Critique Ciné : L'enfant qui mesurait le monde (2024)

Critique Ciné : L'enfant qui mesurait le monde (2024)

L’enfant qui mesurait le monde // De Takis Candilis. Avec Bernard Campan, Raphael Brottier et Mara Apostolakea.

 

L’enfant qui mesurait le monde est une adaptation du roman éponyme de Metin Arditi, portée à l’écran par Takis Candilis. Avec des paysages méditerranéens en toile de fond, le film raconte la rencontre entre Alexandre, un promoteur immobilier français en déclin, et son petit-fils Yannis, un enfant autiste Asperger qu’il découvre à la suite du décès de sa fille. Si l’œuvre promettait une exploration touchante de la différence et des liens familiaux, elle s’égare souvent dans des clichés et une exécution trop lisse. Dès les premières minutes, il devient évident que l’intrigue ne cherchera pas à surprendre. Le récit repose sur une structure classique : un homme d’affaires accaparé par son travail découvre un drame personnel qui l’amène à changer. 

 

Sur l'île de Kalamaki en Grèce, Yannis, un jeune enfant autiste, rythme ses journées en mesurant l'ordre du monde : les bateaux qui accostent, les prises des pêcheurs, le va-et-vient des clients du café.L'arrivée inattendue de son grand-père, Alexandre Varda, homme d'affaires de renom qu'il n'a jamais rencontré, va perturber l'équilibre fragile de son quotidien. Malgré leurs différences apparentes, une relation profonde et bouleversante se tisse entre ce grand-père distant et ce petit-fils aux talents singuliers.

 

Ce cheminement, bien que souvent efficace dans d’autres œuvres, manque ici d’originalité et de profondeur. Le scénario, cousu de fil blanc, déroule ses événements sans grande intensité dramatique. La relation entre Alexandre et Yannis, qui aurait dû être au cœur du récit, n’est abordée qu’en surface. Les moments d’interaction entre le grand-père endeuillé et son petit-fils sont rares et manquent d’émotion, ce qui empêche de véritablement ressentir l’évolution de leurs liens. Le titre du film, promettant une immersion dans le monde intérieur de cet enfant fasciné par les chiffres et les mesures, crée des attentes qui ne sont malheureusement pas comblées. 

 

L’angle de la singularité de Yannis est à peine effleuré, alors qu’il aurait pu apporter une profondeur précieuse à cette histoire. L’un des principaux écueils du film réside dans sa manière d’aborder ses thématiques. Qu’il s’agisse de l’autisme, du deuil ou des difficultés économiques en Grèce, tout est traité de manière superficielle. L’autisme de Yannis, élément central du récit, est évoqué principalement à travers quelques caractéristiques stéréotypées, sans réelle exploration de sa manière de percevoir le monde ou de son impact sur les relations avec son entourage. Cela donne l’impression que son trouble est davantage utilisé comme un prétexte scénaristique que comme un véritable sujet.

 

Quant au contexte économique de la Grèce, il reste une toile de fond vaguement esquissée. Si l’idée d’intégrer des enjeux socio-économiques dans le récit était pertinente, ces derniers semblent greffés de manière artificielle et ne s’intègrent pas harmonieusement à l’histoire principale. L’un des points forts du film aurait pu être son décor : les superbes paysages de la Grèce, baignés de soleil, qui auraient pu insuffler une vitalité supplémentaire au récit. Malheureusement, la mise en scène ne parvient pas à exploiter pleinement cette richesse visuelle. Au lieu de se sentir transporté dans cette île méditerranéenne, le spectateur reste en surface, face à des images qui, bien que jolies, manquent de dynamisme. 

 

Ces paysages, qui auraient pu être un véritable personnage à part entière, ne sont ici qu’un simple décor, ce qui renforce l’impression d’un téléfilm dans son approche. Bernard Campan, dans le rôle d’Alexandre, livre une performance sobre et sincère. Il parvient à incarner avec justesse ce grand-père endeuillé et désorienté, cherchant à renouer avec un fragment de sa famille. Cependant, son personnage reste limité par l’écriture du scénario, qui ne lui permet pas d’explorer pleinement les différentes facettes de son évolution. Yannis, interprété par un jeune acteur, manque également de consistance. L’enfant, censé être le cœur du récit, est relégué à un rôle secondaire, tandis que les relations entre Alexandre et d’autres personnages – notamment la figure féminine jouant le rôle de "seconde maman" pour Yannis – prennent une place plus importante. 

 

Ce déséquilibre prive le film de l’impact émotionnel qu’il aurait pu avoir. Quant aux personnages secondaires, ils souffrent d’un traitement caricatural, ce qui les rend peu crédibles. Ils semblent souvent là pour remplir des fonctions spécifiques dans le récit, sans véritable substance. Le dénouement du film, bien que porteur d’une lueur d’espoir, s’avère trop lisse et prévisible. Plutôt que d’offrir une conclusion marquante, il choisit la voie facile du "happy end", sans véritablement résoudre ou approfondir les conflits initiaux. Cela laisse une impression d’inachevé, comme si le film n’avait pas pleinement assumé ses ambitions.

 

Ce qui pourrait poser problème dans L’enfant qui mesurait le monde, ce n’est pas tant sa simplicité que son manque d’intensité. Il est tout à fait possible de raconter une histoire simple avec émotion et profondeur, mais ici, cette simplicité vire trop souvent à la platitude. Les thèmes abordés – l’autisme, le deuil, les liens familiaux – méritaient un traitement plus nuancé. En choisissant de rester en surface, le film semble passer à côté de l’essentiel, ce qui limite son impact sur le spectateur. Malgré ses défauts, L’enfant qui mesurait le monde n’est pas déplaisant à regarder. Les paysages méditerranéens, la lumière du soleil et l’ambiance estivale créent une atmosphère agréable, presque apaisante. Pour ceux qui cherchent un film léger et sans prétention, il peut offrir un moment de détente.

 

Cependant, pour les spectateurs en quête d’un récit plus profond ou d’une exploration authentique de sujets complexes, ce film risque de laisser un goût d’inachevé. Il manque cette étincelle qui aurait pu le distinguer d’autres œuvres similaires et lui donner une place plus marquante dans le paysage cinématographique. L’enfant qui mesurait le monde est une œuvre qui, malgré de belles intentions, peine à tenir ses promesses. Entre un scénario prévisible, des thématiques survolées et des personnages qui manquent de relief, il laisse une impression de potentiel inexploité. Si Bernard Campan réussit à apporter une certaine crédibilité à son rôle, cela ne suffit pas à compenser les faiblesses du récit.

 

Ce film illustre les difficultés à adapter un roman en capturant à la fois l’essence des personnages et la richesse des thématiques abordées. Il se contente de survoler les sujets au lieu de plonger véritablement dans leur complexité. Pour autant, il serait injuste de dire que L’enfant qui mesurait le monde est dépourvu de qualités. Il offre une vision lumineuse de la Méditerranée et des moments de douceur qui, bien que rares, peuvent toucher certains spectateurs. Mais pour moi, ce film restera une occasion manquée de raconter une histoire à la hauteur de son titre.

 

Note : 3.5/10. En bref, une rencontre superficielle qui n’atteint jamais son but. 

Sorti le 26 juin 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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