13 Avril 2025
Le Routard // De Philippe Mechelen. Avec Hakim Jemili, Christian Clavier et Michel Blanc.
Le cinéma français aime les concepts faciles à identifier. Un titre qui évoque les vacances, une destination ensoleillée, un casting connu : tout semble réuni pour attirer un large public. Le Routard, réalisé par Philippe Mechelen, s’inscrit parfaitement dans cette logique. Une comédie d’aventure en terre marocaine, avec quelques figures familières à l’affiche, et un scénario censé mêler humour et dépaysement. L’intention est claire, mais le résultat laisse perplexe. Le film commence avec une idée qui, sur le papier, avait de quoi séduire : suivre les péripéties d’un routard amateur plongé bien malgré lui dans un enchaînement de situations absurdes.
Yann n’a qu’un seul rêve dans la vie : voyager. Alors, quand il entend dire que le fameux guide du Routard recrute des gens pour faire le tour du monde, il se présente immédiatement à l’entretien et se fait embaucher. Sa première mission : Marrakech, 40 adresses à vérifier en 5 jours. Mais Yann a oublié de mentionner un petit détail lors de son entretien : il n’a jamais voyagé de sa vie. Ce qui lui semblait être au premier abord le "meilleur job du monde" va se révéler beaucoup moins idyllique que prévu...
L’arrivée dans un pays étranger, les rencontres improbables, les quiproquos culturels… Tout est là pour construire un récit vivant. Sauf que Le Routard ne creuse rien de tout cela. Très vite, l’intrigue se perd dans une succession de scènes convenues, où l'humour repose davantage sur des ressorts usés que sur un véritable regard comique ou satirique. L’exotisme affiché devient un décor figé, un prétexte plus qu’un élément narratif. On a la sensation que le Maroc est utilisé comme toile de fond touristique plus que comme un lieu vivant, avec sa culture propre. Et cela se ressent tout au long du film.
C’est sans doute l’un des plus gros problèmes du film : son traitement caricatural des personnages et des situations. Le regard porté sur les locaux comme sur les touristes frôle souvent le stéréotype. Entre les accents surjoués, les situations qui semblent sorties d’un catalogue de blagues éculées et les figures secondaires interchangeables, il devient difficile de s'attacher à quoi que ce soit. Christian Clavier, fidèle à son registre, déroule son jeu sans réelle surprise. Il tient son rôle avec une certaine énergie, mais cela ne suffit pas à faire exister son personnage, qui semble figé dans une posture comique déjà vue à de nombreuses reprises.
Michel Blanc, quant à lui, hérite d’un rôle sans épaisseur, qui n’apporte malheureusement pas grand-chose à l’histoire. Pour un de ses derniers rôles à l’écran, cela laisse un goût amer. L’un des objectifs d’une comédie, c’est évidemment de faire rire. Or ici, les sourires se font rares. L’humour, souvent lourd, repose principalement sur des situations absurdes, sans jamais véritablement prendre de hauteur. Certains gags donnent l'impression d’avoir été pensés pour une autre époque, et peinent à susciter autre chose que de l’indifférence. Cela crée un décalage, renforcé par des dialogues qui manquent cruellement de finesse.
Hakim Jemili, dans le rôle principal, tente de maintenir une certaine énergie. Son jeu n’est pas sans qualités, mais il se retrouve souvent prisonnier d’un scénario qui ne lui laisse que peu de marge. Son personnage de touriste maladroit aurait pu devenir un anti-héros touchant, mais il reste cantonné à une série de maladresses répétitives. Visuellement, Le Routard alterne entre jolies cartes postales et scènes aux effets peu soignés. Quelques plans permettent d’apercevoir Marrakech dans toute sa splendeur, mais l’ensemble manque de cohérence.
Certaines incrustations numériques sautent aux yeux, et donnent une impression de finition bâclée. Cela renforce le sentiment d’un film produit à la chaîne, plus préoccupé par sa promotion que par sa facture artistique. Le rythme, lui aussi, pose problème. Le film prend son temps là où il pourrait aller droit au but, et accélère lorsqu’il aurait gagné à s’arrêter. Cette gestion déséquilibrée du tempo rend l’ensemble parfois laborieux à suivre, sans jamais générer de véritable tension dramatique ou comique. Ce qui agace peut-être le plus dans Le Routard, c’est l’impression d’un potentiel inexploité.
L’idée de confronter un Français lambda à une culture différente, de jouer sur les écarts de perception, pouvait donner lieu à une comédie subtile, à une réflexion légère sur le voyage, l’altérité, voire l’arrogance touristique. Mais rien de tout cela ne se manifeste réellement à l’écran. Le film préfère accumuler les rebondissements attendus, les retournements prévisibles, les scènes d’exposition évidentes. Il manque cette prise de risque qui aurait permis de sortir du moule, de proposer une expérience plus singulière, plus mordante ou simplement plus authentique.
À la sortie, il reste surtout une impression de déjà-vu. Le Routard s’ajoute à une longue liste de comédies françaises où un concept porteur est dilué dans une écriture paresseuse et une mise en scène fonctionnelle. Il ne provoque ni rejet franc, ni véritable enthousiasme. Il se regarde sans trop d’effort, mais s’oublie aussi vite. Même les tentatives d’émotion sont rapidement balayées par une mécanique qui ne prend jamais vraiment le temps de développer ses personnages. Le film effleure certains thèmes – la peur de l’inconnu, la solitude, l’envie d’évasion – sans jamais vraiment les explorer. Résultat : un produit formaté, sans grande saveur. Le Routard laisse une impression mitigée.
Il y avait matière à proposer une comédie dépaysante, rythmée et fine, capable de jouer sur les codes du voyage tout en racontant quelque chose de sincère. À la place, le film aligne les clichés, les gags attendus, les rôles secondaires convenus. Certains spectateurs y trouveront peut-être un moment de détente sans prétention, d’autres n’y verront qu’un divertissement oubliable. Dans tous les cas, difficile de parler ici de véritable expérience cinématographique. Il reste surtout une escapade qui manque cruellement de fraîcheur, et qui aurait gagné à sortir des sentiers battus.
Note : 3/10. En bref, plutôt qu’une comédie dépaysante et amusante, le film aligne les clichés, les gags attendus, les rôles secondaires convenus.
Sorti le 2 avril 2025 au cinéma
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