Hacks (Saison 4, épisodes 1 et 2) : un duo en guerre froide sous les projecteurs

Hacks (Saison 4, épisodes 1 et 2) : un duo en guerre froide sous les projecteurs

Les premières minutes de cette nouvelle saison donnent immédiatement le ton : les tensions sont palpables, les alliances incertaines, et l’humour reste tranchant comme une lame bien aiguisée. Deux épisodes suffisent pour plonger à nouveau dans la dynamique imprévisible entre Deborah Vance et Ava Daniels, un tandem que tout oppose mais que la vie professionnelle continue de lier. La série Hacks, dès ses débuts, a posé les bases d’une relation professionnelle instable, avec des moments de complicité trahis par des piques venimeuses, des revanches déguisées en leçons, et une certaine tendresse qui se fraie un chemin entre les lignes de dialogue. 

 

Ce début de saison 4 ne déroge pas à la règle, mais va plus loin : cette fois, les blessures ne sont plus en sourdine. La fin de la saison précédente laissait présager un changement de dynamique, presque une inversion des rôles. Ava, autrefois reléguée au rôle de protégée ingrate, impose désormais ses choix. La promotion au poste de cheffe scénariste n’est pas le fruit d’un accord harmonieux, mais d’une manœuvre brutale. Et forcément, cela laisse des traces. La confrontation s’ouvre avec un face-à-face glacial, les regards fuyants et les remarques assassines. Chacune pense détenir l’avantage. Deborah, fidèle à sa stratégie de manipulation passive-agressive, reprend les armes : tests de dépistage douteux, humiliation subtile, et coups bas dignes d’une vétérante du show-business. 

Ava, quant à elle, croit avoir pris le dessus – mais c’est une illusion éphémère. La tension dramatique repose sur cette certitude : gagner une manche n’a jamais suffi à gagner la guerre. Ce qui frappe dans cette reprise, c’est à quel point les conflits ne se déroulent plus en coulisses. Désormais, le regard du public – journalistes, réseaux sociaux, dirigeants de chaîne – impose une pression constante. Tout faux pas devient un risque de sabotage. Un exemple parmi d’autres : cette altercation devant le Comedy Store, à la vue de tous. Là où auparavant, les disputes pouvaient se cacher derrière les portes d’un couloir ou les murs d’une loge, elles explosent maintenant sur la place publique. 

 

Une mise en scène qui accentue le thème central de cette saison : peut-on continuer à coexister professionnellement quand la confiance est morte ? Ce qui complique la lecture de leur relation, c’est cette dose d’admiration que ni l’une ni l’autre n’arrive complètement à enterrer. Ava, malgré son arrogance nouvelle, conserve un certain respect – voire une fascination – pour la longévité et le flair comique de Deborah. Cette dernière, de son côté, oscille entre condescendance et reconnaissance du talent brut de son ancienne assistante. Ce mélange crée des dialogues souvent cinglants, parfois ridicules, mais surtout chargés d’une émotion larvée. 

Certaines répliques tombent à plat non pas par maladresse d’écriture, mais parce que les personnages eux-mêmes sont hors-jeu émotionnellement. Quand les nerfs prennent le dessus, l’esprit vacille. Les vannes deviennent de simples insultes. L’enjeu dépasse la simple querelle d’ego. Le talk-show que Deborah doit maintenant piloter devient le terrain de toutes les tensions. Qui compose l’équipe d’écriture ? Quel ton adopter ? Quelle posture médiatique afficher ? Ava, investie dans son rôle, tente de recruter des voix nouvelles, représentatives d’une autre génération et d’autres sensibilités. Deborah, quant à elle, se réfugie dans ses habitudes : elle privilégie les vétérans, doute de tout changement et réagit mal à la critique. 

 

L’affrontement ne concerne donc pas seulement des choix artistiques, mais deux visions du monde qui s’affrontent sans relâche. Les deux épisodes laissent entrevoir un autre niveau de conflit, plus intime. Derrière les attaques se cachent des douleurs non verbalisées. Deborah, malgré ses airs de monolithe émotionnel, révèle une blessure plus profonde : celle de se sentir abandonnée dès que le succès revient. Ava, elle, semble hantée par une forme de désillusion permanente, une incapacité à savourer les victoires tant elles sont teintées de compromis. Un moment en particulier résume bien cette tension : la séance photo pour New York Times Magazine, où les deux femmes doivent faire semblant d’être complices. 

