13 Octobre 2025
La Disparue de la cabine 10 // De Simon Stone. Avec Keira Knightley, Guy Pearce et David Ajala.
Adapter un best-seller est toujours un exercice risqué. Avec La Disparue de la cabine 10, Simon Stone s’attaque au roman de Ruth Ware, un thriller psychologique à succès qui avait déjà conquis les lecteurs par son mélange de mystère, de paranoïa et d’élégance britannique. Le résultat ? Un film aussi lisse que le pont du yacht sur lequel il se déroule, agréable à regarder mais souvent prisonnier de ses codes de genre. Keira Knightley y incarne Laura Blacklock, une journaliste d’investigation en convalescence après un reportage qui a mal tourné. Traumatisée mais décidée à reprendre pied, elle accepte de couvrir une croisière de luxe organisée par un couple de milliardaires, Richard et Anne Bullmer (Guy Pearce et Lisa Loven Kongsli).
Pendant une croisière de luxe pour un reportage, une journaliste est témoin de la chute d'un passager par-dessus bord tard dans la nuit. Pourtant tous les passagers ont été comptabilisés et il ne manque personne. Malgré le fait de ne pas être crue, elle continue à chercher des réponses, mettant ainsi sa propre vie en danger.
L’événement est censé promouvoir une fondation caritative, mais comme souvent dans les films de ce type, les eaux calmes cachent des remous inquiétants. La première demi-heure installe un cadre séduisant : un yacht luxueux, une lumière froide qui accentue la beauté des paysages norvégiens, et une galerie de personnages fortunés un peu caricaturaux. Laura, encore marquée par ses blessures, tente de faire bonne figure parmi ces gens qu’elle observe avec un mélange de curiosité et de méfiance. Jusqu’à ce qu’un bruit en pleine nuit change tout. Elle croit voir une femme tomber à la mer, juste à côté de sa cabine. Problème : selon l’équipage, personne n’occupe la cabine 10.
À partir de là, La Disparue de la cabine 10 se transforme en huis clos maritime, entre paranoïa et mensonge collectif. Personne ne la croit. Les passagers la trouvent nerveuse, la direction veut éviter le scandale, et Laura doute même de sa propre perception. Simon Stone joue avec cette ambiguïté, mais sans jamais vraiment la pousser au bout. On devine trop tôt qui manipule qui, et certains rebondissements sentent le déjà-vu. Heureusement, Keira Knightley maintient l’équilibre du film. Son jeu, à la fois tendu et fragile, donne un vrai relief à une héroïne qui aurait pu rester un simple cliché de journaliste obstinée. Elle parvient à rendre crédible cette femme perdue entre raison et délire, toujours au bord de la panique mais refusant de céder.
Son regard suffit souvent à maintenir le doute, même quand le scénario ne le fait plus. Face à elle, Guy Pearce incarne un milliardaire aussi charmeur qu’inquiétant. On le sent capable du pire sans qu’il ait besoin d’en faire trop. Quant à Lisa Loven Kongsli, elle donne à son personnage malade une présence presque fantomatique, mais malheureusement sous-exploitée. Le reste du casting, pourtant solide (Hannah Waddingham, David Ajala, Gugu Mbatha-Raw), n’a pas assez de place pour exister. En 92 minutes, difficile de creuser tous ces profils mondains qui auraient pu devenir de vrais suspects. Simon Stone signe un film esthétiquement réussi. La photographie, signée Stéphane Fontaine, sublime la lumière du Nord, entre reflets métalliques et brumes glacées.
Les décors du yacht, tout en chrome et en bois précieux, renforcent cette impression d’univers fermé, à la fois luxueux et oppressant. La caméra glisse dans les couloirs, s’attarde sur les miroirs, multiplie les reflets pour entretenir le flou entre réalité et hallucination. Mais derrière cette élégance formelle, l’ensemble reste trop sage. Le montage, rythmé mais convenu, suit un schéma classique de thriller Netflix : tension, révélation, puis explication finale un peu forcée. Là où un Hitchcock aurait cultivé le doute jusqu’à la dernière image, Stone préfère tout résoudre dans un dernier acte plus musclé que nécessaire. Cette bascule vers l’action fait perdre au film son mystère initial et en dilue l’impact émotionnel.
Le scénario, signé Joe Shrapnel et Anna Waterhouse, tente de mêler plusieurs influences : un peu d’Agatha Christie pour le côté whodunit, une pincée de Flight Plan pour la paranoïa, et une touche de Knives Out pour la satire sociale. Sauf que ces références se neutralisent au lieu de se compléter. Le film évoque les inégalités de classe, la manipulation médiatique, la solitude féminine, mais ne développe aucune de ces pistes en profondeur. Tout est effleuré, jamais vraiment exploré. Il y a bien un discours en filigrane sur la place des femmes, la crédibilité qu’on leur accorde face au doute, mais cette dimension s’efface vite derrière la mécanique du suspense.
C’est dommage, car Keira Knightley aurait pu porter un vrai thriller féministe, tendu et ambigu, à l’image de son personnage. Reste que La Disparue de la cabine 10 se regarde sans déplaisir. Ce n’est pas un grand film, mais un divertissement honnête, calibré pour un soir de pluie ou un dimanche après-midi. Le rythme ne faiblit pas, la tension reste présente, et la photographie mérite à elle seule un visionnage. Les clichés sont nombreux, les dialogues parfois appuyés, mais l’ensemble garde un certain charme grâce à sa sobriété. C’est un thriller à l’anglaise, propre, bien habillé, qui préfère la suggestion à la violence. Le problème, c’est qu’il ne prend jamais de risque. À force de vouloir rester accessible, il finit par manquer de personnalité.
Ni vraiment haletant, ni totalement psychologique, il reste dans une zone intermédiaire où tout est correct mais rien ne marque vraiment. La Disparue de la cabine 10 est un film qui aurait pu être passionnant s’il avait osé plus de folie ou de noirceur. Keira Knightley y livre une performance solide, la mise en scène est soignée, mais le scénario n’a pas la densité nécessaire pour tenir sur la longueur. Cela reste un bon thriller de plateforme, agréable et sans prétention, mais qui disparaît aussi vite qu’il est apparu. Un voyage en mer élégant, mais sans grandes vagues.
Note : 5/10. En bref, un thriller élégant mais un peu trop sage pour vraiment surprendre.
Sorti le 10 octobre 2025 directement sur Netflix
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