Critique Ciné : Griffin in Summer (2025)

Critique Ciné : Griffin in Summer (2025)

Griffin in Summer // De Nicholas Colia. Avec Everett Blunck, Melanie Lynskey et Owen Teague.

 

Il y a des films d’adolescence qui cherchent à capter le frisson de la découverte, la maladresse des premiers émois, ou la peur de grandir. Griffin in Summer, premier long métrage de Nicholas Colia, préfère scruter le moment précis où la passion devient obsession. Dans cette chronique douce-amère, un jeune garçon s’accroche à son art comme à une bouée, quitte à s’y brûler les ailes. Un petit film indépendant américain à la fois drôle, touchant et sincère, qui se glisse sans forcer parmi les belles surprises du cinéma indépendant américain cette année. Griffin (incarné avec une intensité rare par Everett Blunck, révélation du film) a quatorze ans et un rêve : devenir un grand dramaturge. 

 

Griffin Nafly, quatorze ans, se rêve dramaturge. Bientôt, il fait la rencontre Brad, un homme à tout faire de vingt-cinq ans, sa vie (et sa pièce) ne seront plus jamais les mêmes.

 

Lors du spectacle de fin d’année de son collège, il présente un extrait de sa dernière pièce, Regrets of Autumn, inspirée de Qui a peur de Virginia Woolf ? et American Beauty. Une ambition un peu folle pour un ado, mais Colia ne se moque jamais de son personnage. Au contraire, il filme ce mélange de naïveté et de lucidité avec une vraie tendresse. Quand l’été commence, Griffin transforme le sous-sol familial en théâtre de fortune pour répéter sa pièce avec ses amis. À la mise en scène, Kara (interprétée par Abby Ryder Forston, déjà vue dans Are You There God? It’s Me, Margaret), tente de canaliser son perfectionnisme. Mais la réalité des vacances – les distractions, la chaleur, la paresse – s’invite vite dans le projet. 

 

Griffin, lui, veut que tout soit parfait. Son monde, jusque-là bien ordonné, commence à se fissurer. Le déséquilibre vient aussi de la maison. Sa mère, jouée par Melanie Lynskey, embauche un jeune bricoleur, Brad (Owen Teague), pour quelques travaux. Ce dernier, artiste new-yorkais dans une autre vie, devient pour Griffin une figure de fascination. Entre admiration, jalousie et attirance confuse, le garçon se perd dans des émotions qu’il ne sait pas encore nommer. Brad, sans le vouloir, réveille en lui des désirs et des frustrations enfouis. Cette relation, à la fois tendre et déséquilibrée, donne au film sa tonalité la plus juste. Colia ne cherche pas le scandale ni la provocation. 

 

Il filme simplement la naissance d’une conscience, celle d’un adolescent qui découvre que la vie dépasse le cadre de ses répétitions et de ses monologues. Le scénario joue avec les reflets : le couple que Griffin met en scène dans sa pièce ressemble étrangement à celui de ses parents, et la fiction finit par se mêler à la réalité. Pour un premier long métrage, Nicholas Colia fait preuve d’une belle assurance. Il avait déjà exploré ce personnage dans son court Alex and the Handyman, mais ici, il élargit son univers sans le trahir. La mise en scène, discrète mais précise, laisse la place aux acteurs et aux silences. 

 

L’image, baignée d’une lumière d’été légèrement dorée, traduit bien l’ambiance d’un âge où tout semble possible – avant que le monde adulte ne referme ses portes. Le film repose en grande partie sur Everett Blunck, dont la présence naturelle impressionne. Il ne joue pas l’adolescence, il la vit. Sa manière de passer de la colère à la gêne, du sarcasme à la tendresse, rend Griffin terriblement humain. Son duo avec Owen Teague fonctionne à merveille : entre eux, le malaise côtoie l’humour, l’admiration se change parfois en blessure. Face à eux, Melanie Lynskey, fidèle à elle-même, incarne une mère fatiguée, à la fois aimante et dépassée.

 

Sous ses airs de petit film d’été, Griffin in Summer parle de choses profondes : l’éveil du désir, le besoin de reconnaissance, la solitude créative. Colia n’idéalise pas l’adolescence. Il montre aussi ses travers : l’égoïsme, l’impatience, les maladresses qu’on ne mesure qu’après coup. Le film n’est pas une comédie au sens strict, même s’il trouve souvent la justesse dans le décalage et les situations absurdes. Certains dialogues sont drôles, d’autres touchent droit au cœur. Tout semble vécu, sincère, un peu bancal – comme la vie. L’écriture reste parfois un peu démonstrative. Certaines scènes veulent trop souligner la métaphore entre l’art et la réalité, ou insister sur la filiation émotionnelle entre les générations. Mais l’ensemble garde une vraie fraîcheur. 

 

Griffin in Summer n’essaie pas de séduire à tout prix, et c’est ce qui le rend attachant. Le film assume sa modestie et avance sur la corde raide entre nostalgie et lucidité. Derrière la chronique adolescente, Colia interroge aussi le rapport à la création. Griffin veut faire du théâtre pour se faire aimer, pour donner du sens à ce qu’il ressent. Mais il découvre que l’art peut isoler autant qu’il rassemble. Ses amis le trouvent trop exigeant, sa mère ne comprend pas vraiment son obsession, et Brad, qu’il idéalise, lui renvoie l’image d’un artiste perdu. Cette mise en abyme du geste créatif, au cœur du film, résonne avec justesse. Créer, c’est accepter de se confronter à l’incompréhension.

 

Le réalisateur filme cette tension sans jugement. L’humour et la tendresse servent de filtres, sans effacer la mélancolie. Certains moments paraissent anodins — un repas, une répétition, un regard échangé — mais ils finissent par composer le portrait d’un garçon qui apprend à accepter ses contradictions. Le cinéma de Colia se construit dans ces détails, dans ces petits gestes qui disent plus qu’un grand discours. Griffin in Summer s’inscrit dans la lignée des films indépendants américains qui privilégient la sincérité à la démonstration. C’est un récit de formation pudique, porté par des acteurs investis et une mise en scène attentive. Nicholas Colia signe un premier film prometteur, qui capte la vulnérabilité de l’adolescence sans la réduire à un cliché.

 

Malgré quelques longueurs et une mise en scène parfois trop sage, le film garde une vraie cohérence émotionnelle. Il laisse une trace, comme un souvenir d’été qu’on n’arrive pas à oublier, avec ses maladresses, ses espoirs et ses regrets.

 

Note : 7/10. En bref, Griffin in Summer est un coming-of-age sensible et plein de charme, qui aborde l’adolescence à travers le prisme de la création artistique. Derrière sa légèreté apparente, il cache une vraie réflexion sur la passion, le regard des autres et la difficulté de trouver sa place. Un film sincère, qui confirme la naissance d’un nouveau talent à suivre : Nicholas Colia.

Prochainement en France en SVOD

 

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