Critique Ciné : Vermiglio ou La Mariée des Montagnes (2025)

Critique Ciné : Vermiglio ou La Mariée des Montagnes (2025)

Vermiglio ou La Mariée des Montagnes // De Maura Delpero. Avec Tommaso Ragno, Giuseppe De Domenico et Roberta Rovelli.

 

Le cinéma a parfois cette capacité à nous plonger dans un autre temps, dans un autre monde, en nous immergeant totalement dans une réalité à la fois lointaine et tangible. Vermiglio est de ces films qui s’inscrivent dans cette tradition contemplative, où la narration se déploie avec lenteur, au rythme des saisons et des silences. Situé dans un village reculé du nord de l’Italie, il explore la vie d’une communauté isolée, marquée par la rudesse de la nature et les traditions qui la régissent. Loin des récits historiques spectaculaires, Vermiglio choisit un angle plus intime pour évoquer les séquelles de la guerre, la place des femmes dans un monde patriarcal et l’opposition entre les désirs individuels et le poids du collectif.

 

Au cœur de l’hiver 1944. Dans un petit village de montagne du Trentin, au nord de l'Italie, la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Lorsqu'un jeune soldat arrive, cherchant refuge, la dynamique de la famille de l'instituteur local est changée à jamais. Le jeune homme et la fille aînée tombent amoureux, ce qui mène au mariage et à un destin inattendu…

 

Le film suit une famille dirigée d’une main ferme par un instituteur, figure austère et omniprésente, dont l’autorité s’étend bien au-delà des murs de sa maison. À travers lui, c’est tout un ordre social qui se dévoile, rigide et régi par des codes immuables. L’arrivée de Pietro, un déserteur venu de Sicile, va pourtant venir ébranler cet équilibre précaire. Son histoire d’amour naissante avec Lucia, l’une des filles du maître d’école, devient le point d’ancrage du récit, tout en restant un fil ténu parmi d’autres destinées. Ce cadre montagnard, presque hors du temps, est filmé avec une attention particulière aux détails du quotidien. 

 

Chaque geste, chaque regard, chaque silence raconte quelque chose. Les paysages, majestueux et inhospitaliers à la fois, participent à l’impression de huis clos à ciel ouvert. La mise en scène de Maura Delpero s’inscrit dans un style qui rappelle parfois le documentaire, avec une caméra discrète qui observe sans intervenir. Ce parti pris renforce l’impression d’assister à des fragments de vie, capturés dans toute leur authenticité. Les couleurs froides et les compositions soignées donnent à Vermiglio une esthétique épurée, où chaque plan semble avoir été pensé comme une peinture.

 

Si cette approche offre une vraie beauté visuelle, elle peut aussi donner une impression de distance. Les personnages, souvent taiseux, laissent parfois filtrer une émotion contenue, mais difficile d’accès. Cette retenue, qui colle sans doute à la réalité de ces communautés montagnardes où les mots sont rares et les gestes parlent d’eux-mêmes, peut cependant créer une certaine frustration. Derrière l’apparente simplicité du récit, Vermiglio explore des thématiques profondes : la maternité, la transmission, la foi, mais surtout la manière dont le poids des traditions façonne les trajectoires individuelles. 

 

Si la figure du père est omniprésente, c’est bien les femmes qui se révèlent être le cœur du film. Lucia, à travers sa relation avec Pietro, incarne l’espoir d’un ailleurs, d’une possible échappatoire. Mais elle n’est pas la seule à voir ses aspirations contrariées par l’ordre établi. Les silences des femmes, leur place dans la communauté, les choix qu’elles n’ont pas le droit de faire, tout cela se dessine en creux, sans jamais être lourdement souligné. Cette retenue est à la fois une force et une limite du film : elle laisse au spectateur le soin de lire entre les lignes, mais peut aussi donner le sentiment que certaines pistes restent inexploitées.

 

Le rythme du film épouse celui du quotidien des villageois. Il ne faut pas s’attendre à une intrigue haletante, ni à des rebondissements spectaculaires. Vermiglio demande une certaine patience, et peut, par moments, donner l’impression de s’étirer. L’attention portée aux détails, aux gestes du quotidien, à la lumière qui évolue au fil des saisons, participe à son charme, mais peut aussi perdre ceux qui préfèrent des récits plus dynamiques. Si la deuxième moitié du film gagne en intensité, notamment à travers l’évolution de la relation entre Lucia et Pietro, l’émotion reste souvent en retenue. 

 

Il ne s’agit pas d’un film qui cherche à faire pleurer ou à provoquer des réactions immédiates, mais plutôt d’un récit qui s’imprègne lentement et laisse des traces subtiles. Vermiglio est une œuvre qui séduira ceux qui apprécient les films contemplatifs, où l’image et l’atmosphère prennent le pas sur l’intrigue. La reconstitution de la vie dans ce village isolé est minutieuse, et le regard porté sur cette communauté est d’une grande justesse. Pourtant, il manque parfois un supplément d’âme, une étincelle qui permettrait de réellement s’attacher aux personnages.

 

Certains films marquent par leur intensité dramatique, d’autres par leur richesse émotionnelle. Vermiglio, lui, impressionne par sa rigueur et son esthétique soignée, mais laisse une sensation d’inachevé sur le plan émotionnel. Il y a quelque chose de fascinant dans cette immersion dans un monde révolu, mais aussi quelque chose de distant qui empêche de s’y sentir pleinement investi. Au final, c’est un film qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui mérite d’être découvert pour son regard singulier sur une époque et un mode de vie en voie de disparition. 

 

Note : 6.5/10. En bref, une fresque sobre et exigeante, où la beauté des paysages se mêle à la dureté des existences, dans un équilibre parfois fragile entre contemplation et frustration.

Sorti le 19 mars 2025 au cinéma

 

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