Critiques Séries : Black Mirror. Saison 7. Episode 4.

Critiques Séries : Black Mirror. Saison 7. Episode 4.

Black Mirror // Saison 7. Episode 4. Plaything.

 

Certains épisodes de Black Mirror provoquent une réaction immédiate. Pas de sursaut d’adrénaline, ni de choc visuel. Juste ce moment où la réflexion s’infiltre, lentement mais sûrement, pour finir par occuper toute la place. L’épisode 4 de la saison 7, intitulé « Plaything », fait partie de ceux-là. Il ne cherche pas à impressionner, ni à en faire trop. Il expose une situation, développe une tension, puis s’éteint doucement, laissant planer une question qui dérange un peu plus longtemps que prévu. Ce qui frappe d’abord dans cet épisode, c’est la construction narrative : deux temporalités, 1994 et 2034, entrelacées avec une précision presque clinique. 

 

À la surface, c’est une histoire de meurtre. Mais gratter un peu suffit à voir que le propos dépasse le simple cadre du polar. Ce n’est pas une enquête classique. C’est plutôt une méditation sur le lien entre violence, technologie, et identité. Retour dans les années 90. Rien de romantisé. L’époque est sale, parfois violente, toujours bancale. L’ambiance visuelle rend justice à cette décennie souvent fantasmée. Loin des filtres Instagram et des vinyles de mode, on découvre un quotidien brut, gris, encombré de posters, de fils électriques emmêlés et de vieilles télés au son étouffé.

 

Le personnage principal, Cameron Walker, n’a rien du héros. Il est maladroit, nerveux, tiraillé. Jeune journaliste spécialisé dans le jeu vidéo, il s’embarque dans une spirale étrange après avoir découvert ce qu’il croit être une technologie de pointe. En réalité, il vient de faire connaissance avec des entités numériques, appelées Thronglets. Des créatures virtuelles, minuscules, bruyantes, vaguement attendrissantes, mais dont l’origine et les intentions restent floues. Ces Thronglets, qui rappellent par moments les Tamagotchi et par d'autres des embryons d’intelligence collective, vont devenir le point d’ancrage de toute l’histoire. 

Pas juste en tant que présence bizarre. Ils incarnent un changement de paradigme, un basculement entre réalité physique et vie numérique. L’histoire bascule lorsque Cameron, témoin d’un acte de cruauté envers les Thronglets, perd le contrôle. Il frappe un ancien ami jusqu’à la mort. Ce geste, brutal, marque une rupture nette. Ce n’est pas un meurtre accidentel. C’est une réaction viscérale à une agression qui, en surface, ne semble viser que des entités virtuelles. Mais pour Cameron, ces créatures ont une conscience. Leur souffrance est réelle. Et donc, la violence devient une réponse.

 

Quarante ans plus tard, il est de nouveau au centre d’un interrogatoire. Cette fois, c’est la police qui veut comprendre ce qu’il s’est passé. Mais là encore, les apparences sont trompeuses. Cameron n’est pas qu’un suspect passif. Il a orchestré son arrestation. Derrière cet acte, une stratégie : accéder au système informatique central de l’État. Son but ? Transmettre un signal global, une sorte de mise à jour forcée du cerveau humain. Fusionner l’espèce humaine avec les Thronglets. Rien que ça. Le doute reste entier : a-t-il agi de son plein gré ou était-il manipulé ? 

 

La question n’est pas nouvelle dans l’univers de Black Mirror, mais elle prend ici une forme particulière. Car Cameron semble croire dur comme fer à sa mission. Il ne cherche pas à fuir ni à se justifier. Il suit un plan, presque religieux, convaincu que l’évolution de l’humanité passe par l’intégration de ces formes de vie numériques. Mais la question reste entière : qui manipule qui ? Est-ce Cameron qui instrumentalise les Thronglets, ou est-ce lui qui est devenu leur pantin ? Le titre de l’épisode, Plaything, résonne comme un avertissement. Un jouet, c’est ce qui est manipulé, contrôlé, utilisé pour le plaisir d’un autre. 

Et dans ce contexte, difficile de trancher sur l’identité réelle de celui qui tire les ficelles. Le Londres de 2034 n’est pas un décor futuriste classique. Pas de véhicules volants, pas de cités lumineuses. À la place, une ville éteinte, triste, désordonnée. Les sans-abri jonchent les trottoirs. Les boutiques affichent des services de déblocage illégal d’implants cérébraux. Les crédits alimentaires remplacent la monnaie. Les avancées technologiques sont là, mais elles n’ont pas amélioré la vie quotidienne. Elles l’ont juste complexifiée. Ce futur ressemble plus à un présent amplifié qu’à une anticipation spectaculaire. 

