29 Octobre 2025
L’Homme qui rétrécit // De Jan Kounen. Avec Jean Dujardin, Marie-Josée Croze et Daphné Richard.
Presque soixante-dix ans après le classique de Jack Arnold, L’Homme qui rétrécit revient sur grand écran sous la direction de Jan Kounen. Jean Dujardin y incarne un homme qui, victime d’un phénomène inexpliqué, se voit littéralement rapetisser jour après jour. Sur le papier, l’idée avait de quoi séduire : revisiter un mythe de la science-fiction pour interroger les angoisses modernes, la solitude et la place de l’individu face à un monde qui le dépasse. Mais à l’écran, cette nouvelle version ressemble moins à une odyssée existentielle qu’à une longue séance de diaporama sur fond de piano mélancolique.
L’homme qui rétrécit, nouvelle adaptation du roman culte de Richard Matheson, nous entraine dans le sillage de Paul, un homme ordinaire, qui partage sa vie entre son entreprise de construction navale, sa femme Elise, et leur fille Mia. Lors d’une sortie en mer, Paul se retrouve confronté à un étrange phénomène météorologique inexpliqué. Dès lors, Paul rétrécit inexorablement, sans que la science ne puisse lui expliquer pourquoi ni lui être d’aucun secours. Quand, par accident, il se retrouve prisonnier dans sa propre cave, et alors qu’il ne mesure plus que quelques centimètres, il va devoir se battre pour survivre dans cet environnement banal devenu périlleux. Lors de cette expérience, Paul va se retrouver confronté à lui-même, à son humanité, et tentera de répondre aux grandes interrogations de l’existence. L’homme qui rétrécit est tout à la fois un récit initiatique et un grand film d’aventure.
Impossible de nier l’engagement de Jean Dujardin. Le comédien s’investit totalement, parfois jusqu’à l’épuisement, dans un rôle qui le pousse à ses limites physiques. Seul à l’écran pendant la majorité du film, il doit porter sur ses épaules un récit qui s’amenuise à mesure que son personnage diminue. Sa prestation, d’une sincérité indéniable, donne un peu de chair à un scénario souvent sans souffle. Il grimpe, chute, rampe, affronte un chat devenu prédateur géant, et finit par mener un combat dantesque contre une araignée dans la cave familiale. Mais une fois passée la performance, le film peine à exister au-delà du dispositif technique.
Kounen livre une démonstration visuelle léchée : effets spéciaux crédibles, décors détaillés, travail du son parfois immersif. Oui, c’est bien réalisé, oui, c’est propre — trop propre, même. Tout semble calibré pour impressionner sans jamais émouvoir. L’effort technique prend le dessus sur le récit, et la prouesse visuelle finit par tourner à vide. Dans cette adaptation, Jean Dujardin incarne Paul, un architecte parfait : mari aimant, père attentionné, professionnel accompli. Jusqu’au jour où, après un étrange phénomène météorologique, il commence à rétrécir. L’idée de départ, métaphorique et tragique, promettait une plongée dans l’intime, une réflexion sur la perte de contrôle et la fragilité humaine.
Mais très vite, le film s’enferme dans sa propre métaphore. Paul rapetisse, s’isole, se bat contre les éléments, et c’est à peu près tout. Aucun enjeu émotionnel ne prend vraiment. Sa disparition progressive n’est ni expliquée, ni transcendée. Sa femme et sa fille, présentées au début comme un foyer aimant, disparaissent presque aussitôt du récit — au point de se demander si elles se rendent seulement compte qu’il est toujours là, quelque part dans la cave. Le film, censé interroger la place de l’homme dans un monde trop grand pour lui, finit surtout par réduire son héros à un concept.
Et le spectateur, lui, reste coincé entre deux postures : contempler les effets spéciaux ou chercher désespérément à s’attacher à un personnage qu’on regarde s’effacer sans raison. Jan Kounen, connu pour ses expérimentations visuelles (Dobermann, Blueberry, 99 Francs), choisit ici la retenue et la symbolique. Caméra à hauteur variable, jeu d’échelles, plans larges qui écrasent le protagoniste sous l’immensité du décor : tout est pensé pour signifier la petitesse de l’homme face à l’univers. Sauf que cette esthétique de la démesure finit par tourner en rond. Chaque scène semble vouloir illustrer une idée plus qu’elle ne raconte une histoire. Le film ne vit pas, il démontre.
