Sentinelles - Ukraine (Saison 2, 6 épisodes) : les débuts du conflit russo-ukrainien

Sentinelles - Ukraine (Saison 2, 6 épisodes) : les débuts du conflit russo-ukrainien

La série Sentinelles - Ukraine réussit avec brio à capturer les premières heures de l'invasion russe de l'Ukraine sous un angle humain et profondément touchant. En se centrant sur des personnages civils et occidentaux plongés dans un chaos qu'ils ne maîtrisent pas, la saison 2 parvient à raconter la guerre sans glorification ni simplification. Là où de nombreuses productions de guerre se concentrent sur l'action et les affrontements, Sentinelles - Ukraine choisit une approche narrative plus intime, posant une réflexion aiguë sur la vulnérabilité des civils pris dans la tourmente du conflit. Ce choix singulier confère à cette saison une authenticité puissante, renforcée par une écriture minutieuse et une mise en scène impressionnante. L'histoire commence en février 2022, à la veille de l'invasion. On se trouve dans un hôpital de la région du Donbass, où une poignée de Français et de Belges se sont rassemblés pour une raison très particulière : accueillir des enfants nés d'un programme de gestation pour autrui (GPA) en Ukraine. 

 

Ce lieu de vie devient, en l’espace de quelques heures, un piège où les vies privées se retrouvent brutalement exposées aux horreurs de la guerre. Le lieutenant Anaïs Collet, venue pour assister à la naissance de son enfant avec sa compagne, se retrouve ainsi enfermée dans une situation où son rôle de militaire et sa vie personnelle se heurtent avec une violence inouïe. Dans cet hôpital, où le murmure d'un bébé à naître est soudainement étouffé par le fracas de la guerre, l’intimité des protagonistes devient un écho saisissant de la brutalité qui frappe à leur porte. Les premiers épisodes, empreints de tension et de mystère, parviennent à traduire le choc et la sidération des personnages, qui découvrent la guerre de près pour la première fois. Contrairement aux militaires aguerris, ces civils n'ont que rarement été confrontés à des questions de vie ou de mort autrement que devant leur télévision. L'invasion russe devient pour eux non seulement un défi physique, mais aussi une épreuve psychologique bouleversante. 

Les scénaristes ont fait preuve d'une habileté remarquable en nous plongeant dans cet instant de fragilité, où chaque décision peut avoir des conséquences irréversibles. L’écriture de cette saison 2 mérite d’être saluée pour sa profondeur et son intelligence. La question de la GPA, déjà complexe, se révèle ici dans toute sa sensibilité et son ambivalence, amplifiée par le contexte de guerre. En explorant les dilemmes éthiques et moraux que rencontrent ces parents occidentaux venus en Ukraine, Sentinelles - Ukraine nous pousse à réfléchir aux questions de responsabilité et de parenté dans un environnement chaotique où la sécurité de chacun est compromise. Cette exploration de la GPA, loin des clichés et des simplifications, apporte une densité émotionnelle à la série, rappelant que derrière chaque conflit se trouvent des histoires humaines profondément personnelles.

 

Le talent du réalisateur Jean-Philippe Amar se manifeste pleinement dans la façon dont il capte l'essence des paysages hivernaux et les transforme en un théâtre de danger et de vulnérabilité. Contrairement à la chaleur accablante du Sahel, où se déroulait la première saison, le froid glacial des plaines ukrainiennes renforce l’impression d’isolement et de fragilité des personnages. Les décors enneigés, qui s’étendent à perte de vue, symbolisent la dureté du conflit et l'hostilité du contexte dans lequel évoluent les protagonistes. Amar parvient à insuffler une atmosphère de tension permanente, où chaque instant est teinté d’incertitude, où chaque bruit pourrait être annonciateur de la catastrophe. Dans ce décor hostile, la série aborde avec une justesse rare les horreurs de la guerre et l’impact dévastateur qu’elle peut avoir sur les civils. Les scénaristes, Frédéric Krivine et Thibault Valetoux, nous plongent au cœur de l'angoisse et de l'effroi que vivent les personnages, qu’ils soient militaires ou civils. 

Il est difficile, en tant que spectateur, de ne pas ressentir cette peur viscérale face à l'inéluctable. La série ne fait pas l’impasse sur les moments de brutalité et de désespoir, mais elle les traite avec retenue, sans jamais sombrer dans la surenchère. Cette sobriété donne d’autant plus de poids aux scènes d’action, qui, bien que rares, se révèlent particulièrement percutantes et marquantes. Sentinelles - Ukraine propose une double lecture de l’invasion russe. D’un côté, il y a l’odyssée des parents, des nourrissons et des mères porteuses, obligés de fuir pour survivre, et de l’autre, les militaires tentant de gérer une crise qui les dépasse. Cette dualité, si elle ajoute une dimension intéressante à l'intrigue, crée parfois un déséquilibre, avec des scènes militaires qui semblent moins intenses comparées aux moments de survie des civils. Cependant, ce déséquilibre contribue paradoxalement à renforcer l’humanité de la série, rappelant que les guerres ne se jouent pas seulement sur les lignes de front, mais aussi dans les histoires individuelles et les drames personnels.

 

Pauline Parigot, dans le rôle du lieutenant Anaïs Collet, livre une performance remarquable. Elle incarne avec une grande sensibilité cette femme partagée entre son devoir militaire et son désir d’être présente pour son enfant. À travers son regard, on perçoit à la fois la force et la vulnérabilité de son personnage, tiraillé entre son engagement pour la patrie et son amour pour sa famille. Les autres personnages ne sont pas en reste, chaque acteur apportant une profondeur et une authenticité à son rôle, ce qui rend l’ensemble d’autant plus crédible et immersif. Cette saison explore également la perception de l'invasion russe par les Occidentaux, souvent loin des réalités du conflit. En plaçant des civils occidentaux au cœur des premières heures de la guerre, la série nous invite à réfléchir à notre propre rapport à la guerre et à la sécurité, souvent vécus comme des concepts abstraits. Cette confrontation brutale entre la réalité du terrain et l’image que l’on s’en fait nous rappelle que la guerre n’est jamais aussi lointaine qu’on le croit, et que ses conséquences sont universelles.

 

Enfin, Sentinelles - Ukraine se distingue par la qualité de son rythme et de sa mise en scène, qui parviennent à maintenir un suspense constant tout au long des six épisodes. Chaque moment de répit est suivi d’un nouvel obstacle, d’un nouveau danger, ce qui tient le spectateur en haleine. La série alterne habilement entre moments de tension et moments de réflexion, sans jamais tomber dans le manichéisme. Les protagonistes, même ceux avec des responsabilités militaires, sont montrés dans leur humanité et leurs failles, ce qui donne une dimension supplémentaire au récit. En conclusion, cette seconde saison de Sentinelles est une réussite totale. En traitant de sujets complexes comme la GPA dans un contexte de guerre, en s’attachant aux perspectives humaines et en mettant en scène des personnages profonds et crédibles, elle se démarque nettement dans le paysage des séries contemporaines. Plus qu’une simple fiction de guerre, Sentinelles - Ukraine est une œuvre profondément humaine qui interroge sur la fragilité de la vie, les dilemmes moraux, et le prix de la paix. 

 

Note : 7.5/10. En bref, c’est une série qui mérite d’être vue, non seulement pour la qualité de sa réalisation, mais aussi pour la réflexion qu’elle suscite sur notre monde et ses conflits.

Disponible sur myCanal

 

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