30 Décembre 2024
Depuis quelques années, la Scandinavie s’est imposée comme une terre fertile pour le genre du polar. Mais il est rare qu’une série parvienne à transcender les codes établis tout en restant fidèle à ses racines. Vargasommar, la nouvelle création de l’écrivain Hans Rosenfeldt adaptée pour la télévision par Oskar Söderlund et réalisée par Jesper Ganslandt, réussit cet exploit avec une audace certaine. Les deux premiers épisodes de la première saison posent les bases d’une intrigue fascinante, qui mélange drame personnel, violence viscérale et une atmosphère unique. Le postulat de départ pourrait sembler classique : dans la petite ville frontalière de Haparanda, des restes humains sont retrouvés dans l’estomac de loups morts. Un point de départ intrigant, certes, mais qui pourrait laisser penser à une intrigue policière conventionnelle.
Dans la ville reculée de Haparanda, au nord de la Suède, Hanna Wester, enquêtrice de police, fait la macabre découverte de restes humains dans l'estomac d'un loup mort. Les restes se révèlent bientôt liés à un trafic de drogue de l'autre côté de la frontière, en Finlande. La tension monte dans cette ville jusqu'alors paisible lorsqu'un tueur professionnel arrive pour récupérer trois sacs de valeur.
Pourtant, Vargasommar ne tarde pas à révéler sa véritable nature : un enchevêtrement d’histoires où les destins des personnages se croisent dans une spirale de violence noire et presque absurde. Hannah Wester, interprétée magistralement par Eva Melander, est le cœur battant de la série. En plus de son enquête, elle doit jongler avec un passé marqué par une perte tragique et une relation conjugale compliquée avec son mari, joué par Henrik Dorsin. Ce mélange de drame personnel et d’enquête criminelle est un classique du genre, mais Vargasommar lui insuffle une énergie nouvelle grâce à la richesse de ses personnages et l’originalité de ses intrigues secondaires. L’un des aspects les plus marquants de ces deux premiers épisodes est sans conteste la tueuse professionnelle, interprétée par Eliot Sumner.
Cette antagoniste silencieuse et méthodique s’impose immédiatement comme une figure inoubliable. Chaque apparition de ce personnage est marquée par une violence crue, parfois presque insoutenable, mais toujours fascinante. Sa manière de se débarrasser de ses victimes – que ce soit un chasseur éliminé à coups de hache ou un adolescent noyé sans une once de remords – confère à la série une intensité brutale, tout en flirtant avec une forme de comédie noire. Les comparaisons avec les films des frères Coen, et notamment No Country for Old Men, sont évidentes. Mais loin de plagier, Vargasommar s’en inspire pour créer une esthétique et une atmosphère qui lui sont propres. Le personnage de la tueuse évoque effectivement Anton Chigurh, mais elle possède une singularité, une étrangeté presque nordique, qui la rend unique.
Sa froideur, combinée à une efficacité redoutable, ajoute une tension palpable à chaque scène où elle apparaît. Si Hannah et la tueuse professionnelle captivent l’attention, les personnages secondaires ne sont pas en reste. On découvre notamment un duo de criminels maladroits, interprétés par Amed Bozan et Nora Bredefeldt, qui apportent une dose de légèreté dans ce récit sombre. Leur maladresse et leur désespoir les poussent dans des situations de plus en plus périlleuses, créant un contraste saisissant avec la brutalité des autres protagonistes. Ce duo illustre parfaitement l’équilibre que Vargasommar parvient à trouver entre humour noir et tension dramatique. Leurs péripéties offrent des moments de répit tout en renforçant l’idée que personne n’est à l’abri dans cet univers impitoyable.
Vargasommar réussit l’exploit d’être à la fois profondément enracinée dans le terroir suédois et totalement universelle. La série est une sorte de western nordique, où les vastes étendues enneigées remplacent les déserts poussiéreux, et où les dilemmes moraux des personnages prennent le pas sur les fusillades spectaculaires. Les décors de Haparanda, avec leur austérité glaciale, jouent un rôle central dans l’atmosphère de la série. Chaque plan est imprégné de cette ambiance à la fois familière et étrangère, qui colle parfaitement à l’intrigue. Les dialogues, souvent minimalistes, renforcent cette impression. Les silences en disent parfois plus long que les mots, et chaque regard, chaque geste, semble chargé de significations cachées. C’est une écriture qui respecte l’intelligence du spectateur, en l’invitant à combler les vides par lui-même.
La violence est omniprésente dans Vargasommar, mais elle n’est jamais gratuite. Chaque scène brutale sert l’intrigue et approfondit la psychologie des personnages. La série n’a pas peur de choquer, mais elle le fait avec une telle maîtrise qu’elle parvient à éviter le sensationnalisme. La mort est omniprésente, mais elle est traitée avec un mélange de gravité et de désinvolture qui reflète la complexité des thématiques abordées. C’est cette capacité à équilibrer différents registres – le tragique, le comique, le grotesque – qui rend Vargasommar si captivante. On ne sait jamais à quoi s’attendre, et cette imprévisibilité maintient une tension constante. Après seulement deux épisodes, Vargasommar s’annonce comme une des meilleures séries policières de l’année. Elle bouscule les codes du genre tout en s’inscrivant dans la grande tradition du polar scandinave.
Les performances des acteurs, la richesse de l’écriture et la mise en scène soignée en font une œuvre à la fois ambitieuse et accessible. Hannah Wester est une héroïne complexe et touchante, dont les failles personnelles ajoutent une profondeur émouvante à l’intrigue. La tueuse, avec sa froideur implacable et son charisme troublant, est déjà un personnage culte. Et les intrigues secondaires, portées par des personnages secondaires aussi attachants qu’imparfaits, enrichissent encore l’ensemble. Vargasommar n’est pas simplement une série policière. C’est une exploration des relations humaines, de la culpabilité, et des choix moraux dans un contexte où la violence semble inévitable. Elle promet d’aller encore plus loin dans les épisodes suivants, et j’ai hâte de découvrir jusqu’où elle nous emmènera.
Note : 8/10. En bref, une nouvelle entrée palpitante dans le polar nordique.
Prochainement en France
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