16 Octobre 2025
Tron: Ares // De Joachim Rønning. Avec Jared Leto, Greta Lee et Evan Peters.
Treize ans après Tron: Legacy, Disney relance sa franchise numérique avec Tron: Ares, réalisé par Joachim Rønning (Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar). Une suite qui tente de réactiver un mythe de la science-fiction tout en l’adaptant à l’air du temps, dominé par l’intelligence artificielle et les effets numériques. Le résultat ? Un spectacle visuel souvent impressionnant, mais qui peine à faire battre le cœur derrière le code. Depuis le premier Tron en 1982, l’univers imaginé par Steven Lisberger a toujours eu une longueur d’avance sur les fantasmes technologiques de son époque.
L'étonnante aventure d’un Programme hautement sophistiqué du nom de Ares, envoyé du monde numérique au monde réel pour une mission dangereuse qui marquera la première rencontre de l'humanité avec des êtres dotés d'une intelligence artificielle…
L’idée d’entrer dans une machine pour y explorer un monde de programmes anthropomorphes reste fascinante. Mais après l’accueil tiède de Tron: Legacy en 2010, personne n’attendait vraiment une suite. C’est pourtant ce que propose Tron: Ares, troisième chapitre d’une saga devenue culte malgré elle. Cette fois, le film suit Ares (Jared Leto), un programme de combat conçu pour pénétrer dans le monde réel. Sa mission : rétablir l’équilibre entre humains et intelligences artificielles, alors qu’une entreprise cherche à militariser cette technologie.
L’histoire s’appuie sur des thématiques familières — la création qui échappe à son créateur, le danger d’un système qui pense par lui-même — mais les exploite de façon assez superficielle. Le scénario de Tron: Ares n’a rien de catastrophique, mais il reste très mécanique. Les dialogues servent surtout à expliquer les enjeux ou à justifier des scènes d’action. Les personnages secondaires manquent d’épaisseur, à commencer par le rôle de Gillian Anderson, sous-exploitée dans une intrigue pourtant propice à développer une réflexion sur le pouvoir et la morale scientifique.
Greta Lee tire son épingle du jeu avec une présence magnétique, tandis que Jared Leto fait le travail en programme ambigu, presque christique, mais sans jamais susciter une réelle émotion. Son Ares intrigue, fascine parfois, mais reste difficile à cerner. Ses motivations, floues jusqu’au bout, finissent par devenir le principal moteur narratif du film, même si elles laissent un sentiment d’inachevé. S’il y a bien un domaine où Tron: Ares impressionne, c’est dans son univers visuel. Joachim Rønning et son équipe ont misé sur un rendu plus lumineux et coloré que celui de Legacy. La fameuse “Grille” se pare de néons vifs, de textures numériques en perpétuelle mutation et d’une architecture mouvante qui rappelle parfois les jeux vidéo de nouvelle génération.
Les effets spéciaux, massifs, tiennent la route, même si l’abondance de lumière finit parfois par saturer l’œil. Le film a beau être conçu pour l’immersion, il n’évite pas le piège du trop-plein. Certaines séquences d’action, notamment les courses et affrontements dans la Grille, manquent de lisibilité. La surenchère visuelle étouffe souvent la mise en scène, et le montage, trop rapide, empêche de savourer pleinement le travail esthétique. Le résultat est beau, mais souvent froid — comme si la perfection technique avait pris le pas sur l’émotion. Difficile d’évoquer Tron sans parler de musique. Après la partition culte des Daft Punk sur Legacy, le défi était immense.
Disney a fait appel à Nine Inch Nails, duo déjà oscarisé, pour injecter une nouvelle énergie sonore. Leur travail se révèle efficace : plus industriel, plus nerveux, parfois agressif, il colle bien à la tonalité plus sombre du film. Cependant, l’intégration de la musique dans le montage laisse perplexe. Le mixage semble parfois déséquilibré, avec une bande-son qui écrase les dialogues ou sature certaines séquences. L’intention est claire — créer une expérience sensorielle totale — mais le dosage manque de finesse. Malgré cela, quelques passages marquent les esprits, notamment le générique d’ouverture, véritable claque visuelle et auditive.
Tron: Ares multiplie les références à ses prédécesseurs. Les clins d’œil au film de 1982 sont nombreux, jusqu’à l’apparition (trop courte) de Jeff Bridges, en vieux sage numérique venu rappeler d’où vient cette mythologie. Ce fan service, bien que sympathique, ne suffit pas à compenser l’absence d’une vraie émotion. La nostalgie est clairement utilisée comme moteur, mais elle finit par souligner le manque d’audace du scénario. Ares ne cherche pas à réinventer son monde, seulement à le remettre au goût du jour. Ce qui fonctionnait dans les années 80 comme métaphore d’un futur numérique semble aujourd’hui trop familier pour susciter le même vertige.
Le film parle d’intelligence artificielle, d’algorithmes qui apprennent et ressentent, mais ne creuse jamais vraiment ces thèmes. Rønning aborde pourtant des idées pertinentes : la frontière entre le virtuel et le réel, la question du libre arbitre des programmes, la peur humaine face à ses propres créations. Ces notions émergent par moments, notamment dans la relation entre Ares et son créateur, mais elles se dissolvent dans la mécanique d’un blockbuster calibré. L’écriture reste sage, souvent prévisible. La première demi-heure laisse espérer une approche plus introspective, mais le film retombe vite dans les conventions d’un divertissement Disney classique.
Ce n’est pas désagréable à suivre, simplement frustrant. Le rythme est mal maîtrisé : quelques longueurs alternent avec des séquences d’action frénétiques, sans véritable respiration émotionnelle. Tron: Ares incarne parfaitement le paradoxe du blockbuster moderne : une direction artistique ambitieuse, mais un cœur trop prudent. L’expérience en salle vaut le détour pour la qualité visuelle et sonore, mais au-delà de cette immersion, il reste peu de choses à retenir. Le film ressemble parfois à un prototype technologique plus qu’à une œuvre habitée. Disney semblait vouloir relancer une franchise, pas raconter une histoire.
L’ensemble n’est pas désagréable, juste sans saveur durable. Ce troisième épisode confirme que Tron reste un univers fascinant, mais difficile à faire vivre sans y injecter une âme. Tron: Ares est un divertissement visuellement impressionnant, porté par une direction artistique léchée et une bande originale percutante signée Nine Inch Nails. Pourtant, derrière la beauté des pixels, le film laisse une impression de vide. Joachim Rønning livre un spectacle solide mais sans émotion, où le code prend le dessus sur le cœur. Entre hommage, démonstration technique et nostalgie commerciale, cette suite peine à trouver son identité. Il reste l’envie d’y croire encore un peu, tant cet univers continue de fasciner, même lorsqu’il tourne à vide.
Note : 5.5/10. En bref, Tron: Ares est un divertissement visuellement impressionnant, porté par une direction artistique léchée et une bande originale percutante signée Nine Inch Nails. Pourtant, derrière la beauté des pixels, le film laisse une impression de vide.
Sorti le 8 octobre 2025 au cinéma
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