20 Août 2024
Comme un Fils // De Nicolas Bouhrief. Avec Vincent Lindon, Karole Rocher et Stefan Virgil Stoica.
Le film Comme un Fils, réalisé par Nicolas Boukhrief, plonge dans l'univers du drame social, un genre qui a souvent été exploré par des cinéastes de renom tels que Ken Loach ou les frères Dardenne. Pourtant, malgré une mise en scène sobre et un sujet poignant, ce film peine à atteindre la profondeur émotionnelle et narrative de ses prédécesseurs. Ce n'est pas pour autant qu'il est dénué d'intérêt. Bien au contraire, il soulève des questions importantes sur la société contemporaine, même s'il le fait parfois de manière maladroite. L'intrigue de Comme un Fils repose sur la rencontre entre Jacques Romand, un professeur d'histoire désabusé, et Victor, un jeune Rom exploité par sa famille. Jacques, interprété par un Vincent Lindon toujours aussi convaincant, incarne un homme en quête de sens après avoir perdu la passion pour son métier et sa famille.
Jacques Romand est un professeur qui a perdu sa vocation. Témoin d’une agression dans une épicerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans. Mais en découvrant le sort de ce gamin déscolarisé que l’on force à voler pour survivre, Jacques va tout mettre en œuvre pour venir en aide à ce jeune parti sur de si mauvais rails. Quitte à affronter ceux qui l’exploitent. En luttant contre les réticences mêmes de Victor pour tenter de lui offrir un avenir meilleur, Jacques va changer son propre destin...
Face à lui, Victor, joué par le débutant Stefan Virgil Stoica, représente l'innocence brisée par un système qui ne lui laisse aucune chance. Cette dynamique entre l'adulte en déroute et l'enfant vulnérable forme le cœur du récit. Le film met en scène leur relation de manière relativement classique : Jacques prend Victor sous son aile, voyant en lui une opportunité de redonner un sens à sa propre existence. Ce n'est pas sans rappeler les œuvres de Loach ou des Dardenne, où des personnages ordinaires sont confrontés à des réalités sociales difficiles. Cependant, là où ces réalisateurs réussissent à transcender le quotidien par une mise en scène intense et des dialogues ciselés, Boukhrief reste dans une sobriété qui frôle parfois l'apathie. Là où Comme un Fils peut décevoir, c'est dans son approche visuelle et narrative.
La sobriété choisie par Boukhrief, qui a fait ses preuves dans d'autres genres cinématographiques, semble ici priver le film de l'émotion nécessaire pour toucher profondément le spectateur. On pourrait arguer que cette retenue vise à éviter le mélodrame facile, mais elle donne parfois l'impression d'une histoire racontée avec un manque de conviction. Cela est d'autant plus flagrant dans les scènes censées être les plus poignantes, où l'on attendrait un sursaut de passion qui n'arrive jamais vraiment. Cependant, cette sobriété a aussi ses avantages. Elle permet de mettre en lumière la performance de Vincent Lindon, qui n'a pas besoin d'en faire trop pour incarner cet homme fatigué par la vie. Lindon apporte à son personnage une authenticité qui rend Jacques crédible et touchant, même dans les moments les plus prévisibles du film. De son côté, le jeune Stefan Virgil Stoica se débrouille honorablement pour une première apparition à l'écran, bien que son personnage reste quelque peu caricatural.
Le thème central du film, à savoir la quête de sens dans un monde en perte de repères, est universel et pertinent. Toutefois, Comme un Fils peine à se démarquer dans sa manière de traiter ce sujet. Le film suit une trajectoire narrative relativement linéaire, sans véritable surprise, ce qui enlève de l'impact à son message. Le scénario, bien qu'efficace, reste trop prévisible pour maintenir une tension dramatique suffisante tout au long du film. De plus, le traitement de la communauté Rom dans le film suscite des interrogations. Certes, le film cherche à dénoncer les conditions de vie difficiles de cette minorité, mais il tombe parfois dans le piège des clichés. Cette représentation simpliste nuit au propos du film, qui aurait gagné à explorer ces personnages de manière plus nuancée.
Malgré ses défauts, Comme un Fils n'est pas un film à rejeter d'emblée. Il possède une sincérité et une humanité qui transparaissent à travers ses personnages. Jacques, en aidant Victor, retrouve une forme de rédemption personnelle, et c'est cette quête d'espoir, aussi naïve soit-elle, qui donne au film son véritable intérêt. Là où Comme un Fils pourrait véritablement toucher, c'est dans sa volonté de montrer qu'il est encore possible, même dans un monde désabusé, de tendre la main à l'autre et de se reconstruire par ce geste. C'est un message simple, certes, mais nécessaire. En ces temps où le cinéma social se fait de plus en plus sombre, Boukhrief propose ici une petite lueur d'espoir, aussi modeste soit-elle.
En fin de compte, Comme un Fils est un film qui divise. Certains apprécieront sa sobriété et la performance de Vincent Lindon, tandis que d'autres regretteront son manque de profondeur et sa tendance à sombrer dans les clichés. Mais au-delà de ses imperfections, il reste un témoignage touchant de ce que signifie être humain dans un monde souvent inhumain. C'est une œuvre qui, malgré ses faiblesses, mérite d'être vue pour ce qu'elle essaie de dire, même si elle ne le dit pas toujours de la manière la plus percutante.
Note : 5/10. En bref, un film qui démontre les limites du film social français mais qui en même temps bénéfice d’un casting réussi et impliqué.
Sorti le 6 mars 2024 au cinéma - Disponible en VOD
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog