20 Octobre 2025
Delivery Run // De Joey Palmroos. Avec Alexander Arnold, Jussi Lampi et Liam James Collins.
Dans Delivery Run, Joey Palmroos propose un thriller où la route devient un piège, et la vie d’un livreur de nourriture se transforme en cauchemar glacé. Le film raconte une seule journée dans la vie de Lee, un trentenaire coincé dans une petite ville enneigée du Minnesota, dont l’existence est déjà assez chaotique sans qu’on y ajoute un camion-benne homicidaire sur les routes. Lee (Alexander Arnold) n’a pas beaucoup de chance. Il rêve de monter un food truck, mais les dettes s’accumulent et la pression d’un usurier local, Rebecca (Nadine Higgin), ne laisse aucun répit.
Un livreur de plats cuisinés se retrouve pris dans une chasse mortelle dans la nature glacée du Minnesota, poursuivi par un conducteur de chasse-neige dément pour des raisons inconnues, confronté à des situations mettant sa vie en danger et forcé de déjouer seul son poursuivant implacable.
Chaque livraison devient un compromis entre survivre et garder ses principes, entre remplir son frigo et protéger son petit poisson rouge, unique compagnon de sa solitude. Le film pose immédiatement un constat : la vie moderne, même pour un simple livreur, peut devenir une course de survie. Le film repose sur un affrontement simple mais efficace : un homme contre une machine, et, par extension, contre l’homme derrière elle. Mr Plow (Jussi Lampi) n’est pas qu’un conducteur dangereux : il devient le symbole d’une menace constante et impersonnelle, une force implacable qui rôde dans la neige. Son véhicule, énorme et massif, semble parfois animé d’une vie propre, presque surnaturelle.
Les scènes où la lame du chasse-neige gratte le bitume sont impressionnantes visuellement, mais leur répétition finit par émousser la tension. Palmroos transforme un concept minimaliste en une course-poursuite où la mécanique elle-même devient antagoniste. L’idée rappelle Duel de Spielberg, mais l’exécution peine à atteindre la même tension. Ici, la neige et le froid suffisent à créer un environnement hostile, mais les obstacles et les confrontations entre Lee et le camion sont parfois prévisibles, comme si le film s’embourbait dans ses propres idées. Le décor enneigé du Minnesota — tourné en réalité en Laponie — est un personnage à part entière.
Les routes désertes, les lacs gelés, la nuit interminable renforcent l’impression de danger permanent. Chaque station-service devient un piège potentiel, chaque virage un test de survie. Palmroos utilise les conditions climatiques pour intensifier la peur et l’isolement, et dans ces moments-là, le film fonctionne. La caméra se fait nerveuse, proche des mains crispées de Lee sur le volant, et le son des pneus sur la glace devient presque insupportable. Malheureusement, le scénario peine à transformer cette tension en intrigue solide. Les courses-poursuites sont souvent des variations sur le même motif, et le danger, pourtant réel, manque parfois de variation.
Le conducteur du chasse-neige reste un antagoniste générique, sans histoire ni motivations claires, ce qui réduit l’impact dramatique de ses apparitions. Alexander Arnold incarne un personnage à la fois reconnaissable et frustrant. Lee n’est pas un héros : il n’a pas de super-pouvoirs, pas de stratégie exceptionnelle, juste une persévérance bornée. Sa vie est un enchaînement de mauvais choix et de dettes imprévues. Le film fait un portrait assez fidèle de la précarité et du stress liés au travail dans l’économie des petits boulots. Chaque livraison est un défi, chaque détour un calcul de survie. Cette dimension réaliste donne au film un ancrage émotionnel inattendu.
Lee n’est pas seulement poursuivi par un camion : il fuit ses responsabilités, ses erreurs et sa propre impulsivité. Les moments où il s’arrête pour réfléchir, regarder son poisson rouge ou évaluer la route devant lui, sont les plus intéressants, car ils révèlent un personnage conscient de ses limites mais incapable de changer radicalement. Delivery Run n’essaie pas de se prendre trop au sérieux, mais le mélange entre comédie noire et suspense ne fonctionne pas toujours. Les gags, souvent basés sur l’absurdité des situations ou des dialogues maladroits, tombent parfois à plat, notamment face à la bande-son omniprésente qui insiste sur les effets humoristiques.
Pourtant, ce décalage contribue aussi à la personnalité du film : il reste léger malgré les poursuites glaciales et les menaces constantes. L’un des points les plus réussis est la métaphore implicite du camion comme machine implacable. Le chasse neige n’est pas seulement une arme : il représente le stress du quotidien, la pression économique et l’impossibilité de fuir ses problèmes. Lee court littéralement pour survivre, mais symboliquement, il court après une stabilité qu’il ne peut jamais atteindre. Le scénario souffre de quelques problèmes récurrents. La première partie est trop longue à installer les enjeux : dettes, petits boulots, paris, et menace du chasse neige.
Quand la course-poursuite démarre enfin, elle perd parfois de sa force à cause de répétitions et de moments qui n’apportent rien de nouveau au personnage ou à l’histoire. Les scènes finales, pourtant censées offrir une résolution, se concluent un peu trop rapidement et laissent le spectateur sur sa faim. La figure du tueur reste mystérieuse mais un peu vide : son anonymat le rend effrayant, mais empêche aussi toute complexité dramatique. Sans motivations claires ni développement, ses apparitions deviennent mécaniques, un peu comme son camion. On pourrait presque dire que la véritable adversité dans Delivery Run, c’est la route elle-même. Malgré ses faiblesses, le film fonctionne sur le plan atmosphérique. Les routes gelées, le moteur qui rugit, le vent qui hurle : tout est tangible.
Le danger ne réside pas seulement dans l’homme ou le véhicule, mais dans les conditions mêmes de la vie quotidienne de Lee. Chaque arrêt, chaque choix, chaque imprudence se paye cher. La peur n’est pas spectaculaire, mais crédible. Le film met aussi en lumière une réalité contemporaine : la précarité des travailleurs indépendants, le poids des dettes, et la pression de la survie économique. Lee n’a pas besoin de super-vilain pour sentir la menace. Le chasse neige amplifie simplement un stress déjà présent dans sa vie. Delivery Run n’est pas un film parfait, mais il propose un mélange curieux de survival-thriller et de critique sociale. Il capte l’angoisse de la précarité moderne tout en offrant un spectacle sur les routes glacées du Minnesota.
Alexander Arnold porte le film avec un jeu crédible et humain, rendant Lee à la fois agaçant et attachant. Le film souffre de quelques longueurs et d’un antagoniste un peu vide, mais sa capacité à rendre tangible la peur, l’urgence et la fatigue est notable. Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais c’est un thriller efficace qui trouve sa force dans la simplicité de son concept : survivre à la nuit, à la neige, et à soi-même. Pour ceux qui cherchent un film de genre direct, froid et humain, Delivery Run vaut le détour. Il n’invente rien, il ne réinvente pas le thriller, mais il montre qu’un simple livreur, un camion et un hiver rigoureux peuvent suffire à créer du suspense. Et dans un monde où les petites dettes et les routes glacées sont une réalité, cette histoire glaciale trouve son écho.
Note : 5.5/10. En bref, pour ceux qui cherchent un film de genre direct, froid et humain, Delivery Run vaut le détour. Il n’invente rien, il ne réinvente pas le thriller, mais il montre qu’un simple livreur, un camion et un hiver rigoureux peuvent suffire à créer du suspense.
Prochainement en France en SVOD
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