Kaos (Saison 1, 8 épisodes) : réinvention délicieuse de la mythologie grecque

Kaos (Saison 1, 8 épisodes) : réinvention délicieuse de la mythologie grecque

Kaos, la nouvelle série originale Netflix, se distingue par son audace et son originalité. Créée par Charlie Covell, à qui l’on doit déjà The End of the F***ing World, cette œuvre propose une réinterprétation moderne des mythes grecs, plongeant les spectateurs dans un univers où dieux et mortels s’entremêlent dans une toile dense de pouvoir, d’intrigues et de destin. Alors que certaines adaptations de la mythologie peuvent sembler banales ou dérivées, Kaos réussit à transformer les récits ancestraux en une saga contemporaine captivante, riche en humour, en émotion et en réflexions profondes. Il est indéniable que Kaos a suscité des réactions variées. Pour les puristes de la mythologie grecque, toute déviation des récits originaux peut être perçue comme une hérésie. Pourtant, il est important de rappeler que les mythes, depuis l’Antiquité, n’ont cessé d’évoluer et de se métamorphoser selon les besoins narratifs de chaque époque. 

 

Alors que la zizanie fait rage sur le mont Olympe et que le tout-puissant Zeus sombre dans la paranoïa, trois mortels sont destinés à redéfinir l'avenir de l'humanité.

 

Comme Homère, Euripide ou encore Sophocle ont eux-mêmes adapté ces légendes à leurs fins, Covell fait de même avec Kaos, offrant une version qui reflète non seulement les préoccupations modernes, mais aussi un questionnement sur le pouvoir des récits eux-mêmes. La série met en lumière le rôle que jouent les mythes dans la construction de l’identité collective. Qui raconte l’histoire ? Qui en bénéficie ? Quels éléments sont omis ou modifiés ? Ces questions sont au cœur de Kaos, où Zeus, incarné par l’excellent Jeff Goldblum, est présenté comme un dieu en pleine crise existentielle. Son règne autocratique est remis en question, non seulement par des forces extérieures, mais aussi par ses propres insécurités et doutes sur sa divinité. Cette interprétation moderne de Zeus, qui mélange sa nature capricieuse et colérique à un complexe d’infériorité palpable, résonne avec les dynamiques de pouvoir que l’on peut observer aujourd’hui, rendant ce personnage mythique plus humain que jamais.

 

L’un des points forts de Kaos est sans doute sa galerie de personnages, tous plus complexes les uns que les autres. Chaque protagoniste, qu’il s’agisse de dieux ou de mortels, est soigneusement développé, sans qu’aucun ne semble secondaire ou inutile. Le personnage de Dionysos, par exemple, ne se contente pas d’être le dieu des festivités ; il aspire à quelque chose de plus profond, à un sens qui dépasse les plaisirs superficiels. Cette quête de sens se retrouve également chez Eurydice, qui, loin d’être la muse passive d’Orphée, se bat pour exister en tant qu’individu à part entière. Là où Kaos brille particulièrement, c’est dans sa capacité à réinventer certains des mythes les plus connus tout en conservant leur essence. Eurydice, jouée par Aurora Perrineau, illustre cette approche. Contrairement aux versions traditionnelles où elle est simplement une victime à sauver, elle devient ici un personnage actif, remettant en question son rôle dans sa propre histoire et forgeant de nouvelles alliances dans l’Au-delà. 

 

Cette réécriture est non seulement rafraîchissante, mais aussi profondément moderne, dans une époque où les récits féminins sont revisités pour leur donner une voix plus puissante et plus autonome. D’autres personnages mythiques, tels que Hades (David Thewlis) et Prométhée (Stephen Dillane), apportent une dimension supplémentaire à cette intrigue. Hades, souvent relégué au rôle de simple gardien de l’Underworld, est ici présenté comme un manipulateur subtil, tirant les ficelles dans l’ombre, tandis que Prométhée, narrateur et figure tragique par excellence, sert de lien entre les dieux et les humains, ajoutant une couche philosophique à la série. Sur le plan visuel, Kaos est un régal pour les yeux. Les décors somptueux du mont Olympe, l’Underworld mystérieux et les paysages terrestres luxuriants offrent un cadre immersif à l’intrigue. Les couleurs saturées, les mouvements de caméra dynamiques et les transitions fluides rappellent parfois l’esthétique baroque et exubérante de films comme Romeo + Juliet de Baz Luhrmann. 

 

Ce choix stylistique contribue à l’atmosphère unique de la série, qui parvient à être à la fois moderne et ancrée dans une mythologie ancienne. Cependant, au-delà de l’aspect visuel, c’est le ton de la série qui se démarque. Oscillant entre comédie, drame et moments de réflexion profonde, Kaos parvient à capturer l’essence même des tragédies grecques tout en les adaptant à un public contemporain. La série ne se prend jamais trop au sérieux, ce qui permet aux spectateurs d’apprécier l’humour et l’ironie omniprésente, tout en étant touchés par des moments de vulnérabilité et de vérité émotionnelle. Jeff Goldblum, en particulier, incarne un Zeus à la fois charismatique et vulnérable, offrant une performance qui oscille entre légèreté et intensité. Sous ses airs de série légère et divertissante, Kaos aborde des thèmes universels qui résonnent particulièrement à notre époque. Le pouvoir, la liberté, le destin et le libre arbitre sont des concepts omniprésents dans la série. 

 

La lutte de Zeus pour conserver son pouvoir, la quête de liberté d’Eurydice ou encore les manipulations de Prométhée soulèvent des questions sur la nature même de l’autorité et du contrôle, tant dans la sphère divine que dans le monde des mortels. De plus, Kaos s’inscrit dans une tendance actuelle qui revisite les mythes à travers une lentille féministe. Contrairement à certaines œuvres récentes qui changent radicalement les genres des personnages pour souligner les luttes des femmes, Kaos choisit de réinterpréter les mythes d’une manière plus subtile. Par exemple, le personnage de Médusa n’est plus simplement une créature monstrueuse, mais une femme complexe avec une histoire et des motivations propres. De même, Hera, bien que tourmentée par les infidélités de Zeus, n’est pas une figure de victime, mais une reine puissante qui manie son autorité avec une main de fer. Enfin, la série aborde également des questions de genre et d’identité avec le personnage de Caneus, un homme transgenre, dont l’histoire est réécrite avec sensibilité, évitant ainsi les violences souvent associées à son récit dans les versions classiques.

 

En conclusion, Kaos est une série qui réussit brillamment à réinventer les mythes grecs tout en conservant leur pertinence et leur impact émotionnel. Avec une écriture intelligente, des performances d’acteurs remarquables et une réalisation soignée, elle parvient à allier humour, drame et réflexion philosophique. Si vous êtes à la recherche d’une série à la fois divertissante et profonde, capable de vous transporter dans un monde où les dieux règnent encore, Kaos est une œuvre à ne pas manquer. Certes, cette série peut diviser les opinions, surtout pour ceux qui s’accrochent aux versions traditionnelles des mythes. Mais c’est précisément cette audace à revisiter et à questionner ces récits millénaires qui fait la force de Kaos. Dans une époque où les réinterprétations sont monnaie courante, elle parvient à offrir quelque chose de neuf, de frais et, surtout, de captivant. Un véritable triomphe dans l’univers des adaptations mythologiques modernes.

 

Note : 9/10. En bref, c’est délicieux à souhait et réussi. 

Disponible sur Netflix

 

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