22 Janvier 2025
Au Fil des Saisons // De Hanna Ladoul et Marc La Via. Avec Catherine Deneuve, Andrea Riseborough et Morgan Saylor.
Dans le paysage du cinéma contemporain, Au Fil des Saisons s’impose comme une chronique délicate et sincère. Réalisé par Hanna Ladoul et Marco La Via, ce film oscille entre drame familial et comédie légère, offrant une réflexion sur les liens intergénérationnels dans un écrin visuel soigné. Avec Catherine Deneuve en tête d’affiche, entourée de Morgan Saylor et Andrea Riseborough, le long-métrage explore la complexité des relations familiales sur fond de paysages bucoliques et de petites touches d’ironie. Ce n’est pas une œuvre révolutionnaire, mais un film attachant qui mérite d’être découvert.
Charlie, 20 ans, étudiante revient dans la ferme familiale en Virginie pour aider sa mère qui est souffrante. Elles ont une vision différente de la vie : Charlie étudie la finance tandis que Laura gère un élevage de poules. Après une longue absence, Solange, la mère de Laura, grand-mère de Charlie, débarque à la ferme… Elle est française, féministe et excentrique. Solange a quitté l'Amérique alors que sa fille était encore une enfant et elles ne se sont jamais beaucoup revues. Ces trois femmes, que rien ne semble rapprocher, réussiront-elles à vivre ensemble ?
Au Fil des Saisons raconte l’histoire d’une grand-mère, d’une mère et d’une fille réunies dans une ferme isolée de la campagne américaine. La ferme, en plein cœur d’une nature vibrante, devient le théâtre de tensions, de retrouvailles et de réconciliations. Catherine Deneuve incarne la grand-mère avec une légèreté assumée, teintée de sagesse. Son personnage est une femme libre, épicurienne, et résolument féministe, dont l’amour des plaisirs simples contraste avec la vie plus tourmentée de sa fille (Andrea Riseborough) et les aspirations encore floues de sa petite-fille (Morgan Saylor).
Le film repose beaucoup sur cette dynamique féminine. Les trois actrices, chacune dans un registre différent, apportent un équilibre subtil à une histoire qui aurait pu sombrer dans la caricature. Deneuve, en particulier, brille par sa simplicité et son naturel. La voir manipuler un poulailler, cuisiner des plats traditionnels ou encore fumer un joint avec désinvolture donne au personnage une authenticité rare. Loin des rôles iconiques auxquels elle a habitué le public français, elle s’aventure ici dans un territoire plus prosaïque, où elle excelle dans l’art de mêler humour et émotion.
L’un des points forts de Au Fil des Saisons réside dans sa mise en scène et son cadre visuel. Tourné dans les paysages paisibles de la campagne américaine, le film dégage une atmosphère chaleureuse et contemplative. La lumière naturelle et les décors soignés confèrent à chaque scène une aura poétique, presque irréelle. Ce choix esthétique donne l’impression que le récit flirte avec le conte, même si les thèmes abordés restent profondément humains et réalistes. Ce contraste entre le stylisé et le naturel se retrouve également dans la manière dont le film s’autorise quelques libertés narratives.
Certaines scènes, presque absurdes, apportent une légèreté bienvenue dans un récit qui pourrait facilement devenir trop mélodramatique. Ces moments, bien qu’un peu invraisemblables, s’intègrent harmonieusement grâce à l’équilibre constant entre drame et comédie. Au cœur du film se trouve une réflexion sur les relations intergénérationnelles. Les tensions entre la mère et la fille, leurs incompréhensions mutuelles et leurs tentatives maladroites de se rapprocher, sont universelles. Pourtant, Au Fil des Saisons ne s’enferme pas dans des clichés.
