13 Novembre 2024
La série The Devil’s Hour, depuis ses débuts, s’est affirmée comme un thriller unique, empreint de mystère et de suspense, qui tire sa puissance de concepts philosophiques profonds et de personnages troublés. Saison après saison, elle nous plonge dans des questions existentielles à travers des personnages qui, sans cesse, revisitent leurs vies dans un cycle de répétitions et de corrections d’erreurs passées. La saison 2, composée de seulement cinq épisodes, capitalise sur l'univers dense déjà esquissé dans la première saison et parvient à trouver une structure plus affinée et mieux équilibrée. L’idée au cœur de The Devil’s Hour — celle de vies qui se répètent inlassablement, avec des personnages qui tentent de modifier leur destin par des changements subtils — est à la fois audacieuse et fascinante. Inspirée de la notion de « l’éternel retour » de Nietzsche, cette approche confère à la série une aura presque philosophique.
On ne peut s’empêcher de se questionner sur la destinée de chaque personnage et sur l'impact de leurs décisions passées, présentes et futures. En d’autres termes, la série nous invite à une réflexion sur nos propres vies et les erreurs que nous pouvons corriger en apprenant des cycles précédents. Pour vraiment apprécier la saison 2, il est indispensable d’avoir suivi la première. Celle-ci posait les bases d’un univers complexe, entre thriller psychologique, horreur surnaturelle et drame policier. Avec le personnage central de Gideon Shepherd, incarné par l’incomparable Peter Capaldi, la série joue avec des archétypes familiers tout en les détournant de manière habile. Ce dernier apparaît non pas comme un « diable » traditionnel, mais plutôt comme un antihéros torturé, presque rédempteur, dont la mission semble être de sauver des vies en prévenant des crimes horribles, même si ses méthodes sont tout sauf orthodoxes.
L’un des grands atouts de la saison 2 réside dans l’approfondissement des personnages et de leurs relations. Lucy Chambers, interprétée avec brio par Jessica Raine, devient encore plus touchante et complexe. Sa relation avec son fils Isaac est au cœur de l’histoire, et l’on ressent encore plus intensément l’amour inconditionnel qu’elle lui porte, malgré les mystères qui l’entourent. Isaac, ce jeune garçon étrange et perturbant, semble habiter plusieurs réalités à la fois, et sa douleur de voir sa mère parfois ne pas le reconnaître est poignante. En révélant davantage de l’origine des comportements singuliers d’Isaac, cette nouvelle saison parvient à transformer ce personnage, autrefois une énigme inquiétante, en une figure véritablement tragique à laquelle on s’attache profondément.
La relation entre Lucy et Gideon est également explorée de manière plus intense. Bien que Gideon reste ce personnage ambigu, entre ombre et lumière, il devient un allié inattendu de Lucy dans sa quête pour comprendre la réalité et protéger son fils. Cette alliance improbable ajoute une nouvelle couche de tension et d’humanité à l’intrigue. En effet, Capaldi réussit magistralement à alterner entre l’aura menaçante de Gideon et des moments de vulnérabilité, donnant ainsi un relief fascinant à son personnage. Contrairement à la première saison, qui souffrait parfois d’un trop-plein d’idées et de pistes narratives, la saison 2 adopte une structure plus resserrée. Ce recentrage permet à l’histoire de se déployer sans pour autant se perdre dans des sous-intrigues complexes. Tom Moran, le créateur de la série, a ici visiblement appris de ses expériences passées et propose un récit plus linéaire, mais qui ne sacrifie pas pour autant les éléments de suspense et de surprise.
Le thème du multivers, maintenant bien établi, donne aux événements un cadre plus concret et facile à suivre, tout en laissant la place aux sauts temporels et aux vies parallèles. Grâce à une mise en scène soignée, les transitions entre les différentes réalités sont fluides et compréhensibles, même pour les spectateurs qui pourraient être déboussolés par la complexité de l’histoire. La réalisation, signée Johnny Allen et Shaun James Grant, est impeccable et contribue largement à la cohésion visuelle et narrative de cette saison. Le spectateur est ainsi guidé sans jamais être pris par la main, un équilibre parfait entre clarification et mystère. Esthétiquement, la série se distingue par une palette de couleurs sombres et oppressantes, qui amplifie l’ambiance tendue et lourde de chaque scène. La réalisation joue habilement avec les ombres et les contrastes, créant une atmosphère qui tient presque de l’horrifique. Même les scènes les plus banales sont teintées d’une menace sous-jacente, renforçant l’idée que le mal rôde toujours, même dans les moments de calme apparent.
Cette ambiance pesante est aussi soulignée par une bande sonore ironique, qui juxtapose des mélodies presque joyeuses à des images macabres, un procédé qui n’est pas sans rappeler Utopia. La série ne fait pas dans la demi-mesure : les thèmes abordés sont sombres et les choix de mise en scène audacieux. Les fans de thrillers psychologiques et de récits surnaturels seront comblés par l’ambition artistique et la profondeur de cette série qui, même en abordant des sujets difficiles, ne tombe jamais dans la gratuité ou l’excès. Ce qui distingue The Devil’s Hour des autres thrillers est sans doute son ambition philosophique. La série s’inspire de concepts existentiels, et en particulier de la philosophie nietzschéenne, tout en restant accessible et divertissante. Les réflexions sur le destin, les choix et les erreurs de vie ne sont jamais plaquées, mais intégrées dans l’intrigue avec une subtilité appréciable.
On n’a pas besoin d’être un spécialiste de philosophie pour comprendre et apprécier la série, mais les spectateurs plus férus de ces questions trouveront matière à réflexion. L’approche de Tom Moran permet ainsi à la série de se démarquer dans le paysage des productions en streaming. En combinant une histoire captivante, des personnages bien construits et une réflexion philosophique, The Devil’s Hour parvient à offrir un spectacle intelligent sans être élitiste. C’est là sa force : savoir séduire un large public tout en maintenant une profondeur narrative et esthétique. Avec cette deuxième saison, The Devil’s Hour prouve qu’elle n’est pas une série comme les autres. En se concentrant sur un récit plus resserré et des personnages auxquels il est plus facile de s’attacher, elle gagne en intensité et en émotion. La dynamique entre Lucy et Gideon, l’évolution d’Isaac et le traitement raffiné du thème des vies parallèles font de cette saison une réussite indéniable.
Les cinq épisodes passent à une vitesse folle, portés par un rythme soutenu et une intrigue riche en rebondissements. Si la série n’offre pas une vision optimiste du monde, elle nous invite néanmoins à réfléchir à nos propres choix, à nos erreurs et à la possibilité de les corriger. Pour ceux qui attendent une conclusion, sachez que la série prépare une troisième saison qui, espérons-le, saura répondre aux questions restantes tout en continuant de nous surprendre.
Note : 7/10. En bref, après une première saison qui n’était pas exempt de défauts, cette saison 2 capitalise sur un univers dense déjà esquissé afin de développer une structure plus affinée et mieux équilibrée.
Disponible sur Amazon Prime Video
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