Elles affichent un sourire forcé, jouent le jeu pour la presse, mais l’instant trahit tout : les larmes qu’Ava retient, le regard fatigué de Deborah. L’image est belle, mais le vernis craque. Malgré le chaos, une tentative de trêve s’esquisse. Deborah propose un compromis inattendu, intégrant les choix d’Ava tout en conservant une place pour ses alliés historiques. Un geste rare, presque altruiste, qui pourrait annoncer une nouvelle phase dans leur relation. Ou peut-être une nouvelle stratégie, plus subtile, pour reprendre le contrôle. Le départ précipité pour une retraite d’écriture à Las Vegas ouvre la porte à d’autres développements. Rien n’indique que cette paix tiendra. 

 

Mais c’est une bouffée d’air frais bienvenue, un instant suspendu dans une série où chaque geste peut devenir une arme. Ces deux premiers chapitres ne cherchent pas à réinventer Hacks, mais à aller plus loin dans l’exploration psychologique de ses deux protagonistes. Les ressorts comiques sont toujours présents, mais l’humour est plus acide, parfois amer. Le rire vient souvent du malaise, du décalage entre ce qui est dit et ce qui est ressenti. Le plus marquant, c’est la manière dont la série interroge la porosité entre ambition professionnelle et blessures personnelles. 

Quand deux personnes se connaissent aussi bien que Deborah et Ava, chaque mot devient une arme potentielle. Chaque silence aussi. Il serait tentant de réduire leur opposition à une simple confrontation générationnelle. Deborah incarne une époque révolue, avec ses codes, ses certitudes. Ava, elle, représente une nouvelle vague plus consciente des enjeux sociaux, plus directe, mais aussi plus maladroite. Mais la réalité est plus complexe. Ava n’est pas seulement une figure de renouveau. Elle reproduit souvent les schémas de pouvoir qu’elle critique. 

 

Deborah, quant à elle, n’est pas uniquement une conservatrice réactionnaire ; elle cherche, à sa manière, à survivre dans un paysage médiatique en mutation constante. Et au fond, ce sont deux femmes qui veulent la même chose : exister, durer, créer quelque chose qui compte. Si ces deux premiers épisodes sont représentatifs du ton général de la saison, alors il faudra s’attendre à un parcours semé d’embûches. Les cartes sont redistribuées, les rôles s’inversent par moments, mais aucune certitude ne s’impose. La série continue de miser sur la finesse de ses dialogues, la subtilité de ses non-dits, et une capacité à transformer chaque situation banale en duel psychologique. 

Plus qu’une comédie sur le show-business, Hacks devient une étude de caractère, un miroir tendu à celles et ceux qui ont un jour dû travailler avec quelqu’un qui les a blessés, parfois même brisés. Ce début de saison 4 réussit à capturer une vérité rarement explorée avec autant de lucidité dans une série comique : il est possible de travailler avec quelqu’un que l’on ne supporte plus, parce qu’au fond, cette personne fait ressortir une part de soi que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Ni Deborah ni Ava ne sont des héroïnes à admirer sans réserve. Ce sont des femmes abîmées, entêtées, parfois mesquines, mais qui cherchent encore à avancer, malgré tout.

 

Et c’est précisément là que Hacks reste pertinent : en refusant de simplifier les relations humaines, en montrant que les conflits ne se résolvent pas toujours, mais peuvent parfois se transformer en quelque chose de nouveau. Ni une amitié, ni une rivalité pure – mais une forme de coexistence instable, réaliste, et profondément humaine.

 

Note : 8/10. En bref, ce début de saison 4 réussit à capturer une vérité rarement explorée avec autant de lucidité dans une série comique : il est possible de travailler avec quelqu’un que l’on ne supporte plus, parce qu’au fond, cette personne fait ressortir une part de soi que l’on ne trouve nulle part ailleurs. 

Disponible sur max

 

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