20 Octobre 2025
KPop Demon Hunters // De Chris Appelhans, Maggie Kang. Avec Arden Cho, May Hong et Ji-young Yoo.
À force de vouloir tout combiner — la K-pop, les démons, l’amitié féminine et la morale sur l’acceptation de soi — KPop Demon Hunters aurait pu exploser en plein vol. Et pourtant, contre toute attente, le film de Maggie Kang et Chris Appelhans tient debout, vacille un peu parfois, mais garde son charme. Ce n’est pas un chef-d’œuvre de narration, loin de là, mais un vrai bonbon visuel qui assume pleinement son délire. Le pitch a de quoi faire sourire : dans une ville coréenne obsédée par la pop, un girls band nommé Huntrix mène une double vie. Le jour, ce sont des idoles adulées par des fans hystériques ; la nuit, elles chassent des démons nés des émotions humaines.
Les membres d'un groupe de K-Pop célèbre doivent concilier leur vie sous les feux de la rampe et leur identité secrète de chasseuses de démons, le tout baignant dans un décor coloré de mode, de cuisine, de style et du mouvement musical le plus populaire de la génération actuelle.
C’est un peu Sailor Moon version BTS, avec des chorégraphies enflammées et des combats rythmés comme un clip. L’idée paraît absurde au départ, mais le film ne cherche jamais à la justifier. Il l’embrasse à fond, sans se prendre trop au sérieux, et c’est ce qui le rend attachant. Il y a quelque chose de rafraîchissant à voir un film d’animation qui assume d’être à la fois une lettre d’amour à la culture pop et une satire douce de l’industrie musicale coréenne. La première chose qui saute aux yeux, c’est l’animation. Fluide, colorée, vibrante, elle mélange des textures presque “stop motion” avec un style hyper moderne. Chaque plan déborde d’énergie.
Les combats sont chorégraphiés comme des clips, les transitions visuelles rappellent parfois le style nerveux de Spider-Verse, et les scènes musicales ont ce petit truc hypnotique qui colle à la rétine. La bande-son, forcément, joue un rôle central. Les morceaux sont efficaces, entraînants, parfois un peu trop présents en début de film, mais globalement bien intégrés à l’action. Certains titres méritent clairement une place dans les playlists des fans de K-pop. Même pour un spectateur peu familier du genre, difficile de ne pas se laisser emporter. Seul bémol : un mixage un peu bancal par moments — dialogues trop doux, chansons trop fortes — qui casse un peu le rythme. Mais rien de rédhibitoire.
Ce qui distingue KPop Demon Hunters d’un simple divertissement musical, c’est sa galerie de personnages féminins. Rumi, Mira et Zoey ne sont pas des caricatures de pop stars. Ce sont des jeunes femmes avec des failles, des doutes, des blessures. Le film n’en fait pas des modèles de perfection, mais des figures humaines. Et ça, c’est rare. Rumi, notamment, porte une bonne partie de l’émotion du film. Sa dualité — entre la star qui brille et la fille qui cache son héritage démoniaque — offre quelques moments touchants. Le film utilise cette métaphore pour parler d’identité, de vulnérabilité et d’acceptation de soi. L’idée n’est pas révolutionnaire, mais elle est sincère.
Quand Rumi affronte sa mère démoniaque, le propos prend une dimension plus intime : comment apprendre à s’aimer dans un monde qui exige la perfection ? Derrière les néons, KPop Demon Hunters parle aussi de la pression de la performance, de l’image qu’on impose, et de la peur d’être rejeté pour ce qu’on est vraiment. Malgré toute sa bonne volonté, le film reste frustrant sur le plan narratif. Il manque clairement de souffle dans son écriture. Certaines intrigues sont à peine esquissées — les origines des Huntrix, le passé des héroïnes, ou même la nature des démons. On devine des pistes passionnantes, mais elles restent en suspens, comme si le film gardait tout ça pour une éventuelle série dérivée.
Le rythme s’essouffle par endroits. La première partie, très musicale, traîne un peu en longueur, tandis que la fin, expédiée, enchaîne les rebondissements sans respiration. La relation entre Rumi et Jinu, censée apporter une touche romantique, tombe à plat. Trop rapide, trop artificielle, elle aurait mérité plus de construction ou… pas du tout. C’est dommage, car derrière ce scénario simpliste se cache un vrai potentiel émotionnel. Si KPop Demon Hunters avait pris plus de temps pour développer ses personnages et ses enjeux, il aurait pu marquer les esprits autrement que par son esthétique pop.
Le film a au moins le mérite de jeter un regard amusé sur l’industrie qu’il célèbre. Entre deux combats, il glisse des piques bien senties sur la surmédiatisation, les fans dévoués jusqu’à l’absurde, et la pression constante de rester “parfait”. Certaines scènes, comme celle où Rumi s’interroge sur sa vie d’idole épuisée, rappellent que KPop Demon Hunters ne se contente pas de briller. Il interroge — à sa manière — ce système qui épuise ses stars tout en les glorifiant. Le message est clair : même les héroïnes ont besoin de respirer. Dommage que le film se contredise un peu sur la fin, quand Rumi décide de retourner travailler au lieu de se reposer, comme si le show devait continuer quoi qu’il arrive.
KPop Demon Hunters ne révolutionnera pas l’animation ni le cinéma musical, mais il réussit ce qu’il entreprend : offrir un spectacle rythmé, drôle et sincère. Les enfants s’amuseront devant les démons colorés, les ados vibreront pour les chansons, et les adultes trouveront peut-être un petit miroir des contradictions de la culture pop moderne. C’est un film qui vise juste, sans trop viser haut. Et parfois, c’est suffisant. Malgré ses maladresses — une histoire trop courte, des personnages secondaires sous-exploités, une fin précipitée —, il y a dans ce film une vraie générosité. On sent qu’il a été fait avec le cœur, pas juste pour vendre des figurines.
KPop Demon Hunters est une expérience joyeusement chaotique : imparfaite, bruyante, mais pleine d’énergie et d’humanité. C’est un film qui parle aux fans sans exclure les autres, et qui parvient à faire sourire même quand il frôle la saturation. Entre deux riffs de guitare et trois démons à la mode, il rappelle une chose essentielle : il n’y a pas de honte à être vulnérable, à rater parfois, ou à avoir peur. Même les stars ont leurs failles — et c’est ce qui les rend humaines.
Note : 6.5/10. En bref, KPop Demon Hunters est un film d’animation aussi coloré qu’inégal, mêlant K-pop et chasse aux démons dans un cocktail fun mais parfois confus, sauvé par son énergie visuelle et son message sincère sur l’acceptation de soi.
Sorti le 20 juin 2025 directement sur Netflix
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