Critique Ciné : Good Boy (2025)

Critique Ciné : Good Boy (2025)

Good Boy // De Ben Leonberg. Avec Shane Jensen, Arielle Friedman et Larry Fessenden.

 

Il arrive parfois qu’un film d’horreur sorte du lot non pas par son scénario ou ses effets visuels, mais par une idée de mise en scène simple et audacieuse. Good Boy, premier long-métrage de Ben Leonberg, en fait partie. Ce petit film venu des États-Unis, tourné avec des moyens modestes mais une vraie personnalité, propose une expérience peu commune : raconter une histoire de maison hantée entièrement vue à hauteur de chien. Pas un simple gadget, mais une vraie ligne directrice qui redéfinit la manière de ressentir la peur. Le film suit Todd (interprété par Shane Jensen), un jeune homme qui hérite de la maison isolée de son grand-père décédé, située en pleine forêt du New Jersey. 

 

Un chien loyal comprend que des entités obscures menacent son compagnon humain, le courageux animal doit se battre pour protéger celui qu'il aime le plus.

 

Il s’y installe avec son fidèle compagnon Indy, un Retriever de la Nouvelle-Écosse. Très vite, des phénomènes étranges commencent à se manifester : des ombres, des bruits, des silhouettes qui traversent les couloirs. Todd semble ne rien voir, mais Indy, lui, perçoit tout. Et comme le spectateur partage son regard, c’est à travers lui que le malaise s’installe. Cette idée de filmer le monde depuis le niveau du sol, de ne presque jamais montrer les visages humains, crée une distance déroutante. Les humains deviennent des présences anonymes, presque accessoires, tandis que chaque geste du chien devient une émotion. 

 

Ben Leonberg réussit à inverser la hiérarchie habituelle du genre : ici, ce n’est plus l’homme qui affronte l’invisible, c’est l’animal qui observe ce que l’humain refuse de voir. Leonberg joue avec l’espace comme un metteur en scène de théâtre miniature. La caméra se faufile derrière les meubles, glisse entre les portes entrouvertes, suit le museau d’Indy lorsqu’il explore une pièce plongée dans la pénombre. Le film est souvent silencieux, laissant la respiration du chien, le craquement du plancher ou le vent dans les arbres faire office de bande sonore. Cette économie de moyens donne au film une tension particulière, plus psychologique que spectaculaire. La photographie, volontairement terne et légèrement granuleuse, accentue la sensation d’humidité et d’enfermement. 

 

Chaque plan paraît trembler, comme si la maison respirait lentement. La peur ne vient pas d’un jumpscare ou d’une apparition brutale, mais d’une impression de présence constante. Le spectateur finit par guetter, lui aussi, le moindre bruit ou mouvement. Il est difficile de parler de Good Boy sans évoquer Indy, le chien du réalisateur. Rarement un animal aura porté autant de charge émotionnelle dans un film d’horreur. Leonberg a travaillé avec lui pendant plusieurs années, cherchant à capturer des réactions naturelles plutôt que des tours dressés. Le résultat est bluffant. Indy exprime la curiosité, la peur, la tendresse et la confusion sans que le film ne tombe dans l’anthropomorphisme.

 

Sa présence donne à Good Boy une authenticité inattendue. Là où tant de films de genre s’appuient sur des effets numériques pour provoquer la peur, celui-ci la tire du réel : un animal qui comprend qu’un danger rôde, mais qui ne peut ni le nommer ni l’expliquer. C’est cette impuissance qui crée la tension. On ressent chaque hésitation d’Indy comme un avertissement, chaque aboiement comme une tentative de sauver son maître. Good Boy ne cherche pas à rivaliser avec les grands films d’épouvante récents. Il n’y a pas ici de démon à visage humain ni de possession spectaculaire. L’horreur est plus diffuse, presque métaphorique. Elle renvoie à la solitude, au deuil et à la fidélité inébranlable entre un homme et son chien. 

 

En filigrane, le film parle de la peur de perdre ce lien, de l’impossibilité de protéger ceux qu’on aime quand on ne partage pas le même langage. Certains spectateurs pourraient reprocher à Good Boy son rythme lent et son intrigue minimaliste. Le scénario ne développe pas vraiment les origines du mal ni les raisons des apparitions. Ce flou volontaire crée une atmosphère étrange mais laisse parfois un goût d’inachevé. Le film ressemble davantage à une expérience sensorielle qu’à une narration classique. Si la mise en scène est cohérente et inventive, elle finit par se heurter à ses propres contraintes. En choisissant de tout montrer depuis le point de vue du chien, Leonberg s’interdit une grande variété de plans et de dynamiques. 

 

Le spectateur se retrouve enfermé dans cette perspective, ce qui peut créer une certaine monotonie. De plus, les scènes censées provoquer la terreur sont parfois prévisibles. Le film préfère suggérer plutôt que montrer, mais cette retenue fonctionne moins bien dans la deuxième moitié, où la tension s’étiole. Malgré cela, il faut saluer le courage du réalisateur. Pour un premier film, Good Boy témoigne d’une vraie vision de cinéma. Leonberg prouve qu’un simple changement de regard peut suffire à renouveler un genre épuisé. Même si tout n’est pas abouti, la sincérité du projet et l’émotion qu’il dégage compensent largement ses faiblesses.

 

Au-delà de son aspect horrifique, Good Boy est avant tout une histoire d’attachement. Les scènes entre Todd et Indy sont les plus touchantes du film. Dans ces moments calmes, souvent banals — un repas, une balade, une sieste sur le canapé —, se cache le véritable cœur du récit : la fidélité silencieuse d’un chien envers son maître. La dernière séquence, sans rien révéler, résume à elle seule le propos du film : la loyauté peut être plus forte que la peur. Cette conclusion, simple mais émouvante, donne au film une dimension universelle. Peu importe que l’on soit amateur de cinéma de genre ou simple amoureux des animaux, Good Boy touche quelque chose d’essentiel.

 

Avec Good Boy, Ben Leonberg signe un premier long-métrage imparfait mais sincère, à mi-chemin entre le film d’horreur et la fable intime. Son concept original — une maison hantée vue à travers les yeux d’un chien — aurait pu tourner au gimmick, mais il en tire une véritable matière émotionnelle. Indy, bouleversant de naturel, porte le film sur ses pattes et lui donne une âme. Malgré ses longueurs et son intrigue parfois trop mince, Good Boy réussit à proposer une expérience différente, entre angoisse et tendresse. Ce n’est pas un film qui fait hurler de peur, mais un film qui remue doucement. Et dans le paysage souvent bruyant du cinéma d’horreur, c’est déjà une belle réussite.

 

Note : 7/10. En bref, Good Boy est un film d’horreur original et émouvant qui, malgré un scénario mince, parvient à toucher grâce à son idée audacieuse — raconter une maison hantée à travers le regard loyal et inquiet d’un chien.

Sorti le 10 octobre 2025 au cinéma

Sorti le 31 octobre 2025 directement sur Shadowz

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