4 Avril 2025
La série House of David, disponible sur Prime Video, plonge dans un territoire rarement exploré avec autant de moyens par les grandes plateformes de streaming : l’univers biblique de l’Ancien Testament. Huit épisodes pour revisiter la jeunesse de David, futur roi d’Israël, avec comme point d’orgue l’incontournable duel face à Goliath. Sur le papier, l’idée a de quoi intriguer. Pourtant, ce voyage scriptural laisse une impression mitigée. Choisir la figure de David pour une série, c’est s’attaquer à un personnage complexe, à la croisée des récits religieux et de l’imaginaire collectif.
Le défi est d’autant plus grand qu’il s’agit de représenter non seulement un héros spirituel, mais aussi un homme politique, un musicien, un guerrier, un poète. Tout ça en huit épisodes. Forcément, il y a des choix à faire. Et certains laissent perplexe. Plutôt que de construire un portrait nuancé, la série semble s’enfermer dans une structure narrative très linéaire. Les événements s’enchaînent sans réelle tension dramatique. La fameuse confrontation avec Goliath, au lieu d’être le sommet émotionnel de la saison, est expédiée sans en exploiter la charge symbolique et spirituelle. Ce moment méritait plus qu’un simple climax télévisuel. Il aurait pu porter tout un épisode, voire une saison.
Visuellement, la série a de l’ambition. Les décors naturels de la Méditerranée apportent une authenticité bienvenue. Le tournage en Grèce donne de la texture aux images, même si certains effets spéciaux peinent à convaincre. Les visions de David, souvent accompagnées de flammes ou d’auras lumineuses, rappellent davantage une publicité pour parfum que des expériences mystiques. Le casting est international, avec une palette d’accents qui rend la cohérence linguistique difficile à suivre. Ce choix peut être vu comme une volonté de diversité ou comme une absence de direction claire.
L’anglais prédomine, mais les chants en hébreu non traduits donnent une impression étrange : un entre-deux qui empêche l’immersion complète. Ce qui manque cruellement à House of David, c’est la chair autour des figures bibliques. David est présenté comme un jeune homme doux, humble, musicien. Mais où est la fougue ? Où sont les dilemmes intérieurs, les doutes, la rage contenue d’un futur roi en devenir ? Tout est lisse, presque aseptisé. Face à lui, le roi Saul aurait pu être un personnage fascinant, en proie à la jalousie, à la paranoïa, à la solitude du pouvoir. Mais là encore, l’angle choisi est trop prévisible.
Ses hallucinations deviennent vite répétitives, là où un traitement plus psychologique ou symbolique aurait permis de mieux cerner sa chute. Quant à la relation entre David et Mychal, la fille de Saul, elle se construit sans véritable alchimie. Elle semble davantage répondre à un besoin scénaristique – "il faut bien un amour" – qu’à une réelle dynamique émotionnelle. House of David tente de marcher sur une ligne fine : respecter la tradition tout en modernisant l’approche. Ce type d’exercice n’est jamais simple, surtout quand il s’agit de textes aussi sacrés que ceux de la Bible.
Le risque de tomber dans la caricature est grand. Le piège ici, c’est plutôt l’inverse : tout est trop sage. La série évite soigneusement les prises de risque. Le regard sur Dieu, par exemple, est celui des personnages, sans recul ni mise en perspective. Pas de questionnement, pas d’ambiguïté morale. Chacun agit selon une volonté divine supposée, et cela suffit. Mais dans une fiction, même spirituelle, cette absence de conflit intérieur rend les personnages lointains. Certains moments auraient pu offrir cette profondeur, comme le lien entre David et son père, Jesse. L’autorité patriarcale, la place du fils cadet, le rejet initial... tout cela est là, mais survolé.
Il en va de même pour la fraternité, la loyauté, le destin. Des thèmes puissants, pourtant traités ici comme des évidences, sans réelle exploration. Le principal reproche que suscite cette première saison, c’est son manque d’âme. Le respect du texte sacré semble avoir bridé la créativité. Là où une série comme Shōgun a su réinventer un monde historique avec ses codes, ses coutumes, ses contradictions, House of David se contente de survoler une culture ancienne sans l’incarner. Ce que le spectateur attend, ce n’est pas une leçon de catéchisme, mais un récit qui touche, qui résonne, qui donne envie de comprendre ces figures autrement. Ici, tout est trop codé, trop figé.
Même les enjeux politiques – pourtant cruciaux à cette époque – sont à peine esquissés. Le royaume d’Israël est un décor, pas un personnage. Il serait injuste de dire que House of David est une série ratée. Il y a des idées, des efforts visibles de mise en scène, une volonté de proposer autre chose que les formats habituels. Mais l’ensemble manque de souffle. Les dialogues sont souvent pompeux, les situations attendues, les émotions en demi-teinte. Le choix de raconter l’année précédant le duel avec Goliath aurait pu permettre une véritable plongée dans la construction d’un héros.
Comprendre comment un jeune berger devient roi, comment il affronte l’adversité, comment il gagne la confiance du peuple. Mais cette progression est trop rapide, trop convenue. Il aurait fallu creuser les failles, les contradictions, les doutes. Donner de la voix à ceux qu’on n’entend jamais : les frères de David, les soldats anonymes, les femmes de la cour. Créer une tension entre le mythe et l’homme. Faire sentir ce que cela signifie, vraiment, d’être "choisi" par Dieu. La série laisse entendre qu’elle ne s’arrête pas là. Si une suite est prévue, elle devra aller plus loin. Oser l’ambiguïté, explorer la complexité du pouvoir, sortir de la simple opposition entre bien et mal.
David est un personnage aux multiples facettes, dont la légende dépasse le cadre religieux. Il incarne le leadership, la chute, la rédemption, la poésie et la guerre. Encore faut-il le montrer. Adapter un récit biblique à l’écran est une entreprise risquée. Il faut jongler entre fidélité au texte, exigence artistique, attentes spirituelles et narration moderne. House of David tente cet équilibre, sans vraiment le trouver. Le résultat est une série propre, bien produite, mais sans l’étincelle nécessaire pour marquer durablement. Ce n’est pas un désastre. Ce n’est pas non plus une révélation. C’est un projet qui, malgré ses intentions, reste à la surface d’un récit millénaire. Il reste à espérer que les prochaines saisons – si elles voient le jour – trouveront un ton plus juste, plus incarné, plus audacieux.
Note : 5.5/10. En bref, adapter un récit biblique à l’écran est une entreprise risquée. Il faut jongler entre fidélité au texte, exigence artistique, attentes spirituelles et narration moderne. House of David tente cet équilibre, sans vraiment le trouver.
Disponible sur Amazon Prime Video
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