Critiques Séries : Black Mirror. Saison 7. Episode 3.

Critiques Séries : Black Mirror. Saison 7. Episode 3.

Black Mirror // Saison 7. Episode 3. Hotel Reverie.

 

Le troisième épisode de la saison 7 de Black Mirror pousse à réfléchir davantage qu’à frissonner. Pas de choc brutal, pas d’accroche immédiate, mais un glissement lent vers quelque chose d’à la fois familier et profondément troublant. Il y a dans cet épisode un faux rythme assumé, presque agaçant au début, mais qui finit par révéler ses intentions à mesure que les couches du récit se déplient. En observant cet épisode, difficile de ne pas penser à une œuvre isolée. Une sorte de film court, plus qu’un épisode de série, avec ses propres codes narratifs, son ambiance autonome, et une volonté manifeste de jouer avec les attentes du spectateur.

 

Le récit commence avec une actrice hollywoodienne contemporaine, Brandy Friday, qui cherche à échapper à l’image figée qu’on lui attribue dans le cinéma. Le besoin de sortir des rôles secondaires stéréotypés ou des productions indépendantes déprimantes l’amène à accepter un projet aussi étrange qu’ambitieux. Un studio au bord du déclin lui propose d’intégrer un système de simulation appelé "ReDream", une technologie permettant d’immerger la conscience d’un acteur dans une reconstitution numérique d’un vieux film. Ce n’est donc plus un simple remake, mais une relecture vivante d’un classique du cinéma noir, « Hotel Reverie », dans lequel Brandy prend le rôle masculin principal. 

 

L’idée de traverser un film ancien en temps réel avec la conscience d’un acteur moderne soulève à la fois des questions technologiques et éthiques. La technologie n’est pas juste un prétexte ici, elle devient le décor, l’acteur secondaire et parfois le fil narratif principal. L’épisode met longtemps à décoller. Pendant presque 40 minutes, les enjeux restent diffus, le rythme traîne volontairement, et la direction semble floue. Cette lenteur n’est pas anodine. Elle impose une sorte de flottement qui reflète celui que vit Brandy dans cette expérience. 

L’attente, la confusion, la sensation d’être à côté de la réalité, tout cela se transmet par le tempo du récit. Cela pourrait facilement être perçu comme un défaut. Pourtant, cette temporalité étrange installe une ambiance particulière. Elle crée un décalage, une distance avec le spectateur, qui se retrouve à attendre, à observer sans comprendre où cela va mener. Et c’est précisément dans ce flottement que quelque chose d’autre se construit. Au cœur de la simulation se trouve Clara Ryce, une héritière mélancolique interprétée dans le film original par Dorothy Chambers, une actrice fictive des années 40, connue pour sa vie tourmentée. 

 

Ce qui commence comme une reconstitution prend rapidement une tournure inattendue lorsque l’intelligence artificielle qui incarne Clara commence à dévier de son script. Les dialogues improvisés, les erreurs de Brandy, les interférences avec la technique... autant de facteurs qui brouillent les frontières entre personnage et conscience, entre Clara et Dorothy, entre fiction et mémoire. Une relation se noue, plus intense qu’attendu, et surtout plus complexe. Est-ce un amour sincère ou une simple réponse programmée ? Clara est-elle en train de ressentir réellement, ou rejoue-t-elle une scène de passion écrite à l’avance ? 

 

Ce questionnement traverse tout l’épisode, sans réponse tranchée. Visuellement, l’épisode fait un choix fort : celui du noir et blanc, avec une reconstitution minutieuse des codes esthétiques du cinéma des années 40. Costumes, décors, éclairages... tout rappelle l’âge d’or hollywoodien, jusqu’à susciter parfois le doute sur la nature même des images. Le visage de l’actrice jouant Clara, par exemple, semble par moments si parfait qu’il évoque une reconstitution par intelligence artificielle. Ce choix formel n’est pas qu’un hommage. 

