues lourdes, tentatives de satire politique et instants pseudo-émouvants qui n’ont pas eu le temps de se construire.
Le résultat est un mélange instable où rien ne prend. Zadi veut faire rire et réfléchir, sauf qu’il ne creuse ni l’un ni l’autre. Là où Tout simplement noir trouvait un équilibre entre ironie et propos politique, Le Grand Déplacement semble avoir perdu sa boussole quelque part entre l’orbite terrestre et le montage final. Les gags tombent à plat, les dialogues sonnent faux, les scènes avancent sans rythme, et l’intrigue se contente de tourner en rond dans un décor spatial pourtant réussi. Les personnages ressemblent à des silhouettes, chaque dialogue est sur-écrit ou mal joué, et la mise en scène répète les mêmes plans comme si le film avait déjà épuisé tous ses carburants au décollage.
On n’est pas face à un film drôle qui divise, mais face à un film qui ne déclenche rien. Même pas de gêne amusée, juste une forme de résignation polie. L’idée de détourner les codes du film spatial pouvait être brillante : moquer la conquête spatiale occidentale via une mission africaine, jouer sur les décalages culturels, créer une satire moderne. Mais pour que la parodie fonctionne, il faut un regard précis, une logique interne, un sens du rythme. Ici, c’est comme si tout avait été écrit avant même de trouver une cohérence : personnages, enjeux, thèmes, punchlines… tout flotte sans jamais s’emboîter.
Et pourtant, le film insiste pour se croire subversif. Il aborde des sujets comme le racisme, la géopolitique, l’identité culturelle… mais sans les explorer, juste en les citant. Il ne montre rien, il déclare. Et plus il déclare, moins il convainc. À force de vouloir faire passer un message, Zadi oublie d’écrire un film. Le résultat : un long métrage qui parle fort mais dit peu, et qui confond provocation et approximation. Le paradoxe est cruel : le film a été critiqué pour ses blagues, son rythme, son scénario, mais tout le monde est d’accord sur un point — visuellement, ça tient debout. Les décors intérieurs, les costumes spatiaux, l’esthétique des plans extérieurs : tout ça a été soigné.
On sent l'argent à l'écran, on voit l’ambition. Et c’est peut-être le plus frustrant : tout ce budget pour ça. Parce que si le film avait été fauché, on aurait pu saluer l’audace. Mais là, ce n’est pas un manque de moyens, c’est un manque d’écriture. Ce n’est pas une série Z bricolée, c’est une production qui a les moyens mais pas la vision. Un vrai film comique assumé, avec du rythme, des personnages attachants, des enjeux clairs. Une satire afro-futuriste qui prend le contre-pied du cinéma français. Une comédie spatiale qui ne s’excuse pas d’être légère. Ou au contraire, une fable mélancolique sur la condition humaine, l’identité et l’ailleurs.
Le problème, ce n’est pas que Le Grand Déplacement soit raté. C’est qu’il donne l’impression d’avoir eu peur d’être radical — peur d’être drôle, peur d’être politique, peur d’être sérieux. Alors il fait tout à moitié. Et quand on fait tout à moitié, on finit par ne rien faire complètement. Un film qui voulait envoyer un message mais s’est contenté d’envoyer un signal brouillé. Je ne dirais pas que Le Grand Déplacement est une catastrophe totale — juste une occasion manquée. Une fusée bien construite, mais avec un moteur d’écriture en panne. Une comédie qui n’a pas confiance en son humour. Un film qui cherche sa trajectoire mais se perd dans l’apesanteur.
Note : 2/10. En bref, Le Grand Déplacement ressemble à un film spatial qui a décollé avec un plein de promesses, mais qui a oublié de mettre un pilote à bord.
Sorti le 25 juin 2025 au cinéma - Disponible en VOD
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