21 Octobre 2025
OTHER // De David Moreau. Avec Olga Kurylenko, Jean Schatz et Phillip Schurer.
Il y a des films qui intriguent plus qu’ils ne séduisent. Other, le nouveau long-métrage de Moreau, appartient clairement à cette catégorie. Annoncé comme un thriller horrifique psychologique, il s’impose d’abord comme un huis clos tendu et oppressant, avant de se perdre dans un excès de symboles et de frayeurs forcées. Le résultat est déroutant : parfois fascinant, souvent frustrant, mais toujours captivé par la performance d’Olga Kurylenko, littéralement seule face à ses démons… et face à la caméra. L’histoire démarre simplement. Après le décès de sa mère, Alice revient dans la maison de son enfance, accompagnée de son mari, pour régler les affaires familiales.
Lorsque sa mère meurt brutalement, Alice, qui avait rompu tous les ponts depuis des années, se voit contrainte de rentrer chez elle pour régler les démarches funéraires. Elle renoue, malgré elle, avec une jeunesse traumatique quand elle revient dans cette maison où rien, pas même sa chambre d’adolescente, ne semble avoir changé... si ce n’est cet étrange système de vidéosurveillance très sophistiqué, ou cette ombre qui rôde alentour. Le passé ne s’enfouit pas si facilement, surtout quand il est aussi monstrueux.
Très vite, des complications la retiennent plus longtemps que prévu, et ce qui devait être un court séjour tourne au cauchemar. Des bruits étranges, des visages masqués, une surveillance constante : quelque chose rôde dans la maison. Ou peut-être dans sa tête. Moreau installe lentement cette atmosphère d’enfermement. La caméra ne quitte quasiment jamais les murs de cette demeure, comme si le film voulait piéger le spectateur dans la même angoisse qu’Alice. Le dispositif est simple, mais il fonctionne : le malaise monte, petit à petit, jusqu’à devenir physique. Ce choix du huis clos accentue l’impression d’étouffement, même si la lenteur du début risque d’en décourager plus d’un.
La tension met du temps à s’installer, et il faut accepter de patienter avant que le film ne dévoile sa véritable nature. Difficile d’imaginer Other sans Olga Kurylenko. L’actrice porte littéralement le film sur ses épaules. Presque seule à l’écran, elle navigue entre vulnérabilité et détermination, sans jamais tomber dans le surjeu. Son regard, ses gestes, ses silences racontent beaucoup plus que les rares dialogues du film. Elle parvient à rendre palpable la peur, la fatigue, mais aussi la rage de comprendre ce qui lui échappe. C’est une interprétation physique, tendue, parfois bouleversante dans sa retenue. On sent que Moreau a tout misé sur elle. Et il a eu raison : chaque frisson, chaque hésitation, chaque cri semble vrai.
Le film se nourrit de sa présence autant que de son absence – ces moments où elle disparaît du cadre, laissant place à la maison, vide et terrifiante. C’est dans ces silences que Other trouve sa meilleure matière. D’un point de vue visuel, Other est indéniablement maîtrisé. La photographie est froide, élégante, souvent baignée dans une lumière blafarde qui transforme la maison en véritable organisme vivant. Les effets de mise au point, les jeux d’ombres et les reflets dans les miroirs participent à ce sentiment d’instabilité permanente. Il y a quelque chose d’étrangement beau dans cette horreur feutrée. Mais si la forme séduit, le fond, lui, reste confus. Le choix de masquer les visages de certains personnages secondaires, par exemple, intrigue au début… puis finit par agacer.
L’idée semble symbolique, peut-être liée à la mémoire ou à la perte d’identité, mais le film n’en tire jamais rien de concret. Résultat : au lieu d’ajouter du mystère, cette mise en scène détachée crée parfois une distance qui empêche toute véritable immersion émotionnelle. Other repose moins sur l’action que sur l’atmosphère. La tension est sonore, visuelle, presque sensorielle. Le sound design joue un rôle essentiel : chaque craquement, chaque souffle dans le noir fait sursauter. Les amateurs de frissons seront servis : Moreau n’hésite pas à multiplier les jumpscares, parfois jusqu’à l’excès. Une porte qui claque, une lumière qui s’allume, une clé dans une serrure…
Ces sursauts répétés perdent vite en efficacité, à force de revenir toutes les deux minutes. Mais là où le film marque des points, c’est dans son malaise persistant. Même lorsque la peur retombe, le sentiment d’insécurité reste. On ne sait jamais vraiment ce qui est réel ou fantasmé, et cette ambiguïté maintient l’attention jusqu’à la fin. Malgré ses défauts, Other parvient à créer une tension organique, presque viscérale, qui donne envie d’aller au bout. Sous ses airs de simple film d’horreur, Other cache en réalité un drame sur la mémoire et les traumatismes d’enfance. En retournant dans la maison de sa mère, Alice affronte autant les fantômes du passé que ceux, bien réels, qui semblent hanter les lieux.
Le film évoque la difficulté de faire la paix avec ce qu’on a voulu oublier, et questionne la frontière entre souvenir et délire. C’est sans doute là que le film est le plus intéressant : dans sa volonté de lier la peur à la psychologie, de transformer chaque apparition en métaphore. Mais le scénario, trop avare en explications, finit par semer la confusion. Beaucoup de pistes sont ouvertes, peu sont refermées. Le spectateur sort du film avec plus de questions que de réponses — ce qui peut séduire certains, mais frustrer d’autres. À la sortie, impossible de ne pas repenser à ces plans de masques figés et à cette absence de visage, comme si Other refusait délibérément de se dévoiler entièrement.
La dernière partie change de rythme. Tout s’accélère, la tension explose, et Moreau livre un final nerveux et claustrophobe, qui rassemble enfin les pièces du puzzle. C’est là que le film retrouve de la vigueur, avec quelques scènes d’une vraie intensité visuelle. Malgré tout, la conclusion laisse une impression étrange : ni totalement claire, ni complètement symbolique, comme si le réalisateur avait voulu ménager les deux lectures possibles – l’horreur et le drame intime. Other n’est pas un film parfait. Il est parfois confus, souvent trop bavard dans sa mise en scène, et pas toujours cohérent dans son rythme. Mais il a quelque chose de sincère, une vraie volonté de repousser les limites du thriller psychologique français.
L’expérience n’est pas toujours fluide, mais elle reste marquante, ne serait-ce que pour cette tension continue et cette performance d’Olga Kurylenko, impressionnante de maîtrise et d’émotion contenue. C’est un film qui divise, c’est certain. Les amateurs de peur et d’ambiance y trouveront leur compte, les autres risquent de décrocher avant la fin. Mais qu’on aime ou pas, Other laisse une trace, une impression diffuse qui continue de hanter après la séance — un peu comme un mauvais rêve dont on n’arrive pas à se défaire.
Note : 5/10. En bref, un huis clos tendu et imparfait, porté par une actrice habitée et une mise en scène maîtrisée, mais plombé par une narration confuse et une surenchère de frayeurs inutiles.
Sorti le 9 juillet 2025 au cinéma - Disponible en VOD
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