Ajoutez à cela la musique omniprésente d’Alexandre Desplat, qui souligne chaque émotion comme un surligneur en manque de discrétion, et vous obtenez un ensemble étouffant. Le spectateur n’a pas le temps de respirer, pas le droit d’interpréter. La voix off pseudo-philosophique, débitant des banalités existentielles avec un sérieux désarmant, achève de rendre l’expérience pesante. Quand Paul se demande si sa petitesse le rend enfin grand intérieurement, difficile de ne pas lever les yeux au ciel. La majeure partie du film se déroule dans la cave du héros, qui devient à la fois son refuge et sa prison.
Là encore, la métaphore est claire — trop claire. Kounen transforme cet espace en décor aseptisé, presque clinique, où chaque ombre semble calculée. Le problème, c’est que la cave ne raconte rien de plus. Aucun sentiment de saleté, de froid, d’humidité, de danger réel. Tout y paraît factice, comme un studio géant où l’on aurait oublié d’ajouter de la vie. Même l’affrontement avec l’araignée, pourtant censé être le sommet du film, tombe à plat. La scène se veut haletante mais ressemble à une publicité pour les effets spéciaux de 2025 : impeccables mais sans chair. Kounen filme le combat avec une telle obsession du détail qu’il en oublie la peur.
Ce L’Homme qui rétrécit prétend explorer les grandes questions de l’identité et de la vulnérabilité. Dans les faits, il ne fait qu’effleurer ces thèmes. L’introspection promise se transforme en voyage immobile, rythmé par une voix off qui commente platement ce que l’image montre déjà. Les phrases sur “la grandeur du vide” ou “la beauté de la disparition” sonnent creuses, surtout quand le film ne propose aucune émotion tangible pour les accompagner. L’ennui s’installe à mesure que Paul rétrécit. La tension, censée monter avec la perte de repères, s’éteint faute d’enjeu. Que cherche-t-il à sauver ? Sa vie ? Son humanité ? Son ego ? Rien n’est vraiment clair.
Et sans enjeu, pas de drame. Juste une suite de tableaux bien éclairés, sans vie derrière. Il faut le dire : Jean Dujardin sauve ce qu’il peut. Il s’accroche, littéralement et métaphoriquement. Son jeu physique impressionne, ses expressions disent plus que la voix off n’en racontera jamais. Il parvient à faire passer la fatigue, la peur, la solitude. Mais son engagement se heurte à la vacuité du scénario. On sent parfois chez lui la frustration de jouer dans un film qui se regarde penser. Même son énergie finit par se dissoudre dans un océan de symboles creux. Le plus frustrant dans cette version 2025, c’est qu’elle n’apporte rien de nouveau. Le film original de Jack Arnold, en 1957, avait pour lui la naïveté, la fraîcheur, l’inventivité.
Il évoquait déjà la condition humaine avec une sincérité désarmante. Ici, tout est artificiel, fabriqué, surconceptualisé. Jan Kounen semble fasciné par la technique mais oublie le cœur. Le résultat, c’est une série B de luxe, bien emballée, mais sans âme. Un film de science-fiction sans mystère, un drame existentiel sans émotion. Et une étrange sensation d’assister à un spectacle qui se croit profond simplement parce qu’il parle de néant. L’Homme qui rétrécit version 2025 n’est pas une catastrophe, mais un rendez-vous manqué. Techniquement impeccable, visuellement solide, mais dramatiquement vide. Jean Dujardin mérite mieux qu’un film qui confond gravité et lourdeur.
Note : 4.5/10. En bref, Kounen signe ici un objet curieux : un film sur la disparition… qui disparaît lui-même sous le poids de sa prétention. À force de vouloir tout dire sur la petitesse humaine, L’Homme qui rétrécit oublie simplement d’être grand cinéma.
Sorti le 22 octobre 2025 au cinéma
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