Critique Ciné : Vivre, Mourir, Renaître (2024)

Critique Ciné : Vivre, Mourir, Renaître (2024)

Vivre, Mourir, Renaître // De Gaël Morel. Avec Lou Lampros, Victor Belmondo et Théo Christine. 

 

Le cinéma a cette capacité rare de capturer des fragments de vie, de transcrire des émotions complexes, et de nous inviter à réfléchir sur des thèmes qui nous touchent tous. Avec Vivre, Mourir, Renaître, Gaël Morel propose une œuvre profondément humaine, un film à la fois intime et universel qui explore les méandres de l'amour, de la création et de la résilience face à l'adversité. Dès les premières minutes, le film impose son rythme et sa poésie. Loin d'une simple narration linéaire, il adopte une structure en trois actes, chacun porté par le regard d’un personnage clé. Cette construction donne à chaque partie une couleur unique, comme si chaque segment respirait au rythme d'une voix singulière.

 

Emma aime Sammy qui aime Cyril qui l’aime aussi. Ce qui aurait pu être un marivaudage amoureux à la fin du siècle dernier va être dynamité par l’arrivée du sida. Alors qu’ils s’attendaient au pire, la destinée de chaque personnage va prendre un virage inattendu.

 

Ce choix narratif audacieux est le reflet de la maturité artistique de Gaël Morel, qui s'inscrit dans la lignée des grands cinéastes capables de marier introspection et fresque collective. Le triangle amoureux au cœur du récit est traité avec une justesse rare. Emma, sage-femme dévouée incarnée par Lou Lampros, partage sa vie avec Sammy, conducteur de métro interprété par Théo Christine. Mais l'équilibre de leur couple vacille lorsque Sammy croise le chemin de Cyril, un photographe incarné avec subtilité par Victor Belmondo. Plutôt que de s'enliser dans les clichés de la jalousie ou du conflit, le film choisit une voie plus lumineuse : celle de la bienveillance et de l'acceptation.

 

Morel aborde l'amour dans toutes ses facettes : hétérosexuelle, homosexuelle, bisexuelle. Ce choix inclusif donne à l’œuvre une dimension universelle, où les émotions priment sur les étiquettes. Les dialogues ciselés, la sincérité des interactions et la profondeur des personnages renforcent cette impression d'authenticité. Ce n'est pas un simple récit d'amour, mais une exploration de la complexité des relations humaines, du désir et des choix qui nous définissent. Le décor du film, un Paris des années 90 en pleine transformation, est reconstitué avec une précision et une subtilité remarquables. 

 

Gaël Morel évite les pièges de la nostalgie tapageuse pour privilégier des touches discrètes mais évocatrices : des affiches, des tenues, des lieux emblématiques de l’époque. Cette immersion temporelle est renforcée par des apparitions marquantes de figures emblématiques comme Amanda Lear et Elli Medeiros, qui incarnent l'esprit d'une époque marquée par le Sida et les luttes pour la tolérance. Les années 90 sont un personnage à part entière dans Vivre, Mourir, Renaître. Elles rappellent une période charnière où les progrès médicaux – comme l'arrivée des trithérapies – ont changé la donne pour des millions de personnes. Le film traite ces sujets avec une sensibilité admirable, explorant non seulement la douleur et la peur, mais aussi l'espoir et la renaissance.

 

L’une des grandes forces du film réside dans son casting. Lou Lampros, Théo Christine et Victor Belmondo forment un trio captivant. Leur alchimie transcende l'écran, donnant vie à des personnages complexes et attachants. Théo Christine, déjà remarqué pour ses performances dans Suprêmes et Vermines, confirme ici son immense talent. Quant à Victor Belmondo, il s’impose avec élégance et discrétion, prouvant qu’il a sa place dans le paysage cinématographique français, loin de l’ombre de son célèbre grand-père. Le film offre également un clin d’œil émouvant à Stéphane Rideau, qui apparaît brièvement, rappelant son rôle marquant dans Les Roseaux Sauvages d'André Téchiné. 

 

Cette connexion subtile entre Morel et Téchiné souligne une continuité artistique, un passage de témoin entre deux générations de réalisateurs engagés. Au-delà de l’histoire d’amour, Vivre, Mourir, Renaître est une réflexion profonde sur la création artistique et la résilience. Que signifie créer face à l’adversité ? Comment la maladie, la perte ou l’amour peuvent-ils devenir des moteurs pour l’art ? Ces questions traversent le film, notamment à travers le personnage de Cyril, dont la photographie devient un moyen d’explorer et de transcender ses propres émotions.

 

Morel interroge également le lien entre la paternité et la création. La volonté de transmettre, de construire un avenir, résonne tout au long du film, apportant une dimension philosophique à cette fresque humaine. Le saut temporel dans la narration, qui montre les personnages cinq ans plus tard, illustre cette idée de renaissance, de réinvention après l’épreuve. L’esthétique du film mérite également d’être soulignée. La photographie, soignée et lumineuse, capte à la fois la beauté de Paris et l’intimité des personnages. Les scènes sont souvent baignées d’une lumière douce, presque onirique, qui reflète la poésie et la retenue du récit.

 

Vivre, Mourir, Renaître est bien plus qu’un simple film d’amour ou une évocation des années 90. C’est une œuvre riche, complexe, qui invite à la réflexion tout en touchant le cœur. Gaël Morel réussit ici un pari audacieux : marier l’intime et le collectif, la fragilité et la force, la douleur et la renaissance. Ce film résonnera longtemps en moi, tant pour sa sincérité que pour sa capacité à capturer l’essence des émotions humaines. C’est un hymne à la tolérance, à l’écoute, à l’amour sous toutes ses formes. Une œuvre à voir, à ressentir, et à méditer.

 

Note : 7/10. En bref, une fresque intime et universelle. 

Sorti le 25 septembre 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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