30 Janvier 2025
Babygirl // De Halina Reijn. Avec Nicole Kidman, Harris Dickinson et Antonio Banderas.
Le cinéma aime explorer les fantasmes, les interdits et les relations ambiguës. Avec Babygirl, la promesse était d’offrir un drame érotique où une femme mûre, piégée dans une routine monotone, découvre une relation transgressive avec un homme plus jeune. Sur le papier, l’idée pouvait séduire : une introspection sur le désir féminin, un regard acéré sur les dynamiques de pouvoir, une remise en question des conventions sociales. Mais en pratique, le film peine à trouver un équilibre, s’éparpille et laisse une impression d’inabouti.
Romy, PDG d’une grande entreprise, a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles épanouies et une carrière réussie. Mais un jour, elle rencontre un jeune stagiaire dans la société qu’elle dirige à New York. Elle entame avec lui une liaison torride, quitte à tout risquer pour réaliser ses fantasmes les plus enfouis…
Dès les premières minutes, le film ne fait pas dans la subtilité. Plutôt que d’installer progressivement le mal-être de son héroïne, il le jette au visage du spectateur avec des symboles appuyés et des scènes maladroites. Une vie conjugale terne, un regard insistant sur les rides et les injections de botox… tout est souligné à gros traits. Ce manque de nuance se retrouve dans la manière dont les thématiques sont abordées. Vieillir, désirer, se sentir invisible… Autant de sujets profonds qui auraient mérité un traitement plus délicat. Mais ici, chaque élément semble plaqué sans réelle construction.
À un moment, le film s’intéresse aux insécurités liées à l’âge, puis bascule soudainement vers une réflexion sur le consentement avant de revenir, sans transition, à un jeu de manipulation. Il en résulte une impression de confusion où aucune idée n’est pleinement développée. Si Nicole Kidman s’investit dans son rôle, son personnage souffre d’une écriture erratique. Romy est censée être une femme en quête d’émancipation, mais son comportement oscille entre la fragilité et une assurance presque caricaturale. Son évolution paraît forcée, comme si elle répondait davantage aux besoins du scénario qu’à une construction organique.
Samuel, quant à lui, est tout aussi problématique. Tour à tour dominateur, maladroit, manipulateur et victime, il change de personnalité en fonction des scènes, rendant difficile toute lecture cohérente du personnage. Le film semble hésiter sur la nature de cette relation : est-ce un rapport de force ? Une exploration du désir interdit ? Une critique du pouvoir exercé sur l’autre ? À force de brouiller les pistes, Babygirl finit par ne plus rien raconter. Les échanges entre les personnages sont un autre point faible du film. Plutôt que d’explorer les non-dits et les ambiguïtés, les dialogues tombent souvent à plat, voire frôlent l’invraisemblable.
Une scène en particulier illustre ce problème : la première rencontre entre Romy et Samuel à l’hôtel. Ce moment-clé, qui devrait incarner la montée du désir et de la tension, manque totalement de fluidité. Les réactions des personnages sont incohérentes, passant d’une émotion à l’autre sans transition, et l’ensemble paraît artificiel. La mise en scène, quant à elle, n’aide pas à instaurer un climat sensuel ou inquiétant. Les scènes intimes ne dégagent ni passion ni malaise, et l’absence de tension dramatique empêche toute implication émotionnelle. Il y avait pourtant matière à jouer sur la suggestion, à créer un trouble, mais tout semble trop calculé pour provoquer une véritable réaction.
Un aspect particulièrement dérangeant du film est la manière dont il aborde la notion de consentement. À un moment-clé, une scène intime laisse entendre une absence d’adhésion totale de l’héroïne, mais cela n’est jamais remis en question. Pire, le récit semble banaliser cet instant, donnant l’impression d’un message brouillé. Le film tente de rattraper le coup plus tard, mais de manière trop brève pour que cela ait un véritable impact. Dans une époque où le cinéma interroge de plus en plus les dynamiques de pouvoir et le respect du consentement, Babygirl donne l’impression d’être en décalage. Non pas qu’il faille forcément moraliser les récits, mais il est essentiel de traiter ces thématiques avec justesse.
Ici, elles sont effleurées sans véritable réflexion, ce qui peut provoquer un certain malaise. Pour qu’un drame érotique fonctionne, il faut une connexion palpable entre les protagonistes. Or, Babygirl échoue sur ce point. L’attirance entre Romy et Samuel n’est jamais crédible. Rien, dans leur dynamique, ne justifie ce lien si puissant censé bouleverser leur existence. De plus, le film ne donne aucun élément expliquant pourquoi Samuel, jeune et séduisant, serait irrésistiblement attiré par Romy. Leurs interactions manquent de naturel, et la relation paraît forcée. Un coup de foudre improbable aurait pu fonctionner dans une œuvre plus stylisée, mais ici, cela sonne faux.
Si l’ensemble du film souffre de problèmes de construction, son dénouement est peut-être son plus grand échec. La conclusion manque de cohérence et donne l’impression d’un retour précipité à un statu quo artificiel. Le mari, d’abord en colère, change d’attitude en une fraction de seconde, comme si le film voulait éviter de prendre position. Cette facilité narrative nuit à l’impact du récit. Plutôt que de proposer une vraie réflexion sur les conséquences des choix de Romy, Babygirl semble vouloir tout refermer à la va-vite, sans assumer ce qu’il a mis en place. Résultat : une impression d’inachevé et un sentiment de gâchis.
En fin de compte, Babygirl est un film qui ne sait pas où il veut aller. Trop hésitant pour être un véritable drame érotique, trop brouillon pour être une critique des normes sociales, il finit par errer sans cap. Les idées étaient là, tout comme une actrice principale prête à s’investir pleinement dans son rôle. Mais l’exécution maladroite, le manque de subtilité et les incohérences du scénario empêchent l’ensemble de fonctionner. Pour un film qui se voulait audacieux, il laisse surtout une impression de confusion et d’inabouti.
Note : 3/10. En bref, un drame érotique qui se cherche sans jamais se trouver.
Sorti le 15 janvier 2025 au cinéma
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