Au contraire, il montre avec sensibilité que ces conflits sont souvent le résultat d’une accumulation de non-dits, mais qu’ils peuvent être surmontés avec un peu d’effort et beaucoup de tendresse. La relation entre la grand-mère et sa petite-fille, en revanche, est plus spontanée et joyeuse. Ce lien fort, presque complice, devient un moteur pour le film, apportant une dose d’espoir et de légèreté. À travers ces interactions, Au Fil des Saisons illustre comment chaque génération peut apporter une perspective différente et enrichissante à la dynamique familiale. Le film navigue entre plusieurs genres, passant du drame psychologique à la comédie.
Cette hybridité, bien que rafraîchissante, donne parfois l’impression que le film hésite sur le ton à adopter. Certaines scènes humoristiques, bien qu’amusantes, paraissent décalées par rapport à l’émotion poignante des moments plus sérieux. Ce déséquilibre n’enlève rien à la beauté de l’ensemble, mais il empêche le film d’atteindre une véritable cohérence narrative. Le titre français, Au Fil des Saisons, évoque le passage du temps et l’évolution des personnages. Ce double regard reflète bien la dualité de l’œuvre : un mélange d’émotion sincère et de légèreté malicieuse. À certains égards, Au Fil des Saisons peut rappeler l’univers des frères Coen, bien que le style soit ici plus tendre et moins cynique.
Catherine Deneuve est sans conteste l’âme du film. Son interprétation est à la fois discrète et pleine de vie. Elle incarne cette grand-mère lucide et décomplexée avec une aisance qui donne l’impression qu’elle a été écrite spécialement pour ce rôle. Son personnage, tout en nuances, apporte une profondeur bienvenue à une histoire qui aurait pu sembler trop légère sans elle. La présence de Deneuve dans un film américain est également un élément marquant. Elle s’éloigne ici de l’image sophistiquée et iconique qu’elle a dans le cinéma français, pour adopter une approche plus terre-à-terre.
Cela ne signifie pas qu’elle perd de sa prestance : au contraire, elle prouve une fois de plus sa capacité à s’adapter à des rôles variés, tout en conservant cette aura unique qui la caractérise. La présence de Martin Scorsese en tant que coproducteur ajoute une certaine crédibilité au projet. Bien que son influence ne soit pas directement visible dans la réalisation, elle se ressent dans le soin apporté à la photographie et à la direction artistique. Chaque cadre semble réfléchi, et les détails des décors, des costumes et de la lumière contribuent à immerger le spectateur dans cet univers singulier.
Le jeune duo de réalisateurs, Hanna Ladoul et Marco La Via, confirme ici le talent aperçu avec leur premier film, Nous les Coyotes. Leur style, bien qu’encore en développement, montre une véritable sensibilité pour les récits intimes et les personnages nuancés. Au Fil des Saisons est une œuvre prometteuse qui laisse espérer des projets encore plus aboutis à l’avenir. Au Fil des Saisons n’est pas parfait. Certaines scènes manquent d’originalité, et le rythme inégal peut laisser le spectateur un peu frustré. Cependant, ces défauts sont largement compensés par la sincérité du propos et par la qualité des performances.
C’est un film qui ne cherche pas à impressionner, mais à toucher, et dans cet objectif, il réussit largement. Le mélange de légèreté et de gravité, porté par un casting international solide, en fait une expérience cinématographique agréable. Ce n’est pas un film qui marquera l’histoire du cinéma, mais il trouvera certainement une place dans le cœur de ceux qui apprécient les histoires simples et humaines. Avec Au Fil des Saisons, Hanna Ladoul et Marco La Via livrent une chronique douce-amère qui explore les liens familiaux avec tendresse et humour.
Catherine Deneuve, lumineuse dans un rôle qui lui va comme un gant, porte le film avec élégance. Malgré quelques faiblesses, ce long-métrage séduit par son authenticité et son ambiance chaleureuse. Entre drame et comédie, Au Fil des Saisons offre un moment de cinéma apaisant, idéal pour ceux qui cherchent une parenthèse de douceur dans leur quotidien.
Note : 7.5/10. En bref, un voyage doux-amer au coeur de la réconciliation familiale.
Sorti le 21 février 2024 au cinéma - Disponible en VOD
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