Critique Ciné : Quitter la Nuit (2024)

Quitter la Nuit // De Delphine Girard. Avec Selma Alaoui, Veerle Baetens et Guillaume Duhesme.

Quitter la Nuit de Delphine Girard est un film qui marque les esprits par son approche unique et profondément humaine des thèmes du consentement, du traumatisme, et de la culpabilité. Adapté de son court-métrage acclamé Une sœur, ce long métrage ne se contente pas de simplement étirer l'intrigue originale. Au contraire, il enrichit et développe les personnages et les événements de manière significative, offrant une perspective nouvelle et engageante. Le film commence de manière saisissante avec un appel au numéro Police Secours. L'angoisse et le stress palpable de la victime créent une atmosphère de thriller hyper réaliste. Ce prologue fort plonge immédiatement le spectateur dans une tension dramatique, laissant présager une suite haletante. 

Une nuit, une femme en danger appelle la police. Anna prend l'appel. Un homme est arrêté. Les semaines passent, la justice cherche des preuves, Aly, Anna et Dary font face aux échos de cette nuit qu'ils ne parviennent pas à quitter.

Cependant, après ce début intense, le film opère un virage vers un drame plus lent et introspectif, qui examine les répercussions de l'événement initial sur la vie des personnages principaux. Delphine Girard retrouve les trois acteurs principaux de Une sœur, Selma Alaoui et Veerle Baetens, qui reprennent leurs rôles avec une authenticité remarquable. Leur performance est au cœur de la réussite du film, chacun d'entre eux incarnant des personnages complexes et nuancés. Le film explore leur quotidien après l'incident, mettant en lumière la façon dont chacun gère la vérité et le traumatisme. Le passage du thriller au drame permet de plonger plus profondément dans les aspects psychologiques de l'histoire, rendant les personnages encore plus attachants et crédibles.

Quitter la Nuit brille par son réalisme. Il met en lumière les difficultés rencontrées par les victimes dans leur quête de justice, ainsi que le déni et la culpabilité qui peuvent surgir dans de telles situations. Le film ne tombe pas dans le piège du sensationnalisme ; au contraire, il aborde ces thèmes avec une sensibilité et une justesse qui résonnent. Les interactions entre les personnages, bien que parfois limitées, sont chargées d'émotion et de signification, offrant une réflexion poignante sur le consentement et la complexité des relations humaines. Cependant, le film n'est pas exempt de critiques. Certains spectateurs pourraient trouver que la réaction émotionnelle de la policière, face à un appel qui reste dans le cadre de son quotidien professionnel, manque de crédibilité. On peut s'interroger sur la cohérence de cette fragilité émotionnelle, qui aurait peut-être nécessité un contexte encore plus dramatique pour paraître totalement vraisemblable. 

Malgré cela, la profondeur psychologique des personnages et la qualité de l'écriture compensent largement ce léger défaut. Contrairement à Les choses humaines, qui explorait les zones grises d'une agression sans offrir de certitude, Quitter la Nuit choisit finalement d'éclaircir le doute. Cette décision narrative permet au film de conclure sur une note plus lumineuse, tout en restant fidèle à sa mission de dépeindre avec précision le contexte sociétal et judiciaire des agressions sexuelles. Cette approche apporte une dimension supplémentaire au récit, en mettant en lumière la complexité et la multiplicité des témoignages. La réalisation de Delphine Girard est précise et immersive. Elle parvient à capturer l'essence de chaque personnage tout en créant une atmosphère sombre et poignante. Les choix de mise en scène, bien que parfois trop centrés sur les portraits psychologiques, servent bien le propos du film. 

L'interprétation de Veerle Baetens, notamment, apporte une chaleur et une bienveillance qui contrastent avec l'ambiance généralement sombre du film, ajoutant une couche de profondeur à l'ensemble. Quitter la Nuit est un film qui mérite d'être vu pour sa représentation réaliste et nuancée des thèmes du consentement et du traumatisme. Bien que certains aspects puissent prêter à débat, la force de l'écriture, la qualité des performances et la profondeur psychologique des personnages en font une œuvre marquante. Delphine Girard réussit à transformer son court-métrage en un long métrage captivant, offrant une exploration poignante et pertinente de sujets délicats et contemporains.

Note : 6.5/10. En bref, un joli film sincère qui marque d’emblé avec son prologue. 

Sorti le 10 avril 2024 au cinéma