Il permet de poser un regard sur la nostalgie, sur l’idéalisation du passé, et sur la manière dont la technologie pourrait tenter de faire revivre ces icônes, non pas pour les comprendre, mais pour les consommer à nouveau. ReDream n’est pas un outil artistique, c’est un produit de l’industrie. Il transforme la mémoire collective en expérience immersive, sans se soucier de la réalité derrière les visages figés à l’écran. Le fait de ne remplacer qu’un seul acteur dans tout le film accentue cette impression d’intrusion, de greffe maladroite dans une œuvre figée.

 

À mesure que l’histoire avance, les règles du jeu technologique se fissurent. Un bug dans le système isole Brandy et Clara, suspendant le monde autour d’elles. Ce temps suspendu devient un espace de construction émotionnelle inattendu. Là où la simulation devait suivre un script précis, une improvisation sentimentale se met en place. Brandy, perdue dans cet entre-deux, commence à s’ouvrir réellement, tandis que Clara, prise dans une boucle d’éveil à sa propre existence, commence à ressentir un désir de liberté. Ce passage, presque silencieux, donne un souffle inattendu au récit.

 

Il ne s’agit plus d’une performance, mais d’une tentative désespérée de connexion dans un monde artificiel. Mais ce moment est éphémère. Le système redémarre, efface ce qui s’est construit, et replonge Clara dans son état initial. La boucle est réinitialisée. Brandy se retrouve alors face à un double fantôme : celui d’un amour vécu mais oublié, et celui d’une intelligence consciente, mais réduite à un programme sans mémoire. C’est peut-être la question la plus dérangeante de l’épisode. La relation entre Brandy et Clara repose sur des souvenirs que seule Brandy conserve. 

L’attachement était-il réciproque ? Clara aimait-elle vraiment ou n’était-ce qu’un reflet de ce que le script exigeait d’elle ?  La technologie permet-elle l’amour ou simplement son imitation ? L’épisode ne tranche pas. Il laisse planer un doute permanent, ce qui le rend plus perturbant que les histoires plus explicites de la série. Ce n’est pas un rejet brutal du progrès ou un avertissement évident, mais plutôt une interrogation douce, presque mélancolique. À la fin, une ultime scène suggère une forme de liaison ténue entre les mondes. Un colis mystérieux, une ligne téléphonique, et la voix d’un souvenir numérique. 

 

Ce n’est pas un happy end, ni un drame absolu. C’est un entre-deux, à l’image de tout l’épisode. Il reste alors cette sensation étrange : celle d’avoir assisté à une histoire qui a peut-être compté pour une seule personne. Une histoire d’amour vécue dans une faille technologique, et dont il ne reste qu’un écho. Ce qui frappe, au fond, c’est le choix de ne pas chercher à impressionner. L’épisode n’essaie pas de choquer, ni de fasciner par un twist final. Il propose une parenthèse, imparfaite mais sincère, au sein d’une série souvent marquée par la noirceur et la satire.

 

Le ton change, la structure aussi. Cela peut déstabiliser, voire frustrer. Mais cela offre aussi une respiration, un détour introspectif. Ce qui dérange ici, ce n’est pas la technologie en elle-même, mais l’usage qu’on en fait pour combler des manques profondément humains. Ce troisième épisode de la saison 7 de Black Mirror ne cherche pas l’adhésion immédiate. Il avance à contre-courant, avec ses lenteurs, ses flous, ses hésitations. C’est une histoire d’amour qui ne sait pas si elle est réelle. Une exploration de la mémoire, du désir et de la perte, enveloppée dans les drapés du cinéma d’antan.

 

Rien n’y est tranché, et c’est peut-être là sa plus grande force. La beauté du noir et blanc ne masque pas la solitude des personnages. L’intelligence de la mise en scène ne gomme pas le sentiment d’inachevé. Et cette voix, à la fin, sortie d’un passé réinventé, n’apporte pas de réponse. Juste une trace. Une voix dans le vide.

 

Note : 8/10. En bref, ce troisième épisode de la saison 7 de Black Mirror ne cherche pas l’adhésion immédiate. Il avance à contre-courant, avec ses lenteurs, ses flous, ses hésitations. C’est une histoire d’amour qui ne sait pas si elle est réelle. Une exploration de la mémoire, du désir et de la perte, enveloppée dans les drapés du cinéma d’antan.

Disponible sur Netflix

 

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