Critiques Séries : Ça : Bienvenue à Derry. Saison 1. Episode 2.

Critiques Séries : Ça : Bienvenue à Derry. Saison 1. Episode 2.

Ça : Bienvenue à Derry // Saison 1. Episode 2. The Thing in the Dark.

 

Le premier épisode de Bienvenue à Derry jouait sur le choc frontal, presque brutal, avec une scène d’ouverture qui ne laissait aucun doute sur la nature de la série. Le deuxième épisode, lui, prend une direction un peu différente. Il ne renonce pas à l’horreur, mais il la fait glisser vers quelque chose de plus diffus, plus social, presque plus cruel. Ce n’est plus seulement ce qui se cache dans l’ombre qui fait peur, mais la façon dont la ville traite ses propres habitants. Et à partir de là, la série commence enfin à dire quelque chose d’intéressant sur Derry.

 

La disparition de Matty a laissé des traces, mais surtout des silences. Le plus frappant, ce n’est pas le traumatisme, c’est l’absence de réaction. Derry continue d’avancer. Pas de mobilisation, pas de mobilisation citoyenne, pas de campagne de recherche. Juste une ville qui absorbe l’événement, comme si elle avait appris à ne pas regarder les drames trop longtemps. C’est là que l’épisode devient plus dérangeant que le précédent : la peur ne vient pas que des monstres, mais de l’indifférence. Charlotte Hanlon devient le point d’entrée du spectateur dans cette atmosphère anesthésiée. Elle arrive en ville, elle n’a aucun passé avec Derry, et ça fait toute la différence : elle réagit, elle questionne, elle s’étonne. 

C’est elle qui permet de mesurer à quel point les habitants ont intégré la violence comme un élément banal du quotidien. Le script lui confie ce rôle d’observatrice lucide, et même si son arc dramatique n’est pas encore très développé, son regard suffit à remettre la ville en perspective. Ce qui fonctionne bien dans cet épisode, c’est ce glissement progressif entre malaise social et surnaturel. Les deux ne sont pas clairement séparés. La peur circule dans les discussions, les sous-entendus, la manière dont les adultes détournent le regard. La série montre que Derry est toxique avant même que Pennywise ne se manifeste. 

 

Le mal n’est pas une menace extérieure : c’est une culture, une habitude, un mode de fonctionnement collectif. Ce parti-pris narratif donne enfin un peu de profondeur au récit. L’épisode aborde aussi la question du racisme, mais pas de manière frontale. Il passe par des détails : regards insistants, exclusions implicites, remarques qui ne sont jamais assez explicites pour être condamnées, mais assez présentes pour être étouffantes. Cette approche fonctionne mieux que le discours illustratif qu’on peut parfois voir dans les séries à message. Ici, la ségrégation est un décor social, pas un sujet de débat. 

Elle renforce l’idée que Derry est un lieu où certaines existences valent moins que d’autres, et que l’horreur se nourrit de cette hiérarchie silencieuse. Les scènes d’horreur, elles, sont plus espacées mais mieux intégrées. L’épisode ne cherche pas à “faire du spectaculaire” à tout prix, même si certaines images restent marquantes. L’effroi passe moins par l’apparition du monstre que par la déformation du réel : une voix trop familière qui sonne étrangement, un reflet incohérent, une maison qui semble respirer. Là où l’épisode 1 allait droit au but, le second installe une tension plus psychologique. Ça peut frustrer ceux qui attendent Pennywise dès les premières minutes, mais ce choix donne du relief à la série.

 

En revanche, la partie liée à la base militaire pose encore problème. On comprend son intérêt thématique : montrer que la violence institutionnelle n’est pas différente de la violence surnaturelle, qu’elle s’exerce à travers des valeurs comme l’autorité, l’obéissance, le sacrifice. Mais pour le moment, ces scènes semblent manquer de lien organique avec le reste. Elles ralentissent le rythme, elles donnent l’impression d’un second récit qui ne trouve pas encore sa place. On devine que la série prépare une connexion, notamment via Dick Hallorann, mais on n’y est pas encore. Les personnages enfants, eux, se trouvent au cœur du récit — mais pas de façon homogène. 

Certains commencent à exister vraiment, surtout Lilly et Ronnie, qui portent déjà les conséquences psychologiques des événements du pilote. Leur rapport au deuil, à la culpabilité, au silence des adultes les rend crédibles. D’autres restent encore un peu trop schématiques pour qu’on s’y attache. L’épisode semble vouloir montrer que l’amitié ne suffit pas à protéger du mal, et ce point-de-vue pourrait devenir l’un des piliers de la série… si le développement des personnages suit. Ce qu’on peut dire à ce stade, c’est que Bienvenue à Derry commence à trouver sa voix. Le premier épisode impressionnait, le deuxième commence à réfléchir. 

 

Il y a encore des maladresses, un équilibre fragile entre horreur graphique et horreur psychologique, mais la série s’éloigne enfin du simple prélude à Pennywise pour devenir un récit autonome. On commence à comprendre que le vrai sujet n’est pas le clown, mais la ville elle-même — ce qu’elle fabrique, ce qu’elle accepte, ce qu’elle détruit. Si l’épisode 3 réussit à relier les fils encore dispersés — base militaire, traumatisme des enfants, origines du mal — alors la série pourrait s’installer dans quelque chose de plus solide. Pour le moment, elle avance à tâtons, mais elle avance. 

Et surtout, elle ose faire de Derry un personnage à part entière, ce que les films effleuraient sans jamais vraiment explorer. C’est peut-être là que se joue sa réussite : dans la manière dont elle transforme un décor de fiction en organisme vivant, malade, et presque conscient.

 

Note : 7/10. En bref, l’épisode 2 de Bienvenue à Derry délaisse l’horreur frontale du pilote pour installer une peur plus sociale et insidieuse, où la vraie menace semble être la ville elle-même plutôt que le monstre qui l’habite.

Disponible sur HBO max

 

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