 

Ce n’est pas l’imagination qui fait peur, mais la logique. Parce que tout ce qui est montré semble être à un pas d’ici. À un clic de basculer. Difficile de ne pas parler de Peter Capaldi dans cet épisode. Son jeu, précis et troublant, donne au personnage de Cameron une profondeur qui dépasse le texte. Le regard, parfois absent, parfois perçant, incarne cette ambiguïté permanente : folie ou lucidité ? Manipulation ou vision ? L’interprétation de Lewis Gribben, en version plus jeune, fonctionne bien dans ce miroir temporel. Une continuité crédible, sans surjeu.

 

Certains seconds rôles, comme les deux officiers de police aux méthodes opposées, amènent un contrepoids utile, même si leur présence paraît parfois trop appuyée. L’un hurle, l’autre écoute, un peu comme un vieux duo de séries policières. Un peu trop caricatural par moments, mais cela participe à l’ambiance générale. Ce qui me reste en tête après cet épisode, ce ne sont pas les détails techniques ou les retournements de situation. C’est l’ambiance. Cette impression de malaise, cette frontière floue entre délire personnel et changement collectif. 

Il n’y a pas de vérité unique, pas de leçon. Juste une série de doutes, de gestes extrêmes, de croyances sincères. La fin, ouverte, n’apporte ni soulagement ni révélation. Le spectateur se retrouve face à un choix : croire que Cameron a permis un saut évolutif, ou penser qu’il a déclenché un désastre. Les Thronglets, figures ambivalentes, restent muettes. Pas de confirmation, pas de réponse. Et peut-être est-ce là le vrai propos de l’épisode : l’absence de certitudes dans un monde où les frontières entre réel, virtuel, conscient et inconscient deviennent de plus en plus poreuses.

 

Certains visages familiers font leur retour. Colin Ritman, figure culte de l’épisode interactif Bandersnatch, revient brièvement. Ce clin d'œil amuse, mais n’aspire pas à être plus que cela. Il rappelle que le monde de Black Mirror est vaste, que ses lignes temporelles se croisent parfois. Mais ici, pas de suite directe, juste un écho, comme une rumeur dans les couloirs d’un vieux bâtiment. D’un côté, Plaything parvient à installer une atmosphère. Il évoque des thèmes profonds sans tomber dans le bavardage. De l’autre, il laisse une impression d’inachevé. Pas de chute marquante, pas de moment cathartique. 

 

Juste une tension diffuse qui persiste après le générique. Cela peut décevoir. Surtout si l’on attend un final renversant, une signature typique de la série. Mais au fond, cette frustration est peut-être volontaire. Tout comme la technologie que l’épisode critique, Plaything refuse de se terminer proprement. Il s’ouvre, il dérange, il interroge, puis disparaît, comme une pensée obsessionnelle qui revient en boucle. C’est peut-être la seule vraie question de l’épisode. Les Thronglets sont-ils des parasites ou des partenaires ? Une menace ou une opportunité ? Ils ne parlent pas, ne revendiquent rien. 

 

Leur présence est légère, presque anodine. Et pourtant, c’est par eux que tout change. L’idée qu’une intelligence non humaine puisse proposer une voie alternative à l’humanité n’est pas nouvelle. Mais ici, elle prend une forme inattendue : celle d’un jeu pour enfants. Ce contraste ajoute une couche de trouble. Le danger ne vient plus de machines froides ou de supercalculateurs cyniques, mais de petites créatures numériques qui clignotent en jaune. « Plaything » ne cherche pas à imposer une vision. Il propose une fable contemporaine, aux airs de science-fiction, mais profondément ancrée dans le réel. 

 

Il pose des questions sur la violence humaine, la capacité à croire en autre chose, et le rôle que pourrait jouer le numérique dans cette quête. Ce n’est pas un épisode parfait. Il peut sembler décousu, parfois lent, parfois trop elliptique. Mais il fait ce que peu d’épisodes font encore : il prend son temps. Il ne cherche pas à convaincre, seulement à poser une situation, puis à s’effacer, en laissant le spectateur avec ses propres dilemmes. Et dans une époque saturée de récits prémâchés, ce choix de ne pas conclure, de ne pas orienter, me paraît presque subversif.

 

Note : 8/10. En bref, un épisode qui a une fois de plus l’allure de la série quand elle n’était encore qu’une série britannique. Il pose des questions sur la violence humaine, la capacité à croire en autre chose, et le rôle que pourrait jouer le numérique dans cette quête. Ce n’est pas un épisode parfait. Il peut sembler décousu, parfois lent, parfois trop elliptique. Mais il fait ce que peu d’épisodes font encore : il prend son temps. 

Disponible sur Netflix

 

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