24 Janvier 2025
Quand Vient l’Automne // De François Ozon. Avec Hélène Vincent, Josiane Balasko, Pierre Lottin et Ludivine Sagnier.
François Ozon revient avec Quand Vient l’Automne, une œuvre qui s’inscrit dans la continuité de son cinéma subtil et ambigu, où les apparences sont toujours trompeuses. Avec ce drame empreint d’une atmosphère automnale, il plonge dans une histoire qui oscille entre la tendresse et l’inquiétude, le banal et le tragique. Loin des œuvres tapageuses ou des récits simplistes, ce film tisse un récit captivant, porté par un casting remarquable et une mise en scène maîtrisée. L’intrigue semble, au premier abord, presque ordinaire : Michelle (interprétée par Hélène Vincent), une grand-mère aimante, accueille sa fille Valérie (Ludivine Sagnier) et son petit-fils Lucas pour les vacances de la Toussaint.
Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.
Leur maison nivernaise, nichée au cœur des paysages de Bourgogne, respire la quiétude. Mais dès les premières scènes, quelque chose d’indéfinissable vient troubler cette tranquillité. François Ozon insuffle dans chaque dialogue, chaque geste, une tension sous-jacente qui laisse deviner que tout n’est pas ce qu’il paraît. Ce quotidien apparemment banal est aussi rythmé par la présence de Marie-Claude (Josiane Balasko), vieille amie de Michelle, qu’elle accompagne régulièrement pour visiter son fils Vincent (Pierre Lottin), emprisonné à proximité.
Une relation ambiguë se noue entre ces personnages, faite de non-dits et de secrets qui semblent peser sur chacun d’eux. François Ozon ne dévoile pas ses cartes immédiatement, préférant jouer avec les attentes du spectateur, distillant habilement le doute tout au long du récit. Le titre du film, Quand Vient l’Automne, n’est pas choisi au hasard. Au-delà de situer l’intrigue dans une saison propice à la mélancolie, il évoque également une période de la vie marquée par les bilans, les regrets et, parfois, la résignation. Michelle incarne cette ambivalence : une femme qui, sous des airs de mamie bienveillante, cache une complexité fascinante.
À travers elle, François Ozon explore les thèmes de la vieillesse, de la solitude et de l’amour inconditionnel. La mise en scène épouse cette ambiance automnale avec une photographie soignée qui sublime les paysages de Bourgogne. Les couleurs chaudes des feuilles mortes contrastent avec les ombres qui envahissent peu à peu l’histoire, renforçant ce sentiment de trouble et d’inquiétude. Les scènes en extérieur, baignées dans une lumière douce et dorée, offrent une apparente sérénité qui fait écho aux tourments intérieurs des personnages. François Ozon est réputé pour son écriture fine et son talent à manier les ambiguïtés morales.
Ici, il explore une palette de sentiments et de comportements humains avec une finesse qui rappelle Chabrol ou Simenon. L’intrigue progresse à un rythme tranquille, mais chaque scène est chargée de sous-entendus. Les dialogues, parfois anodins en surface, révèlent progressivement des tensions profondes et des enjeux cachés. Ce qui frappe, c’est la manière dont le film évite les évidences. Les motivations des personnages restent floues jusqu’au bout, laissant au spectateur le soin de combler les vides et de questionner les choix de chacun. À mesure que l’histoire avance, les rebondissements s’enchaînent, surprenant sans jamais sombrer dans l’excès ou le sensationnalisme.
Ozon préfère l’élégance des ellipses et des hors-champs à la frontalité, ce qui donne au film une dimension presque hypnotique. Le casting est sans doute l’un des points forts de ce film. Hélène Vincent livre une performance magistrale, portant le récit sur ses épaules avec une aisance déconcertante. Son personnage, Michelle, navigue entre la douceur d’une grand-mère aimante et une noirceur plus subtile, que l’on devine au détour d’un regard ou d’un silence. Sa capacité à exprimer autant d’émotions avec si peu d’effets en fait une figure centrale mémorable.
À ses côtés, Josiane Balasko incarne Marie-Claude, une amie fidèle mais énigmatique. Avec sa présence imposante et son jeu tout en nuances, elle complète à merveille le duo qu’elle forme avec Hélène Vincent. Leur complicité à l’écran est palpable, ajoutant une touche d’humanité à une intrigue parfois glaçante. Pierre Lottin, dans le rôle de Vincent, offre également une prestation convaincante. Loin de ses rôles comiques habituels, il surprend par sa justesse et sa capacité à incarner un personnage troublé, à la fois vulnérable et inquiétant.
Enfin, Ludivine Sagnier, fidèle collaboratrice de François Ozon, apporte une légèreté fragile au rôle de Valérie, la fille de Michelle, dont la relation avec sa mère est empreinte de tensions latentes. L’un des aspects les plus marquants de Quand Vient l’Automne est sa capacité à hanter longtemps après sa vision. Les questions soulevées par le film restent en suspens, obligeant le spectateur à repenser les événements et à examiner les motivations des personnages sous un nouvel angle. François Ozon ne cherche pas à fournir des réponses claires ou définitives, préférant laisser planer le doute.
Cette approche, bien qu’exigeante, confère au film une profondeur rare. Elle reflète également une certaine honnêteté dans la manière de raconter des histoires humaines, où les émotions et les choix ne sont jamais simples ou univoques. Le spectateur est ainsi invité à se confronter à ses propres certitudes et à envisager les multiples facettes de chaque situation. Contrairement à certaines critiques qui reprochent à François Ozon une productivité trop élevée ou un manque d’innovation, Quand Vient l’Automne démontre une maturité et une maîtrise impressionnantes.
Le film n’essaie pas d’en faire trop ou de choquer pour attirer l’attention. Au contraire, il mise sur la sobriété, tant dans sa mise en scène que dans son écriture, pour raconter une histoire profondément humaine. L’ironie souvent présente dans les œuvres d’Ozon laisse ici place à une gravité qui renforce l’impact émotionnel du récit. Cette retenue, loin d’être une faiblesse, est au contraire une force qui témoigne d’une grande sensibilité et d’une véritable compréhension de ses personnages. Quand Vient l’Automne est une œuvre à la fois délicate et troublante, qui mêle le drame familial à une exploration plus large des ambiguïtés de l’âme humaine.
François Ozon y démontre, une fois de plus, son talent pour raconter des histoires où le banal côtoie l’extraordinaire, et où chaque détail compte. Ce film, à l’image de son titre, capture l’essence de l’automne : une saison de transition, empreinte de beauté et de mélancolie, où la lumière vacille mais ne disparaît jamais complètement. Avec des interprétations mémorables, une esthétique soignée et un scénario subtil, Quand Vient l’Automne s’impose comme une œuvre marquante dans la filmographie de François Ozon. Un film qui mérite d’être vu, non pour ses effets spectaculaires, mais pour la richesse de ses émotions et la profondeur de ses questionnements.
Note : 8/10. En bref, un Ozon très réussi qui derrière sa mélancolie et sa simplicité cache une vraie complexité tenue de main de fer par un casting au diapason.
Sorti le 2 octobre 2024 au cinéma - Disponible en VOD
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