Critique Ciné : Le Jeu de la Reine (2024)

Le Jeu de la Reine // De Karim Aïnouz. Avec Alicia Vikander, Jude Law et Eddie Marsan.

Karim Aïnouz, réalisateur brésilien d'origine algérienne, s'était déjà fait remarquer avec La Vie invisible d'Eurídice Gusmão, une œuvre féministe présentée en 2019 au Festival de Cannes. Ce film, bien que louable sur de nombreux aspects, souffrait de longueurs et d'une mise en scène quelque peu paresseuse. Avec Le Jeu de la Reine, présenté cette fois en compétition officielle à Cannes 2023, Aïnouz s'attaque à une fresque historique, explorant les vies d'Henri VIII et de sa sixième épouse, Catherine Parr. En abordant Le Jeu de la Reine, il est essentiel de souligner la qualité de la distribution. Alicia Vikander et Jude Law y tiennent les rôles principaux. Law, en particulier, y est méconnaissable, son visage dissimulé sous une barbe épaisse et son corps déformé par la maladie. Son interprétation d'un Henri VIII tyrannique et imprévisible est impressionnante et domine largement le film. 

Catherine Parr est la sixième femme du roi Henri VIII, dont les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées (une seule étant décédée suite à une maladie). Avec l’aide de ses dames de compagnie, elle tente de déjouer les pièges que lui tendent l’évêque, la cour et le roi…

Vikander, en revanche, peine à exister face à ce personnage écrasant. Son rôle est ingrat et la réduit souvent à une passivité frustrante. L'histoire, bien qu'ancrée dans une période historique connue, prend des libertés notables avec les faits. Par exemple, le roi et sa cour sont représentés comme fuyant une épidémie de peste en se réfugiant dans un château, alors que cette épidémie a eu lieu vingt ans avant les événements dépeints et qu'Henri VIII est en réalité mort dans son palais de Whitehall à Londres. Cependant, ces anachronismes ne diminuent en rien la valeur narrative du film. Aïnouz utilise ces libertés pour renforcer la tension dramatique et enfermer Catherine Parr dans un huis clos oppressant avec ses demoiselles de compagnie et les trois enfants du roi, qu’elle protège. Visuellement, le film est un régal. La photographie, signée par la talentueuse Hélène Louvart, est magnifique et contribue grandement à l'atmosphère du film. 

Chaque plan est soigneusement composé, créant une ambiance à la fois somptueuse et austère qui reflète parfaitement la situation des personnages. Cette esthétique est l'une des forces majeures du film et rappelle les qualités visuelles déjà observées dans La Vie invisible d'Eurídice Gusmão. Cependant, Le Jeu de la Reine n'échappe pas aux mêmes critiques que le film précédent d'Aïnouz. La mise en scène, bien que correcte, manque d'inventivité. Cette paresse créative rend parfois le film statique, et l'on ressent un manque de dynamisme qui aurait pu rendre cette fresque historique encore plus captivante. De plus, la froideur et l'austérité de l'approche narrative peuvent dérouter certains spectateurs, ce qui explique en partie pourquoi le film n'a pas soulevé l'enthousiasme à Cannes et n'a remporté aucune récompense.

En tant que spectateur et amateur de cinéma, j'apprécie l'audace d'Aïnouz de s'attaquer à une figure historique aussi complexe qu'Henri VIII. Cependant, je ne peux m'empêcher de penser que le film aurait pu bénéficier d'une réalisation plus énergique et d'une meilleure utilisation de ses personnages secondaires, en particulier celui de Catherine Parr. Malgré cela, Le Jeu de la Reine reste une œuvre fascinante, portée par une interprétation remarquable de Jude Law et une esthétique visuelle impeccable. En conclusion, Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz est un film maîtrisé qui mérite d'être vu, ne serait-ce que pour la performance de Jude Law et la beauté de sa photographie. Toutefois, il aurait pu atteindre des sommets encore plus hauts avec une mise en scène plus audacieuse et une meilleure gestion de ses personnages. Malgré ses défauts, il témoigne du talent de son réalisateur et de sa capacité à créer des atmosphères uniques et mémorables.

Note : 6/10. En bref, intéressant, très joli mais parfois un brin paresseux. 

Sorti le 27 mars 2024 au cinéma - Disponible en VOD